Les hommes violents

Les rapports sociaux de sexe

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Les hommes violents

Daniel Welzer-Lang, Lierre et Coudrier éditeur, Paris, 1991 

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1 ère partie

Sur les rapports hommes/femmes

Les rapports sociaux de sexe

Les rapports sociaux de sexe dans lesquels le groupe des hommes domine de manière économique, culturelle et sociale le groupe des femmes dans la société française contemporaine nous pousse à caractériser cette société de patriarcale et de viriarcale. Les recherches en anthropologie et en sociologie des sexes, récentes des sciences sociales, posent en hypothèses de base :

- que les catégories de sexe sont socialement construites, et ne sont pas des données naturelles;

- que les rapports sociaux qui les lient sont transversaux, c'est à dire qu'ils traversent l'ensemble des classes sociales, et de manière plus générale l'ensemble des sociétés et leurs structures sociales (économiques, religieuses; politiques, idéologiques), et qu'ils varient de manière synchronique (pour une époque donnée) et diachronique (historiquement) en fonction des sociétés.

- que les rapports sexués sont fondamentaux dans les sociétés et participent à leur structuration ainsi qu'à leur reproduction; qu'ils s'articulent avec l'ensemble des autres rapports sociaux

Comprendre quelles sont les évolutions et les transformations en  oeuvre, savoir si elles modifient et la manière dont elles modifient les rapports de domination, tel est le sens premier de cet ouvrage.

J'étudie depuis maintenant sept ans, sous différentes formes, les transformations culturelles émergeant chez les hommes : les rapports entre les hommes, l'érotique, le viol, et les catégories sociales de sexe; les rapports entre le travail domestique et les hommes. Ces éléments permettent la compréhension des changements qui sont à l'oeuvre dans la société française contemporaine entre les groupes de sexe. Mes travaux précédents me laissent actuellement percevoir trois lieux (ou espaces) privilégiés pour l'étude de l'évolution des rapports sociaux de sexe, de leur remise en cause et de leurs transformations. Ces lieux pourraient constituer des observatoires stratégiques, car ils sont des espaces de négociations individuelles et collectives entre les sexes en ce qui concerne les comportements, les savoir-faire et les positions de sexe qui les sous-tendent.

Ce sont :

- le travail : et l'opposition travail salarié/travail domestique

- la fécondité, et notamment pour les hommes, la paternité et la contraception

- l'érotique

Le travail

La division sociale et sexuelle du travail interroge la partition entre le travail reconnu valorisé et dit professionnel et le travail domestique, longtemps nommé activité ménagère que la familiarité nous rend invisible.

L'analyse des rapports sociaux de sexe montre comment le travail salarié, prioritairement et non exclusivement dévolu aux hommes, est en permanence articulé sur la division sociale et sexuelle qui existe dans la famille, tant en termes de structures, qu'au niveau des trajectoires personnelles et/ou collectives. Suite à la crise économique, à la recomposition du travail salarié par la ré-introduction des femmes, suite aussi aux critiques masculines par certains groupes d'hommes de la division travail salarié/domestique, des hommes et des femmes rompant avec le modèle patriarcal moderne, déclarent vouloir vivrent aujourd'hui d'autres relations au travail.

La fécondité :

La contraception féminine associée à l'avortement a été sans conteste une révolution dans la gestion de la reproduction humaine. Le contrôle par les femmes de leur capacité reproductive, l'obtention du droit à disposer de leur corps ont bouleversé une gestion traditionnellement masculine de ces éléments. Dissociant sexualité et fécondité, la contraception et l'avortement, ont été des droits obtenus à partir de luttes de femmes. Celles-ci pour de nombreuses femmes, et pour quelques hommes, ont servi de révélateurs du pouvoir masculin tant politique que médical.

Suite à ces luttes, dans les sociétés occidentales, les caractéristiques de la gestion sociale des parentalités ont été remises en cause. Que ce soit en termes juridiques (par exemple l'autorité "parentale" appelée auparavant autorité "paternelle"), ou pour les formes d' éducation, les conditions traditionnelles des rapports entre mère, père et enfants se sont transformées, aboutissant par exemple pour les femmes à vouloir tout à la fois travailler dans la production et élever des enfants.

