La violence dans les relations amoureuses 
chez les adolescents

EuroPROFEM - The European Men Profeminist Network http://www.europrofem.org 

 

Précédente Remonter Suivante

----------------------

Violences

30fr_vio.htm

----------------------

La violence dans les relations amoureuses 
chez les adolescents

Introduction

Mes premiers enregistrements

L'adolescent, à la recherche de son identité

À la recherche de sa masculinité

À la recherche de sa féminité

Qu'est-ce que la violence dans les relations amoureuses?

Des mythes et préjugés

Sommes-nous des conquérants ou des coopérants?

Les attitudes de l'agresseur

Notre rôle comme intervenant

Notre intervention auprès de l'agresseur

Conclusion

Source: http://www3.sympatico.ca/saharas/intervenants/#source 

Introduction:

1 adolescente sur 10 a peur de son chum!
Est-ce que votre fille adolescente fait partie de ce groupe?

1 femme sur 7 est victime de violence conjugale!
Sera-t-elle de ce nombre?

La violence en soi, est un mode d'expression essentiellement primaire. De par la nature même des adolescents, qui est caractérisée entre autres par un égocentrisme vital, la violence dans leurs relations amoureuses est, pour ainsi, dire inévitable.

Mes premiers enregistrements:

Cet égocentrisme, nous le retrouvons bien chez l'enfant. En effet, un enfant construit sa valeur comme personne quand on veille à sa propreté, quand il est nourri, cajolé, caressé, soigné, admiré, quand les autres se soucient de lui. C'est alors que l'enfant enregistre ses premiers souvenirs de bien-être. Par ricochet, quand les autres ne répondent pas à ses désirs et à ses besoins au moment où il le juge opportun, même si ses désirs et/ou besoins ne sont pas nécessaires à sa survie ou à son bien-être (ex.: un jouet, un bonbon, un toutou), il devient frustré et pour protéger son intégrité, il estime que ce sont les autres qui ne sont pas adéquats. Ce sont là ses premières expériences de mal-être. Il s'habitue donc à recevoir une réponse à ses demandes et à ses exigences, dans un délai qui lui paraît raisonnable et acceptable. S'il n'obtient pas les réponses voulues, c'est alors qu'il développe différents types de comportements: pleurs et crises interminables afin d'obtenir ce qu'il veut. Ce sont là ses premières manifestations de violence.

S'il perçoit la déception de autres par rapport à ses comportements, leur irritation, leur impatience, il se dévalorise et veut donc, pour retrouver sa valeur, performer, plaire, afin que les autres soient contents de lui. Il agit pour ne pas se retrouver dans l'impuissance, pris au dépourvu.

L'adolescent, à la recherche de son identité:

L'adolescent continue dans cette même veine en prenant conscience de l'importance de sa personne même s'il ne sait pas très bien qui est cette personne. Il cherche son autonomie et, pour être autonome, il ne doit plus «appartenir» à personne, surtout pas à ses parents. Il veut développer «sa» vérité qui est la vérité. Et tranquillement, il part à la conquête de quelqu'un qui va correspondre à sa vérité, c'est le départ vers la «relation amoureuse». La conquête étant un phénomène essentiellement égocentrique, il faut donc que l'objet de sa conquête corresponde à sa vérité, sinon qui est-il, quelle est son identité? Alors il va afficher son identité, celle que l'on lui a enseignée et qu'il a apprise. Celle qu'il connaît, c'est-à-dire, pour le garçon, sa masculinité, pour la fille, sa féminité.

À la recherche de sa masculinité:

Chez l'adolescent, la masculinité, c'est la capacité de s'imposer, de défendre ses droits, la performance dans un domaine où il peut démontrer des habiletés (sport, sexualité, etc.), la bravoure, des attitudes de hâbleur face à des défis. Le garçon va utiliser ses atouts de force, de puissance, de bravoure ou ses talents pour se pavaner, montrer sa valeur, séduire celle qui deviendra l'objet de son plaisir et qui donnera ainsi un sens à sa valeur. Il possédera.

