Source: http://bibliolib.net/hommescontrepatriarcat.htm
Si le type homme ou femme est bien déterminé par le biologique,
les genres sont très variables d'un bout à l'autre de la planète
voire d'un bout à l'autre de la vie d'une même personne suivant les
rapports sociaux-culturels qui régissent les diverses communautés
humaines. Et même si le modèle patriarcal est ultra dominant, c'est
donc qu'une évolution est possible et qu'une autre construction est
envisageable.
Le patriarcat c'est nous!
" Les rapports sociaux de sexe s'appuient autant sur l'illusion
naturaliste de supériorité masculine que sur la reproduction entre
hommes de la vision hiérarchique des rapports hommes/femmes. Être
homme, y compris chez les hommes, c'est être le plus fort, le
meilleur, celui qui agit. Les autres, certains homosexuels, les
faibles, ceux qui ne veulent pas -- ou ne peuvent -- gagner sont
assimilés dans le genre masculin -- syntaxe comprise -- aux femmes. (1)
" Et lorsque l'on se retrouve après des processus de
construction sociale, d'apprentissage, de rapports de force, en
position de dominant, il n'y a objectivement aucune raison de
descendre de son piédestal. Nous (les hommes dans leur globalité)
avons une place de choix dans le système patriarcal puisque nous
occupons la plus haute marche du podium, c'est-à-dire que nous
opprimons les autres, ceux, ou plus exactement celles, qui n'ont pas
eu l'incommensurable honneur de naître couillu! Comme dans le rapport
maître/esclave où le maître ne change que sous la contrainte, dans
les rapports hommes/femmes, les hommes ne changent que forcés. Par
qui? par quoi? En premier lieu par les conséquences des luttes et réflexions
féministes, mais aussi parce qu'entre hommes la guerre est
impitoyable et qu'elle ne fait pas que des vainqueurs. Il est commun
de penser que les hommes ont beaucoup à perdre à la libération des
femmes et pourtant des hommes participent aux luttes antisexistes,
antipatriarcales. Est-ce par solidarité désintéressée, est-ce que
se sont des refoulés, veulent-ils se faire pardonner des fautes
inavouables, sont-il des espions, ont-ils d'autres intérêts?
Les luttes féministes créent une situation nouvelle où est remis
en cause la suprématie masculine.
" Les hommes ont vu leurs certitudes s'effriter une à une, au
cours des dernières décennies. Leur identité, leur couple, leurs rôles
sociaux et familiaux ont été remis en question, voire bouleversés.
Maintenant que les femmes réclament autant dans la vie privée que
dans la vie publique l'autonomie et l'égalité, de nombreux hommes
sentent leur place leur échapper. Le nouvel équilibre entre les
sexes peut cependant s'avérer l'occasion pour les hommes de penser et
d'organiser différemment leur existence (2)
". Face à ces bouleversements, ils doivent chercher d'autres repères.
Cette dimension collective peut aller de pair avec une approche plus
individuelle notamment lorsqu'on vit, travaille, milite, discute, se
confronte avec des féministes et que l'on se fait renvoyer au
quotidien, et à juste titre, notre statut de mâle, notre rôle
d'opresseur. Si cette confrontation est douloureuse elle n'en n'est
pas moins salutaire pour nous et pour les autres. Un autre vecteur de
prise de conscience est notre rapport aux autres hommes, à l'image,
aux attitudes que l'on est censé reproduire en tant que mec "
normal ". Certains parce qu'ils n'arrivent à prendre en charge
leur rôle de macho, sûr de lui, etc. ou parce qu'ils sont considérés
comme des sous hommes (des " femmelettes ") par les autres
hommes, en raison de leur physique, de leur caractère, de leur
sexualité... vont se remettre en cause. On peut être un homme et
avoir la nausée face à la violence masculine, à l'homophobie, au
virilisme, etc.