De même, certains hommes, par rapport à la fécondité ou à l'éducation des enfants, vivent et/ou revendiquent d'autres rapports à la paternité biologique, sociale et à son contrôle. La contraception masculine hormonale, l'hyperthermie scrotale, la vasectomie_ mais aussi les nouvelles techniques de reproduction semblent modifier de manière profonde le contrôle et les modes d'exercice de la reproduction humaine.

Si pendant longtemps seule la maternité est apparue naturelle en opposition à la paternité sociale, maternité et paternité se présentent aujourd'hui comme des notions articulant pour les hommes et les femmes des fonctions biologiques et sociales.

L'érotique :

La recherche réalisée sur le viol montrait comment le mythe du viol structure l'érotique au masculin imposant aux femmes et aux hommes des modèles de représentations et de pratiques sociales dans la sphère sexuelle et les espaces sociaux. A partir de l'étude ethnographique du phénomène social, nous avons pu commencer à définir la place de l'homme (au masculin) dans les espaces de domination. Si le modèle dominant tend à travers le mythe et ses divers énoncés, à définir une normalité virile, un modèle culturel qui s'intègre dans les représentations, dans le vécu du désir sexuel et du plaisir, j'ai aussi montré comment certains hommes ont remis en cause ce fonctionnement. Tout en restant dans des structures patriarcales, ils vivent des transformations de modèles et en cela une transformation des rapports de domination.

Les modèles culturels, tout comme les positions de sexe dévolues au masculin et au féminin, apparaissent avec des formes plus ou moins diversifiées en fonction des classes sociales dans lesquelles ils se mettent en scène. Toutefois ils présentent l'aspect de phénomènes sociaux totaux (tels que les définissait Marcel MAUSS) produisant des prescriptions sociales totales, c'est à dire qu'ils s'imposent à la quasi-totalité des hommes et des femmes. Ils structurent à travers des mythes qui les légitiment, les expliquent, ainsi que des rites qui permettent leur mise en _uvre et leur reproduction, les espaces de domination entre groupes de sexe, et s'intègrent à la conscience des dominants et des dominées. Tout en permettant l'oppression économique et politique et symbolique des femmes, ils sont aussi des modèles limitatifs et aliénants pour les hommes qui les véhiculent.

Identifier ces remises en cause suppose tout à la fois de les repérer de manière ethnographique et/ou sociologique, et de comprendre les mythes modernes qui structurent ces pratiques. En effet, si le "genre" apparaît être le discriminant institutionnel central dans l'ensemble du mode de vie, le passage de la société rurale à la société post-industrielle s'accompagne de modifications des représentations, de leurs fondements symboliques et de leur diffusion.

Trois observatoires, une régulation

A ces espaces de confrontation, appartenant tant au domaine privé qu'au domaine public, dans et hors la cellule familiale, doit s'adjoindre l'étude du mode de régulation des rapports sociaux de sexe.

La place centrale des corps

Dans ces transformations, dans la construction des catégories sociales de sexe, dans les rapports sociaux, et la reproduction de ces rapports, le corps, les corps - corps des hommes, corps des femmes - détiennent une place centrale.

Le corps biologique apparaît comme le support physique et symbolique des rapports entre les sexes, et ceci à plusieurs niveaux. C'est ainsi repérable d'une part à travers l'utilisation du corps biologique des dominées - son oppression - (emploi du corps des femmes pour le travail domestique, le service sexuel, la pornographie), d'autre part à travers l'aliénation du corps de l'homme (modèle viril, éloge de la force), dans les prescriptions de places sociales et de modèles qu'on lui impose (l'homme se doit de travailler et d'entretenir une famille, d'être le pourvoyeur, le protecteur, bref le mâle).

Mais cela apparaît aussi dans la problématique du rapport au travail (valorisation du travail salarié effectué par les hommes à l'extérieur et dévalorisation du travail domestique effectué à titre gratuit par les femmes), ou dans les questions de la fécondité, de la contraception et de l'éducation des enfants. On pourrait encore aborder la place centrale du corps dans les rites sexuels ou les rites d'initiation (l'armée pour les hommes, la prise de contraception pour les femmes, les premières expériences pour l'un-e et l'autre ).

Le corps biologique et social des dominants, dans les rapports qu'il entretient avec les corps des dominées, et dans les représentations qu'ont les hommes de ces phénomènes, est ainsi le médiateur des changements à l'oeuvre dans les rapports de domination.