À la recherche de sa féminité:

Chez l'adolescente, la féminité, c'est la capacité d'être agréable à fréquenter, attirante sur le plan physique, à l'aise dans les relations interpersonnelles, tendre et attentive aux besoins des autres. La fille, elle aussi, quoique d'une façon qui paraît plus passive, est dans un processus de conquête. C'est en se laissant «prendre», en manifestant sa disponibilité, son accessibilité, qu'elle se voit «choisie» et ainsi, elle prend une valeur ou du moins sa valeur est reconnue. Selon Francine Duquet, sexologue et professeure à l'Université du Québec à Montréal, «en amour, les filles n'ont pas le goût de l'indépendance, mais celui d'être enveloppées». Paradoxalement, sa «faiblesse» (fragilité, insécurité) devient la force de son processus de conquête.

L'expression de la féminité chez la fille se fait sur le terrain de la soumission, de la dépendance, de la fragilité. L'expression de la masculinité chez le garçon, quant à elle, se fait sur le terrain du pouvoir, de la domination, de la possession, du contrôle. C'est lorsque l'atteinte de la masculinité se maintient sur ce terrain, qu'il y a possibilité d'éclatement de la violence. Le garçon n'accepte pas que sa «blonde» soit autrement que soumise, dépendante et insécure.

 

Qu'est-ce que la violence dans les relations amoureuses et quelles en sont les manifestations?

La violence est un mode d'expression, choisi d'une façon délibérée par celui qui l'exerce dans le but de faire faire à la victime des choses non désirées par elle, contre son gré, afin d'actualiser son propre désir de pouvoir, la violence est essentiellement un moyen de contrôle. Ses effets sont d'autant plus pernicieux et blessants quand elle s'exerce dans le contexte d'une relation affective.
«C'est le manque de respect qui entraîne la violence faite aux femmes. Elle se produit lorsqu'une personne perçoit une autre comme une ayant moins de valeur, moins de droits et moins de possibilités qu'elle.»

 

Première phase:

Un climat de tension est présent. De l'anxiété et des peurs s'installent chez la femme.

Deuxième phase:

L'épisode de la violence: la violence s'installe souvent dans le couple par de la violence psychologique. Elle sera de plus en plus accompagnée par de la violence verbale. N'obtenant pas les résultats attendus par l'utilisation de ces formes de violence, le conjoint utilisera d'autres formes de violence afin d'assurer son contrôle et sa domination. C'est ce qu'on appelle «L'escalade de la violence». Les épisodes seront de plus en plus fréquents. La gravité des gestes augmentera et le potentiel de dangerosité aussi.

 

Troisième phase:

C'est la phase de la justification. Le conjoint justifiera sa violence par les comportements, les valeurs, attitudes et propos de sa conjointe: «Si tu m'avais écouté!», «Si tu n'avais pas fait cela!», etc. Il dira avoir perdu le contrôle. La conjointe en viendra à se sentir responsable des gestes de violence posés par son conjoint et elle se blâmera. L'anxiété s'installe alors car elle doit constamment veiller à ne rien faire qui pourrait déplaire à Monsieur, et par le fait même, susciter d'autres gestes de violence.

Quatrième phase:

C'est la phase «Rémission». Monsieur s'excuse. Il devient intentionné et affectueux. Il promet de ne plus recommencer. Petit souper à la chandelle et bouquet attendent Madame. L'espoir s'installe chez la conjointe: «Comment puis-je faire pour ne pas l'aimer, car il me promet de ne plus recommencer?». Cependant, plus la violence s'installe dans le couple, moins la phase de rémission sera longue et elle deviendra même avec le temps, inexistante.

Il est important de mentionner que l'agresseur initie chacune des quatre étapes du cycle. Également, à mesure que l'agresseur prend conscience de la puissance de son emprise, la période de rémission s'estompe graduellement.

Dans la majorité des relations affectives où il y a présence de violence, nous pouvons remarquer une escalade dans les types de violence exercées.

Afin de bien installer sa domination, l'agresseur utilise la stratégie et la subtilité. Par la violence psychologique et verbale, il humilie, rabaisse, dévalorise, isole la victime. Il fait preuve de jalousie pour mieux contrôler ses agissements, son habillement, ses fréquentations et cela est souvent perçu par l'adolescente comme une preuve d'amour, «s'il est jaloux, c'est parce qu'il m'aime».

