Revue TYPES - Paroles dhommes n°6
- 1984 |
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Revue TYPES - PAROLES D'HOMMES N°6 - Avril 84 Des hommes... des hommes... ...oui mais des femmes aussi !
L'originalité de ce numéro de la revue Types tient au fait qu'il est élaboré de façon mixte, hommes et femmes ayant participé conjointement à sa préparation. Une synthèse historique des rapports de sexe, outre sa complexité, serait trop longue à établir ici. Soulignons cependant que nous sommes tous convaincus de l'existence d'une oppression et d'une domination socioéconomique des femmes par les hommes. Interprétation utopiste : nous supposons que les " maîtres " souffrent de l'ordre phallocratique. Le féminisme est porteur de libération pour nous, les hommes. Nous femmes pensons que les hommes ont intérêt à la disparition des rôles traditionnels. Ce numéro est fondé sur ce crédit réciproque. La réflexion commune n'oblitère pas la non-mixité. Mais celle-ci ne s'impose pas de façon exclusive. Elle est même absurde, si elle confine la mixité aux lieux incontournable. Nous voulons décider de notre rapport à l'autre. L'objet de notre reconnaissance, de notre désir, doit participer à notre réflexion. Rempart frileux La non-mixité de la revue Types a toujours été ressentie comme une condition sine qua non de l'émergence d'une réflexion masculine originale sur la virilité, les rôles et le sexisme. Comme celle des groupes hommes qui ont engendré la revue, elle n'était pas la contrepartie rancunière de la nonmixité du mouvement des femmes, mais plutôt un élément constitutif d'une spécificité autre que celle des lieux d'hommes où s'entretient la phallocratie. L'absence des femmes semblait une base indispensable pour atténuer les concurrences masculines qui, entre autres, devaient être critiquées et remises en cause. Dans cette non-mixité furent élaborés le numéro un sur la paternité, le numéro deux/trois sur les plaisirs, et le numéro quatre sur les rapports entre hommes. Inévitable parce qu'il constitue l'une des principales réalités du sexisme, le thème des relations hommes-femmes appelait la mixité ; comment l'aborder réellement dans la position confortable d'une réflexion sans réciprocité ? La non-mixité fut alors ressentie comme le rempart frileux qui, en excluant a priori toute contradiction venant de l'autre sexe, appauvrit trop l'analyse critique sur les relations hommes-femmes. Aussi a-t-on décidé de consacrer deux numéros à ce thème : le premier serait élaboré par les seuls hommes de Types, ce fut le numéro cinq. Le second, ce numéro six, devait être, dans l'histoire de la revue, une parenthèse de mixité qui serait ensuite immédiatement refermée. Pour ce projet commun, des femmes furent invitées à une première réunion en mars 83. Premier rendez-vous Le rendez-vous s'annonçait plutôt mal. Fausse adresse au départ. Puis, très vite, l'inquiétant (mais pourtant prévisible) constat d'un déséquilibre dans la salle : cinquante femmes pour dix hommes. Malaise, malaise ! Débat pas vraiment tendu, bien que difficile. Après plusieurs heures de questions concernant souvent les motivations des hommes, des propositions de travail en groupes ont été avancées. Les commissions se sont formées sur la base de cinq thèmes principaux : " Changement, rôles et sexisme, divorce, rencontre, action ". Rendez-vous étaient pris pour la semaine suivante. Les premières semaines ont fait salle comble pour tous les groupes. Hélas, les énergies se sont vite dispersées. Beaucoup sont venu(e)s en curieux, pour respirer l'air du temps... L'air était-il irrespirable ? Le travail pas suffisamment mâché ? Les thèmes trop vastes ? Peu à peu les groupes se sont éteints, trop vite pour produire des textes ; seuls les groupes " Rencontre " et " Changement " ont poursuivi jusqu'à la réalisation de ce numéro. Nous nous manquons Un mélange de doutes et de certitudes agençait les rencontres, les possibles de ce numéro. Certitudes : le sexisme qui imprègne les relations hommes-femmes ne peut être mis à l'écart même quand il s'agit de tenter d'accomplir quelque chose ensemble. Doutes : nous nous manquons. Une relative schizophrénie ronge nos vies, nous coinçant entre nos espoirs et le passage aux actes de libération. Nos appartenances de sexe nous identifient, mais nous limitent. La poésie de nos histoires individuelles et collectives, la recherche d'un échange si maladroitement esquissé, nous saisissaient avec son cortège d'images de la création : autres rapports, autres façons d'être et de devenir, un certain goût de se confronter avec des semblables pour un peu de bonheur. Ces doutes et certitudes ont constitué la terre à modeler de nos rencontres. La technique du modelage et les formes à produire ont eu une importance, mais relative. Chacun ressort de cette expérience avec un goût d'inachevé, comme si nous avions modelé dans le noir, incertains et malhabiles. Les objectifs du départ se sont obscurcis pour le plaisir d'être ensemble. Cette attitude conduit évidemment à un bilan en demi-teinte ! Frustrations et constats que toutes les questions que nous voulions nous poser, ne l'ont pas été. Chacun sa zone d'ombre et tous ensemble une sensation d'être passés à côté d'un rigoureux extraordinaire. Pourtant, ce numéro six est là, jalon premier ou dernier, selon chacun(e), d'une démarche mixte qui s'est voulue constructive. Formuler d'ores et déjà ce qui manque et ce dont nous sommes satisfaits serait présomptueux. Les lecteurs jugeront. Le projet, controversé, le demeure. Mais puisqu'il faut conclure, citons : " désir inattendu qui monte à la surface et qu'on voit tourner, tourner. Peut-être est-il alors si tenace parce qu'on ignore définitivement sur quel fragile agencement de détails il a pris naissance et force... Je n'en tirerai pas de quoi le reproduire : c'est qu'il n'est pas un ordre qu'on appliquerait mais comme une fissure, une émergence, un désordre révélateur ". Ce numéro six ressemble à cette phrase du " sable des marges " (Le Sable des marges, Samuelle Lucie et Philippe Longchamp. Editions de l'Utovie.) Il donne envie de continuer un inachevé. Directeur de publication : Didier Uri. Edité par A.D.A.M. |
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