La violence des femmes: 

un nouveau phénomène?

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Violences

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Source: Le Devoir 15 juillet 2002 http://www.ledevoir.com/2002/07/15/5333.html

Caroline Babin
Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec

Le phénomène de la violence conjugale et ses nombreuses conséquences sont des réalités bien présentes au sein de notre société québécoise. Pendant de nombreuses années, la violence conjugale a été comprise selon l'adéquation suivante : femmes victimes et hommes agresseurs. Mais voilà qu'une autre dynamique semble se dessiner : femmes et hommes victimes et femmes et hommes agresseurs. Les nouvelles données de l'Institut de la statistique du Québec (document de travail, 2002) annoncent que les femmes et les hommes sont autant victimes et agresseurs dans les situations de violence conjugale. Qu'en est-il réellement ?

Selon Statistique Canada (2001), il semble que les taux statistiques d'agressions contre la conjointe ont, en effet, diminué au Canada. Ces indices statistiques sont passés de 12  % en 1993 à 8  % en 1999. Il semble également que le taux d'homicides perpétré à l'endroit des femmes ait diminué. Ce taux est passé de 12.8 à 8.0 pour un million de couples. Toutefois, le Centre canadien de la statistique juridique rapporte qu'en 1999, 523 femmes ont été gravement blessées ou sont décédées des suites d'une agression conjugale. Ce chiffre est cinq fois supérieur au nombre d'hommes gravement blessés ou décédés en conséquence des gestes violents de leur conjointe.

Précisons également que les hommes utilisent des formes de violence plus brutales et de façon plus fréquente que les femmes. Conséquemment, se sont ces dernières qui courent le grand plus grand risque d'être grièvement blessées. Une récente étude de J. Turgeon (1999) conclut que «la violence des hommes est perçue comme une réelle menace par leurs partenaires, qu'elle suscite beaucoup d'anxiété et occasionne de nombreuses blessures, alors que la violence des femmes n'a aucune de ces conséquences sur les hommes». À titre d'exemple, 87 % des femmes victimes de violence conjugale ont été poussées et empoignées. Alors que chez les hommes victimes de violence de la part de leur conjointe, la forme de violence la plus répandue est la menace de frapper dans 67 % des cas. Rappelons aussi que 27 % des femmes victimes de violence ont été agressées sexuellement. Le pourcentage d'hommes agressés sexuellement n'est même pas significatif statistiquement (Statistique Canada, 2001).

Loin de nier la violence physique ou psychologique dont peuvent être victimes certains hommes, nous croyons qu'il est nécessaire de remettre en perspective les données statistiques et de réellement comprendre la réalité de la violence conjugale.

Comptabiliser les gestes violents

Les méthodes et les instruments de recherche utilisés dans certaines études démontrant que les femmes sont aussi violentes que les hommes ont été maintes fois contestés par de nombreux chercheur-es. En effet, l'instrument de mesure, Conflict Tacticts Scale (CTS), souvent employé lors de sondages téléphoniques, permet de comptabiliser les gestes violents sans tenir compte du contexte dans lequel sont perpétués les actes de violence. Or, nous savons que les femmes ont souvent recours à la violence pour riposter aux gestes agressifs de leur partenaire ou encore pour se défendre contre une attaque physique (Jacobson et coll. 1994; Hamberger, 1997). Les chercheur-es parlent donc de «violence de protection» pour désigner les gestes violents des femmes et de «violence instrumentale» pour nommer les actes violents et agressifs des hommes.

Ainsi, si les femmes posent des gestes de violence en réaction à des actes de violence physique et/ou psychologique précédents, les agresseurs masculins usent pour leur part de violence pour dominer et pour contrôler leur conjointe. Selon Jonhson (1995), ce désir de contrôle est le fruit de «traditions patriarcales voulant que l'homme ait le droit de dominer son épouse». Par exemple, les hommes emploient la violence envers leur conjointe pour les «remettre à leur place», signifier leurs divers mécontentements, les inciter ou les contraindre à tel ou tels autres comportements désirés, etc. Refusant de respecter les choix et la liberté des femmes, la violence du conjoint envers sa partenaire est indéniablement une prise de contrôle sur l'autre et non une perte de contrôle, comme certains le prétendent. Les hommes violents peuvent même tuer leur conjointe afin que celle-ci ne leur échappe pas. Ce n'est donc pas surprenant que 48 % des femmes victimes de violence conjugale de la part d'un ex-conjoint craignent pour leur vie contre 13 % des hommes (Statistiques Canada 2001).

De plus, les études prouvent que les femmes ont plus de chance de se faire tuer lorsqu'elles quittent leur conjoint violent ou si elles menacent de le faire. Des spécialistes de la question s'entendent pour dire que la majorité des femmes qui ont tué leur conjoint l'ont fait dans un contexte de protection et de légitime défense face aux nombreuses violences dont elles étaient elles-mêmes victimes depuis de trop nombreuses années. L'ensemble des statistiques américaines confirme ces propos  : la très grande majorité de femmes accusées du meurtre de leur conjoint ont été victimes de violence conjugale (Grant, 1995).