Avec le temps, l'escalade de la violence continue et il ne faut surtout pas minimiser la puissance de la violence reliée à la sexualité. Chez les jeunes «la sexualité est devenue un «ring» de performance au lieu de l'aboutissement d'une relation affective approfondie.» «Les jeunes vont faire l'amour plutôt qu'être amoureux», lance Francine Duquet. Souvent les jeunes filles en arrivent à avoir le sentiment d'être perçues comme un objet sexuel et dissimulent mal leur malaise sous la question «Est-ce normal de...?» Par contre, pour le garçon ce niveau de performance alimente sa valeur et son pouvoir. Également, il se sert de la sexualité pour faire du chantage: «Si tu m'aimes...»; il peut même forcer l'actualisation de la relation sexuelle ou décider du moment. Il peut interpréter des attitudes de la jeune fille comme provocantes et la faire sentir coupable de son refus. Il lui arrive, en cas de rupture, d'étaler des rumeurs qui terniront la réputation de la jeune fille. Cette violence a des impacts psychologiques et sociaux déterminants pour l'adolescente.

 

Des mythes et préjugés:

Beaucoup de mythes et préjugés sont encore véhiculés autour du phénomène de la violence dans les relations amoureuses. En voici une liste non exhaustive que nous avons tirée de nos expériences de travail, de nos réflexions et de nos lectures:

  • La jalousie est une preuve d'amour.

  • Les filles provoquent, courent après.

  • Les filles aiment cela, sinon elles changeraient de «chum».

  • Lorsqu'une fille dit non, cela veut dire oui.

  • Les filles victimes de violence sont faibles et soumises.

  • Le «chum» d'une fille ne peut la violer.

  • Il a été violent parce qu'il avait consommé de la drogue ou de l'alcool.

  • La violence dans les relations amoureuses chez les jeunes est moins grave que chez les adultes.

  • Ce n'est pas la de la violence, il ne l'a pas battue.

  • On peut arriver, avec beaucoup d'amour, à changer les comportements violents de son partenaire.

  • Cela ne sert à rien d'aider les femmes violentées puisqu'elles retourneront avec leur «chum» ou se retrouveront dans une relation avec un autre «chum» qui utilise la violence.

  • Il ne peut pas être violent avec sa «blonde», c'est tellement un bon gars.

  • Si la relation cesse, il n'y aura plus de violence.

  • Il a été violent parce qu'il a perdu le contrôle.

L'existence de ces mythes et préjugés et le fait d'y adhérer ne font que renforcer les principaux acteurs dans leur rôle, déresponsabilisant l'agresseur, semant le doute et la culpabilité chez la victime.

Dans notre société, il y a une forte propension à la banalisation, à la tolérance, à la justification de la violence; souvent même la violence est valorisée. Devant les malaises engendrés par un conflit ou une situation difficile à gérer, malaises qui se traduisent souvent par de l'anxiété, de la colère, de la culpabilité et de la dévalorisation, la violence est utilisée et légitimée. Comme intervenants, nous sommes placés devant ces mythes et préjugés véhiculés depuis longtemps et que nous avons peut-être profondément intégrés. Il importe de nous remuer continuellement et de nous positionner en reconnaissant d'abord notre propre potentiel de violence et notre part de responsabilité dans le perpétuation de la violence; une vigilante remise en question doit nous habiter dans nos propres dimensions de vie, sur le plan personnel et professionnel. Quelles sont nos valeurs et croyances par rapport aux hommes, aux femmes, à la vie de couple, à la sexualité, à l'égalité entre les personnes?

Sommes-nous des conquérants ou des coopérants?

Cherchons-nous à développer notre pouvoir ou notre crédibilité? Il est souvent plus facile et plus simple de tolérer, de justifier, d'utiliser même la violence subtilement, parfois finement. Il est important aussi de nous attarder à différencier le geste posé et la personne qui le pose: quelqu'un n'est pas une personne violente parce qu'il a posé des gestes violents, il a utilisé la violence dans une circonstance bien précise pour gérer ses malaises. Nous nous devons de reconnaître les malaises engendrés par des situations difficiles et conflictuelles mais en aucun cas, nous n'avons à tolérer ou à justifier, ni pour nous, ni pour les autres, l'utilisation de la violence.