Support de la contrainte physique, lieu d'exercice de celle-ci, les modifications du rapport au corps biologique et social sont ainsi l'enjeu de luttes sociales et politiques prenant des aspects individuels et/ou collectifs. Ces modifications peuvent être observées dans un ensemble de cas dits singuliers , mais aussi dans plusieurs disciplines, à travers des pratiques médicales (Procréations médicalement assistées, SIDA), psychologiques (stigmatisation de la violence aux enfants, de certaines formes de viol), sociales (évolution des modèles de parentalités, transformation des rites d'initiation) ou militantes (luttes pour la non-violence, les droits de l'"homme", luttes féministes, homosexuelles ). Ces nouvelles représentations structurent les modifications de la contrainte sur le corps des dominées, ou l'aliénation du corps des dominants.

Mon propos était au départ de cette étude de limiter les investigations aux hommes, au masculin, c'est à dire à un seul terme du rapport social, mais l'analyse présentée ici associe des représentations et des pratiques masculines et féminines car le genre masculin (ou féminin) n'existe que dans sa différence à l'autre, dans son interaction avec l'autre.

Enfin, l'étude des hommes et des femmes, et leurs rapports personnels et collectifs à la violence domestique, l'analyse des rapports sociaux de sexe et ses transformations ne peuvent se résumer à une approche monodisciplinaire.

Une confrontation entre explications sociologiques ou anthropologiques et psychologiques est nécessaire. Encore faut-il que les premières existent. Ce livre n'est pas une présentation psychologique de la violence masculine domestique, celle-ci reste à faire : il faut étudier la psychologie des hommes violents. Au lieu d'étudier de manière clinique quelques cas individuels d'hommes violents, ma perspective privilégie une analyse globale de l'ensemble des hommes concernés. Dans l'étude de phénomènes sociaux qui concernent des milliers -ou des millions- d'individu-e-s, la présentation exclusive de quelques éléments tirés d'observation clinique, peut tendre, et nous l'examinerons, à présenter des effets de brouillage.

Ma perspective ne se situe donc pas, en opposition avec la psychologie ou la psychanalyse, elle conteste toutefois l'impérialisme de ces sciences dans la métaphorisation et l'explication du social. Souhaitons que bien vite, des spécialistes de ces sciences viennent apporter un éclairage différent sur les hommes violents, afin qu'un débat puisse s'ouvrir.

Pourquoi étudier la violence masculine domestique ?

Il m'a fallu étudier le mythe sur le viol pour comprendre le sens d'un certain nombre de pratiques sexuelles masculines, entendre les hommes violeurs pour m'apercevoir en quoi ils étaient en général ordinaires, des figures "banales" du masculin empreint de stéréotypes sexistes ; Il m'a fallu aussi étudier la domination qu'exerce le groupe des hommes collectivement et/ou individuellement sur les femmes par le viol et son mythe pour voir les changements et les ruptures masculines. L'étude des nouveaux comportements masculins, qui reste toujours ma préoccupation principale, ne pouvait faire l'économie d'une description de l'ancien modèle. Certes, et nous y reviendrons, masculin et féminin ont chacun des positions de sexe - ce que certain-e-s appellent "rôles"- facilement analysables : à l'homme le travail extérieur, à la femme le travail domestique (et souvent en plus le travail salarié). Nous pourrions voir le "nouveau" dans les hommes qui s'adonnent au pouponnage, à la lessive, ou aux femmes qui deviennent des "femmes d'affaires". Toutefois, plusieurs constatations m'ont amené à prendre une autre entrée pour comprendre le fonctionnement du quotidien et sa régulation.

Tout débute par une intuition, une foule d' éléments qui s'accumulent avec l'observation de couples où malgré l'apparente remise en cause des positions de sexe de l'un/e et de l'autre, on peut noter une continuité dans la domination masculine : l'homme qui "coupe" la parole à sa conjointe, ou celle-ci qui "pour faire plaisir" cède continuellement aux demandes de son ami ; des rapports où sous le couvert de liberté l'homme peut facilement avoir d'autres relations sexuelles, mais où la femme est sévèrement critiquée dès qu'elle envisage une attitude symétrique, le ton d'une voix mâle qui influence, contrôle_ L'ensemble de ces "petits détails" souvent imperceptibles m'ont amené à réfléchir sur la différence entre discours égalitaire et pratique non dominatrice. Par hasard, certains de ces hommes ou de ces femmes se sont ouverts à moi sur la violence vécue dans le couple. Au début, donc, une impression que la violence masculine était peut-être un dénominateur commun entre tous les hommes dominants dans les couples.