Ce n'est pas parce qu'il existe des conditions, amenées par les
luttes de libération des femmes, favorables au changement qu'il
n'existe pas des résistances de la part des hommes. Le changement
n'est pas mécanique. Et pour cause, nous sommes toujours les garants
et les bénéficiaires de la société dans
laquelle nous vivons; société faite par les hommes et pour les
hommes. À partir de là, on peut s'interroger sur notre place, forcément
particulière, dans une lutte pour l'abolition du patriarcat.
La fin du patriarcat on a tout à y
gagner!
" Contrairement aux femmes et aux minorités (nationales,
ethniques, sexuelles, etc.) qui, au cours des dernières décennies,
ont revendiqués l'amélioration de leur condition, les hommes n'ont
d'autres adversaires qu'eux mêmes. Les hommes ne peuvent s'en
prendre qu'à eux, sinon comme individu du moins comme collectivité (3)
". Même si notre premier réflexe est de faire la sourde
oreille, de s'arcqueboutter sur nos privilèges, de refuser de
changer, nous avons tout à gagner de cette remise en cause de nos
comportements. L'abolition du patriarcat pour les hommes, c'est aussi
la fin d'un modèle. Ce qui ne signifie pas pour autant le néant mais
plutôt la recherche d'autres modèles. Si pour paraphraser Simone de
Beauvoir, on ne naît pas homme on le devient, pour chacun d'entre
nous et pour la collectivité s'ouvre une possibilité de déconstruction.
La première étape est de se remettre en cause au quotidien
concernant ses attitudes, comportements, valeurs. La remise en cause
de pans entiers de sa vie n'est pas évident.
Mieux se connaître, s'exprimer sous d'autres formes que la
violence ou le mutisme, changer ses rapports avec les femmes et avec
les autres hommes, etc. s'est un peu explorer l'inconnu mais cela peut
être une perspective plutôt jouissive et pourtant guère portée
en dehors de quelques groupes non-mixtes hommes existants. Alors que
les libertaires devraient complètement s'inscrire dans une démarche
antipatriarcale, vu les valeurs qu'ils avancent (anti-autoritarisme,
égalité, émancipation...), on s'aperçoit que souvent ces derniers
se cantonnent souvent à un antisexisme de circonstances, un peu
artificiel: surveiller son langage, ses attitudes sans se remettre véritablement
en cause. Les hommes sont censés prouver jour après jour qu'ils sont
des hommes
notamment en affirmant leur domination sur les femmes; domination qui
recouvre énormément de formes, plus ou moins identifiables, encouragées,
et diffuses. S'affirmer comme mâle dominant, implique aussi entre
hommes une âpre compétition, un culte de la virilité, de la
performance, une course au pouvoir mais aussi des échanges
relationnels extrémement superficiels où les émotions et les
sentiments n'ont pas de place.
Si nous sommes solidaires des luttes féministes, ce n'est pas pour
parler à leur place, ni pour se réapproprier les rares espaces de la
société dont nous ne sommes pas maîtres. Christine Delphy rappelle
dans un texte incontournable qui démonte les principaux poncifs féministes
émis par les hommes (révélant la plupart du temps une pensée antiféministe!) (4),
que " la libération des opprimés est d'abord sinon seulement,
l'oeuvre des opprimés [...] les oppresseurs ne sauraient jouer le même
rôle dans les luttes de libération que les opprimés. C'est à
partir de notre place d'homme que l'on doit réfléchir, se déconstruire,
lutter. Un des enjeux de notre engagement doit être de faire émerger
chez les hommes une vision critique de leur réalité.
Bernard, Gile (OCL Bretagne) ocl_relex(AT)hotmail.com
NOTES:
1. M.-F. Pichevin,
D. Welzer-Lang, " Préambule ", Des hommes et du masculin,
ouvrage collectif, Presses universitaires de Lyon, 1992, p. 11.
2. M. Dorais,
" Pour une approche masculiniste ", op. cit, p. 193.
3. ibid, p. 193.
4. " Nos amis
et nous. Fondements cachés de quelques discours pseudo-féministes.
", L'ennemi principal. Économie politique du patriarcat, Syllepse,
1998, pp. 167-215.
Pour plus d'info -> http://www.ainfos.ca
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