En prenant comme position que la violence est un choix, il est essentiel que nous placions comme prémisse de base ces deux pôles: non-tolérance et responsabilité. L'utilisation de la violence (pouvoir, contrôle) est inacceptable. Pour faire face à une situation inconfortable ou conflictuelle, il y a plusieurs alternatives, la violence doit être écartée. De plus, la personne qui pose des gestes de violence est responsable de ses actes; ni les événements, ni les autres personnes ne sont en cause sinon comme occasions de conflits et de malaises. La façon de gérer ces conflits appartient à la personne, et si elle décide d'utiliser la violence, elle en est la seule responsable.

Si ces quelques pistes de réflexion nous animent, nous avons des chances d'être des accompagnateurs significatifs et pertinents auprès des adolescents.

 

Quels sont les indicateurs qui nous permettent de dépister la présence de violence dans une relation amoureuse? Quels sont les impacts de cette violence sur les victimes?

Beaucoup d'information a été écrite à ce propos, notamment dans les numéros de juin 1991, de septembre 1995 et d'octobre 1995 de la revue «Médecin du Québec». Cependant, il convient de préciser certaines indications relatives aux adolescents.

Les indicateurs et impacts de la violence chez la victime:

Des symptômes d'ordre physique peuvent apparaître chez la victime: des marques, des bleus, des douleurs. Également, il peut y avoir discordance entre le type de blessures et la description des faits. Au niveau de ses attitudes et de son état émotionnel, la jeune fille peut faire preuve de gêne, de tristesse, de honte, d'anxiété. Elle donne des réponses brèves, hachurées et il y a absence de contact visuel de sa part. Elle jette des regards furtifs autour d'elle et sursaute au moindre bruit. Elle vit de la culpabilité. Elle semble incapable de prendre des décisions. Elle a tendance à minimiser l'ampleur de la violence ou à excuser son «chum» et elle est réticente à répondre aux questions. Dans sa vie, elle a changé de comportements: par exemple, manque d'enthousiasme à se rendre à l'école, de moins bons résultats scolaires... Elle s'éloigne de ses amies, modifie ou ne pratique plus ses activités préférées pour passer la plupart de son temps avec son «chum». Elle perçoit la jalousie ou un comportement dominateur comme une preuve d'amour. Elle a moins confiance en elle et exprime moins ses opinions ou désirs surtout en présence de son «chum». Elle fait preuve de repli sur soi, de dépression.

La jeune fille qui subit de la violence en éprouve des séquelles durables dans son coeur et dans son corps. Elle devient plus nerveuse, plus irritable. Elle se sent diminuée, a peu d'estime d'elle-même, manque de confiance en elle. Elle vit de la fatigue, de l'épuisement, du désespoir même. Sa digestion, son sommeil peuvent être affectés.

Les attitudes de l'agresseur:

Le garçon a une vision traditionnelle et rigide des rôles masculins et féminins; il a tendance à répondre aux questions à la place de la «blonde». Il fait preuve de jalousie excessive. Il contrôle les sorties, les fréquentations, la tenue vestimentaire de sa «blonde». Il prend les décisions sans demander l'avis de cette dernière ou sans en tenir compte. Si une situation désagréable se produit dans le couple, il blâme sa «blonde» et la responsabilise; il la critique, l'insulte ou la ridiculise devant les autres. Il peut même lui arriver de se mettre en colère pour un rien d'ailleurs, il n'exprime pratiquement pas d'émotions autres que la colère. En entrevue, il a une attitude défensive et fermée. Il nie sa violence ou la minimise; il n'en reconnaît pas les impacts; ne semble pas disponible pour en parler.

Notre rôle comme intervenant:

Les adolescents et adolescentes ont besoin de modèles, d'accompagnateurs qui vont les accepter, les respecter, qui ne chercheront pas à les changer, qui vont les guider dans leur démarche vers le respect. Ces accompagnateurs n'exigeront pas qu'il ne soient pas conquérants mais les guideront vers leur ascension à la coopération.

Comme intervenants dans le domaine de la santé et des services sociaux, nous sommes des accompagnateurs potentiels de ces adolescents et adolescentes. Il importe surtout que nous connaissions le phénomène de la violence, ses manifestations. Il importe aussi que nous nous mettions en processus de réflexion et de remise en question de nos valeurs, perceptions, attitudes, comportements par rapport aux adolescents eux-mêmes, à leur dynamique amoureuse, aux mythes et préjugés entourant la violence et aussi par rapport à nos propres dynamiques de relations humaines autant sur le plan personnel que professionnel.