D'autre part, au sortir de mes recherches sur le viol, restaient un certain nombre de questions sur le viol conjugal, ou sur les phénomènes parallèles au viol : le harcèlement sexuel, la domination quotidienne. Autant le mythe sur le viol permet d'expliquer les représentations masculines dans la sexualité, autant il ne permet pas de comprendre pourquoi et comment des femmes restent en position de soumission économique, politique, culturelle par rapport aux hommes, ni comment dans la vie sociale, les hommes exercent leurs pouvoirs.

Dans de nombreux écrits féministes, la violence exercée contre la femme est décrite comme un phénomène omniprésent, un "moyen premier de contrôle social" écrivait Jalna HANMER en 1977. Depuis 1978, date de la création du premier centre pour femmes battues à Paris (Centre Flora Tristan), les foyers n'ont cessé de s'ouvrir en France comme dans d'autres pays, et leurs animatrices continuent à affirmer la sous-estimation sociale du phénomène. Cependant, la parole des hommes, présentés comme les principaux auteurs de ces violences, a toujours été absente de ces analyses.

Mon intention première, était d'étudier les représentations masculines de la violence domestique. Or, non seulement il a été vite impossible de se limiter aux discours des hommes -beaucoup de femmes veulent elles aussi parler de la violence- mais, j'ai aussi vite découvert l'intérêt de ne pas séparer arbitrairement les représentations masculines et féminines.

Afin de recueillir l'ensemble de ces témoignages, je n'ai pas a priori défini l'objet "violence". Tout se passe comme si l'énonciation "violence" sans précisions complémentaires était heuristique. Comment définir un objet quand, très vite, on s'aperçoit que les mêmes scènes, les mêmes gestes, sont explicités différemment au regard de la notion de violence ?

La définition, ou les définitions de la violence domestique seront donc en elles-même une partie de cette recherche où s'intégrera l'ensemble des représentations énoncées par hommes, femmes et enfants. Les définitions différentes qu'exposent hommes et femmes, violent-e-s et violenté-e-s, participent de cet aspect encore peu étudié des relations hommes/femmes à savoir "la part pensée" des rapports sociaux de sexe.

J'ai limité ici l'étude à la violence domestique. Au début de cette étude, j'utilisais le terme "violence en Privé". Le Privé peut se définir dans toute interaction individuelle entre acteurs-actrices. Mais j'ai circonscris cette recherche à la violence familiale en oeuvre dans la maison (doma), bien que le harcèlement sexuel, la violence physique (et nous en donnerons quelques exemples) ne soient pas absent-e du domaine professionnel et/ou public (la rue). Il m'a toutefois semblé plus pertinent de limiter l'investigation, quitte à intégrer dans l'exposé les propos où les informateurs/trices m'ont indiqué des violences corollaires aux violences domestiques vécues par ailleurs.

L'étude de la violence domestique correspond donc à une volonté de comprendre l'état du rapport homme/femme ici et maintenant. Cet objectif n'est pas le seul objectif du livre.

Que faire des hommes violents ou violeurs ?

Cette recherche a aussi été concomitante à ma participation à la création du centre d'accueil pour hommes violents de Lyon que je présenterai succinctement dans la partie suivante. Cette volonté d'intervention sociale s'est très vite heurtée à la méconnaissance générale de la population concernée par la violence domestique. Comprendre les hommes violents, leurs spécificités, est devenu alors un objectif commun aux intervenants sociaux et aux chercheurs. Ceci place mes travaux de recherches dans une problématique particulière, à l'interface entre une intervention sociale et une réflexion universitaire.

Un oubli dans les sciences sociales

Cette étude voudrait aussi suggérer de nouvelles pistes de recherches dans les sciences sociales. Les anthropologues peuvent souvent pour les peuples dits primitifs décrire la violence comme une des constituantes des rapports sociaux entre hommes et femmes. Dès que les spécialistes de la famille et du quotidien s'intéressent à la société française contemporaine, soit la violence est absente, soit elle est suggérée comme une pratique appartenant à la pathologie de quelques individu-e-s, et ces spécialistes privilégient d'autres éléments d'analyse. Ainsi, nous avons par exemple des études remarquables sur les trajectoires professionnelles, familiales, montrant comment pour les étapes de la vie familiale, l'apparition et l'enchaînement d'événements familiaux (mariage, naissances, déménagements) déterminent les rapports qu'entretiennent homme et femme à l'activité professionnelle