D'autre part, des recherches ont démontré que la perception des actes de violence varie dans le couple. Autrement dit, les femmes et les hommes n'identifient et ne reconnaissent pas les gestes de violence de la même façon. Les hommes violents auraient tendance à minimiser leurs gestes de violence, à les reporter sur des facteurs externes ou encore à responsabiliser leur conjointe de leur propre violence. Germain Dulac (1997), sociologue émérite, soutient que les hommes «n'admettent avoir un problème qu'après une longue période de dissimulation et de négation des symptômes, aussi sérieux soient-ils». Compte tenu de tous ces éléments, les études démontrant que les hommes sont autant victimes de violence conjugale que les femmes apparaissent peu fiables et ne reflètent pas la réalité vécue dans les foyers canadiens.

Enfin, nous terminons en vous rappelant que si les journaux devaient rapporter chacun des actes de violence, si minimes soient-ils, quotidiennement commis à l'endroit des femmes, un cahier spécial intitulé «Répertoire des actes de violence posés envers les femmes cette semaine» devrait être créé. Nous sommes loin de pouvoir parler d'un phénomène social répandu de la femme violente envers son conjoint. Nous sommes loin de pouvoir dire que les sexes sont égaux devant la violence conjugale. Dans le quotidien et la réalité de la violence conjugale, nous vous invitons à répondre honnêtement aux questions suivantes : À votre avis, qui est le plus susceptible d'être victime d'un acte de violence ou d'être tué par son partenaire : l'homme ou la femme  ? Et si cette victime était votre amie, votre soeur, votre collègue de travail, que feriez-vous  ?
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La violence des femmes : aussi importante que celle des hommes?

Pendant de nombreuses années, la violence conjugale a été comprise selon l'adéquation suivante: femmes victimes et hommes agresseurs. Voilà qu'une autre dynamique semble se dessiner: femmes et hommes victimes et agresseurs. Qu'en est-il réellement? Les hommes utilisent des formes de violence plus brutales et de façon plus fréquente que les femmes. Conséquemment, se sont ces dernières qui courent le plus grand risque d'être grièvement blessées. Une récente étude de J. Turgeon conclut que «la violence des hommes est perçue comme une réelle menace par leurs partenaires, qu'elle suscite beaucoup d'anxiété et occasionne de nombreuses blessures, alors que la violence des femmes n'a aucune de ces conséquences sur les hommes». Chez les hommes victimes de violence de la part de leur conjointe, dans 67% des cas, la forme de violence utilisé par les femmes est la menace de frapper

Sans nier la violence physique ou psychologique dont peuvent être victimes certains hommes, il est nécessaire de remettre en perspective les données statistiques si on veut réellement comprendre la réalité de la violence conjugale. Les méthodes et les instruments de recherche utilisés dans certaines études démontrant que les femmes sont aussi violentes que les hommes ont été maintes fois contestés par des chercheur-es. La Conflict Tacticts Scale, l'instrument de mesure souvent employé lors de sondages téléphoniques, comptabilise les gestes violents sans tenir compte du contexte dans lequel ils sont posés. Or, nous savons que les femmes ont souvent recours à la violence pour riposter aux gestes agressifs de leur partenaire. Pour leur part, les agresseurs masculins usent de violence pour dominer et contrôler leur conjointe. Les hommes violents peuvent même les tuer afin qu'elles ne leur échappent pas. 48% des femmes victimes de violence conjugale de la part d'un ex-conjoint craignent pour leur vie contre 13% des hommes. De plus, la majorité des femmes qui ont tué leur conjoint l'ont fait dans un contexte de protection et de légitime défense face aux violences dont elles étaient elles-mêmes victimes depuis de trop nombreuses années. D'autre part, des recherches ont démontré que la perception des actes de violence varie dans le couple. Les hommes violents auraient tendance à minimiser leurs gestes de violence, à les reporter sur des facteurs externes ou à responsabiliser leur conjointe de leur propre violence. Selon le sociologue Germain Dulac, les hommes «n'admettent avoir un problème qu'après une longue période de dissimulation et de négation des symptômes, aussi sérieux soient-ils». 

Compte tenu de tous ces éléments, les études démontrant que les hommes sont autant victimes de violence conjugale que les femmes apparaissent peu fiables et ne pas refléter la réalité vécue dans les foyers. Si les journaux rapportaient chacun des actes de violence quotidiennement commis à l'endroit des femmes, un cahier spécial intitulé «Répertoire des actes de violence posés envers les femmes cette semaine» devrait être créé. Nous sommes loin de pouvoir parler d'un phénomène social répandu de la femme violente envers son conjoint. Nous sommes loin de pouvoir dire que les sexes sont égaux devant la violence conjugale.

Source : Fédération des ressources d'hébergement... du Québec, 15-07-02
Mis en ligne le 15-07-02