Dans nos rencontres avec les jeunes, il nous importe d'être attentifs et sensibles, d'aller au-delà de la demande initiale; il est très rare qu'un adolescent ou une adolescente vienne nous rencontrer pour nous dire qu'il exerce ou subit de la violence dans sa relation amoureuse. Le succès de notre intervention dépend de l'établissement d'un climat de confiance empreint d'écoute, de respect, d'absence de jugement. Il est important de respecter les adolescents dans leur rythme et leur choix.

Notre intervention auprès de l'agresseur:

Nous insistons sur le fait qu'il est primordial de nous centrer sur la perception qu'ont les adolescents d'eux-mêmes et de leurs comportements. Souvent, le jeune garçon qui utilise la violence refuse de le reconnaître. Pour lui, c'est plutôt de l'affirmation, une démonstration de sa force de caractère, de son assurance, de son habilité à «régler» les problèmes. C'est souvent aussi un moyen de valorisation entres autres auprès de son groupe d'amis. Il est porté à justifier ses comportements ou prises de position par l'inadéquation des comportements de sa «blonde» à ses désirs ou volontés.

Ainsi, dans notre intervention auprès de l'agresseur:

  • Il importe que nous l'aidions à reconnaître la violence qu'il exerce non en le culpabilisant, mais en l'amenant à se centrer sur ses malaises et sur les impacts de sa violence.

  • Nous devons préciser qu'il est le seul responsable de sa violence qui ne peut être attribuée ni à la «blonde», ni à l'alcool ou à la drogue, ni à quoi que ce soit.

  • Il est également responsable de modifier ses attitudes et comportements en apprenant, avec une aide appropriée, à exprimer sa colère de façon inoffensive et respectueuse.

  • Il est important qu'il soit sensibilisé au fait que l'utilisation de la violence est un comportement acquis et donc, qu'il peut le modifier.

Notre intervention auprès de la victime:

Quant à la jeune fille victime de violence, elle non plus, souvent, n'admettra pas la violence qu'elle subit; elle dira plutôt que c'est de la jalousie, que c'est parce que son «chum» tient à elle. Elle est portée à minimiser ou à justifier en se culpabilisant («je le méritais, je l'ai provoqué»).

Parfois, elle refusera de parler ouvertement par culpabilité ou par peur de ne pas être crue, d'être jugée négativement ou parce qu'elle a honte (victimisation). Elle a peur des conséquences possibles: violence plus incisive et explicite de son «chum», perte de son «chum», perte de son groupe d'amis qui est souvent le même que celui de son «chum», et dans le cas d'une rupture, peur que ce dernier en profite pour altérer sa réputation... Elle a peur que ses parents apprennent ce qu'elle vit. Elle a donc peur de vivre un isolement insupportable.

Si nous suspectons la présence de violence:

  • Il importe de voir la victime seule afin de créer un climat favorable à la confidence et de préserver sa sécurité: la violence est un problème individuel et non de couple.

  • Il est important de lui poser directement la question à savoir s'il y a présence de violence dans sa relation amoureuse.

  • Si tel est le cas, elle doit savoir que, sous aucun prétexte, elle n'a à subir cette violence.

  • Qu'elle a droit à ses limites, ses opinions, ses sentiments, ses rêves.

  • Qu'elle n'est aucunement responsable de la violence de son «chum».

  • Tenant compte qu'elle est portée à minimiser la violence, nous devons l'amener à réaliser les risques et les impacts que représente cette violence pour elle.

  • Il est important qu'elle soit sensibilisée au fait qu'elle ne changera pas les comportements de son «chum» et que ce n'est pas parce qu'il «l'aime», qu'il n'utilisera plus la violence; au contraire, la situation risque d'empirer s'il ne se responsabilise pas lui-même.

  • Il est donc important qu'elle sorte de son isolement et de son silence.

  • Le degré de dangerosité doit être vérifié et, si nécessaire, la victime doit être référée à des ressources sociales spécialisées tout en continuant de recevoir un suivi médical si cela est pertinent.

  • Il serait bon de vérifier si elle en a parlé à quelqu'un.

  • A-t-elle un réseau d'amis-es ?

  • Ses parents sont-ils au courant ?