Mais si beaucoup de travaux, analysent la division sociale et sexuelle du travail, et expliquent comment cette division est gérée, peu d'écrits s'intéressent au cadre social quotidien légitimant et organisant cette division inégalitaire. Seuls quelques ethnologues féministes attirent l'attention sur la place centrale de la violence : "la violence contre le dominé va s'exercer pas seulement dès que le consentement faiblit [_] elle est avant, partout et quotidienne". D'autres, y compris des hommes, la définisse comme un "mode d'expression et de réalisation de rapports sociaux", mais sans en tirer les conséquences ou recherches nécessaires pour en comprendre le fonctionnement.

On peut aussi relever un autre absent de ces études : le corps, celui des dominants, des dominées. Il n'existe que peu de travaux sur le corps support de la contrainte ou médiateur des changements. Or, nous le verrons, la violence s'intéresse d'abord au corps. Elle est avant tout inscription corporelle des rapports sociaux de sexe.

Hypothèses de recherche : la violence est une régulation

Mes hypothèses sont : tout en restant dans le système patriarcal, se dessinent entre les catégories sociales de sexes (les genres), des rapports sociaux de COLLABORATION / PARTENARIAT, repérables dans les sphères de négociation pré-citées et dans le mode de régulation.

La première hypothèse considère que la violence est le mode premier de régulation des rapports sociaux entre les sexes dans la société française contemporaine.

La violence est considérée comme centrale dans d'autres rapports de domination (pensons à l'apartheid ou au colonialisme), elle peut être analysée dans les rapports hommes/femmes.

Dans mon hypothèse la violence s'exerce de manière différenciée dans les rapports entre ethnies, entre états modernes et dans les unités domestiques où elle prend la forme de violences intra-familiales (violences sur les femmes, violences sur les enfants). Elle régule, tant dans les espaces publics que dans les espaces privés, les formes de domination des hommes sur les femmes. Son caractère central trouve sa représentation dans un ensemble d'expressions symboliques. Certaines sont emblématisées de manière phallique, associant ainsi violence et masculin, d'autres inscrites sur les corps. Le refus chez certains jeunes hommes du service national, de la guerre entre hommes, des relations de violence explicites ou pseudo-implicites avec les femmes, les soeurs, les enfants la volonté très récente de stigmatiser socialement la violence masculine en lui offrant des cadres institutionnels pour son traitement (après les centres d'accueil pour femmes battues, l'enfance maltraitée, les centres d'accueil pour hommes violents) marquent les remises en cause conjoncturelles et/ou structurelles de ce type de régulation par des hommes.

Si certains hommes situent objectivement ou subjectivement leur démarche en termes de remise en cause des modèles dominants, d'autres dans leurs pratiques sociales présentent d'autres "comportements frontières" du masculin : ce sont les hommes violeurs et les hommes violents. Ceux dont la caractérisation sociale désigne la non-évolution de leurs fonctionnements sont aussi pour l'ethnologue et le sociologue un terrain permettant de saisir la structuration de la masculinité.

La violence masculine domestique est centrale dans la régulation des rapports sociaux de sexe traduisant la domination collective et individuelle du groupe des hommes sur le groupe des femmes.

- Sa découverte, son étude, sa stigmatisation correspondent à une évolution des femmes et des hommes, du patriarcat et du viriarcat.

- Ses définitions sont différentes pour ceux (celles) qui l'exercent et celles (ceux) qui la subissent .

- La violence en privé est d'abord masculine et domestique.

- Dès son apparition la violence masculine domestique est prévalente des autres formes de régulations.

- Nous vivons tous et toutes un mythe moderne sur la violence masculine domestique qui structure nos représentations et nos pratiques domestiques.

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Les violences masculines domestiques : un oubli de la sociologie de la famille par Daniel WELZER-LANG - Contribution au séminaire "Famille/genre"
http://www.traboules.org/text/txtviomas.html

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Anthropologie et Sociétés

Les hommes violents par Daniel Welzer-Lang  Paris,
Lierre et Coudrier Éditeur, coll. Écarts, 1991, 332 p.
https://www.erudit.org/fr/revues/as/1992-v16-n3-as791/015246ar/
Daniel Welzer-Lang, sociologue, spécialiste du genre et de la question masculine, est maître de conférences à l’université de Toulouse-Le Mirail.