Que ce soit auprès de la victime ou de l'agresseur, il est important, comme nous le disions plus haut, de différencier les gestes posés de la personne qui les pose. Cela a pour effet de responsabiliser chacun au lieu de culpabiliser. Ce n'est pas en se culpabilisant que quelqu'un entreprend un processus de changement mais plutôt en ébranlant ses convictions, sa rigidité afin de toucher ses malaises. Il est également de première importance d'être patients, d'être à l'écoute, de ne pas juger, de favoriser l'expression, de recadrer, d'éduquer. Nous devons être des «modèles de comportement qui dénoncent la violence» , et nos réflexions avec les adolescents doivent les aider à trouver un sens de bonheur et d'épanouissement à leur relation amoureuse.

De plus, et ce point est capital, il ne faut pas oublier que nous sommes un parmi d'autres acteurs susceptibles d'accompagner les adolescents dans leur démarche. Notre souci de collaboration et de concertation avec les autres ressources (sociales, psychologiques, scolaires, médicales, policières...) doit sans cesse nous animer si nous voulons actualiser une aide pertinente. N'oublions pas également, que nous sommes en présence d'adolescents et que les personnes les plus significatives dans la vie de ces jeunes, ce sont leurs parents. Donc, si la situation le permet et ne menace en aucun cas la sécurité de quelqu'un, nous devons avoir le souci de nous associer à ces derniers, dans l'accompagnement de leur enfant.

Notre sécurité comme intervenant 
(voir aussi le «Scénario de protection pour les intervenants»)

Nous devons penser aussi à notre propre sécurité; le danger potentiel d'éclatement de la violence existe. S'il croit perdre le contrôle de la situation parce que sa «blonde» consulte un intervenant, un jeune garçon peut actualiser sa violence envers ce dernier. Trop souvent, nous avons comme réflexe de minimiser le danger d'éclatement de la violence.

Quand nous intervenons dans un contexte de violence, il est essentiel de toujours nous rappeler de le faire avec le maximum de sécurité. Nous devons éviter les gestes qui pourraient être perçus comme agressifs: fermer les poings, pointer du doigt, démontrer des expressions faciales punitives... Nous pouvons permettre le défoulement verbal (sans pour autant tolérer des attitudes ou des gestes violents) tout en restant calmes, supportants, rassurants.

Nous devons éviter de faire une consultation de couple s'il y a présence de violence dans la relation amoureuse. Si nous craignons la violence lors de la consultation, nous devons avertir la personne concernée que cette violence ne sera pas acceptée. Si nous craignons une situation de danger, nous devons prévoir travailler à deux, prendre des ententes avec des collègues et même nous donner des codes qui vont nous permettre de réagir rapidement. Il importe de toujours avoir en notre possession le numéro de téléphone du corps policier le plus près. Lors de visites à domicile, il importe d'informer des membres de l'établissement ou des collègues de l'endroit de la visite (adresse, numéro de téléphone, nom du client ou de la cliente), de la durée prévue; il importe aussi d'évaluer les indices de dangerosité des lieux (bouteilles, couteaux, fusils...). Il est d'une importance capitale de nous rappeler que, lors de toute intervention dans un contexte de violence, nous devons être très attentifs et sensibles aux peurs qui se pointent en nous.

Conclusion

Nous aimerions conclure avec une courte réflexion qui allume en nous cette étincelle qui est peut-être l'essence même de notre rôle d'accompagnateurs des adolescents dans leur cheminement:

  • «Si je veux réussir à accompagner un être vers un but précis, je dois le chercher là où il est et commencer là, justement là.

  • Celui qui ne sait pas faire cela, se trompe lui-même quand il pense pouvoir aider les autres.

  • Pour aider un être, je dois certainement comprendre plus que lui mais d'abord comprendre ce qu'il comprend.

  • Si je n'y parviens pas, il ne sert à rien que je sois plus capable et plus savant que lui.

  • Si je désire avant tout montrer ce que je sais, c'est parce que je suis orgueilleux et cherche à être admiré de l'autre plutôt que de l'aider.

  • Tout soutien commence avec humilité devant celui que je veux accompagner; et c'est pourquoi je dois comprendre qu'aider, n'est pas vouloir maîtriser mais vouloir servir.

  • Si je n'y arrive pas, je ne puis aider l'autre.»