Violences sexuelles en Côte d’Ivoire

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Violences sexuelles en Côte d’Ivoire
S.O.S. Violences Sexuelles

5-12-99

 

DEFINITION

La violence sexuelle peut être définie comme un contact sexuel imposé soit par la force, soit par la disparité des pouvoirs sur des enfants, des adolescents ou des personnes en proie à des difficultés diverses. Parmi ces violences, nous pouvons citer la pédophilie, le viol, le sadisme, l’inceste, etc.

 

I - La situation DES VIOLENCES SEXUELLES en Côte d’Ivoire

 

En Afrique et particulièrement en Côte d’Ivoire, ce fléau évolue avec une allure surprenante.

De 1996 à 1997, les statistiques de l'Etat Major de la sécurité donnaient des chiffres qui étaient en nette progression : en 1997, on a enregistré 627 infractions sexuelles contre 216 en 1996 . Quand on imagine le nombre d'agressions sexuelles qui ne sont pas rapportées à la police, cela semble inquiétant.

Dans nos investigations, nous avons pu établir que le tourisme sexuel se développe aujourd’hui chez nous, et même qu’un réseau de trafic d’enfants et de prostitution existe entre la Côte d’Ivoire et les pays voisins.

Pour confirmer nos hypothèses sur la gravité de ce fléau, nous avons effectué une enquête à d’Abidjan. Pour cela, nous avons interrogé deux cent (200) femmes et adolescentes, afin d’avoir de plus amples informations sur l’intensité du phénomène.

Les résultats obtenus ont montré que le fléau est plus alarmant qu’on ne le croit. Ainsi, sur les 200 personnes interrogées, 97,5% affirme avoir été témoin auditif ou oculaire d’agression sexuelle sur une personne féminine ou un enfant.

Dans 36,41% des cas, l’agression est perpétrée sur un proche.

Lorsqu’on va plus loin en interrogeant les sujets si elles mêmes ont été une fois victime; 16,5 % d’entre elles affirment avoir été violées.

Il est important de noter que le taux de 16,5% de victimes déjà alarmant est inférieur à la réalité, compte tenu des résistances et préjugés liés au tabou de la sexualité.

 

II – LA SITUATION DU VIH/SIDA EN COTE D’IVOIRE

 

Le SIDA constitue aujourd’hui en Côte d’Ivoire la première cause de mortalité chez les hommes adultes et la deuxième cause pour les femmes. Mais le plus alarmant, c’est le nombre estimé de personnes séropositives qui vont développer la maladie dans les 10 à 15 prochaines années.

En 1993, le Programme National de Lutte contre le SIDA a estimé que 9,8% de la population âgée de plus de 15 ans était séropositive, ce qui signifie que plus de 600 000 adultes seraient susceptibles d’avoir contracté le virus.

Les jeunes d’âge scolaire sont également concernés par l’épidémie. Une étude faite en 1993 au sein des collégiens de trois zones urbaines du pays ont donné des chiffres alarmants : 6,5% d’entre eux étaient séropositifs. Aujourd’hui, le taux de prévalence de la population générale oscille entre 10% et 12%, faisant de la Côte d’Ivoire le pays le plus touché de la sous-région, et l’un des pays les plus touchés en Afrique au sud du Sahara.

Les ravages que le VIH commet sur la population active sont énormes. Dans la corporation des enseignants, on dénombre officiellement cinq enseignants du primaire qui meurent chaque semaine et deux décès chez les enseignants du secondaire.

Au cours de l’année scolaire 1996/1997, sur 218 décès enregistrés dans cette corporation, 140 était liés au SIDA ; Soit un taux de 62,22%. Ce pourcentage a progressé de 5,91% pour atteindre le taux de 69,41% pendant l’année scolaire 1997/1998. On dénombre aujourd’hui quelques 320 instituteurs vivant avec le VIH.

 

III – VIOLENCES SEXUELLES ET VIH/SIDA

 

Une enquête a révélé qu’aujourd’hui en Afrique, parmi les personnes vivant avec le VIH, 13% seulement connaissent leurs statuts sérologiques. Autrement dit, 87% de personnes vivent avec le virus, mais ne le savent pas. Cela constitue un risque grave de contamination, car les agresseurs sexuels, potentiels porteurs du virus, n’utilisent jamais de préservatif quand ils commettent leur forfait.

En 1998, le Ministère de l’Education Nationale révélait que 37% de filles abandonnaient l’école à la suite d’une grossesse non désirée. Ces grossesses sont imputées dans la majorité des cas aux enseignants. Or si nous nous referons aux ravages du VIH/SIDA chez ces derniers, nous comprendrons les risques de contaminations qui existent entre élèves et enseignants.

A la suite d’un tel constat, le gouvernement ivoirien décida de faire voter une loi contre le harcèlement sexuel en milieu scolaire. Cela suscita au sein des enseignants une forte protestation ponctuée par une menace de grève générale car, ils voyaient en cela une atteinte grave aux avantages liés à leur métier. Conséquence : cette loi n’a jamais pu être votée.

Avec un taux de prévalence variant entre 10% et 12%, et dans un pays ou les abus sexuels sont devenus une pratique courante, nous avons une grande inquiétude face aux contaminations qu’ils sont susceptibles de provoquer.

 

IV - QUE FAIRE FACE A CETTE SITUATION ?

 

5.1 – La lutte menée par S.O.S. Violences Sexuelles

 

Depuis sa création, l’organisation a abattu un travail de fourmi afin de dénoncer ce qui était jusque-là considéré comme un sujet tabou. Dotée une équipe pluridisciplinaire et très motivée, les membres de l’organisation ont fait montre d’un courage incroyable afin de porter à la connaissance de l’opinion l’existence des violences sexuelles dans la société ivoirienne. C’est ainsi que les actions suivantes ont pu être menées :

  • Activité de recherche sur les violences sexuelles,

  • Campagnes de sensibilisation publiques,

  • Participation aux séminaires nationaux et internationaux,

  • Publication d’articles sur les abus sexuels dans les journaux nationaux,

  • Trois interviews à Radio France Internationale,

  • Plusieurs interviews dans les journaux nationaux,

  • Plusieurs passages aux radios nationales,

  • Plusieurs passages à la télévision nationale, etc.

A cet effet, nos actions ont joué un rôle important dans le démantèlement d’un réseau de pédophiles dans lequel de hautes personnalités étaient soupçonnées. S.O.S. Violences Sexuelles a condamné ces actes de barbarie et a fait des propositions concrètes pour les éradiquer notamment :

 

  • Appliquer avec rigueur les lois qui punissent les agressions sexuelles,

  • Assurer la prise en charge médicale et psychologique des victimes,

  • Assurer la prise en charge psychologique des agresseurs incarcérés afin d’éviter des récidives à leur libération.

 

Ayant ainsi reconnu la portée de notre travail, nous avons été associés à plusieurs événements ayant trait à la santé sexuelle et reproductive, aux droits de la femme et de l’enfant, aux questions de population etc. En octobre 1998, S.O.S. Violences Sexuelles a participé à Dakar au Sénégal à un panel de sélection organisé par une ONG internationale dénommée ASHOKA en tant qu’activité innovatrice pour la société. En décembre 1998 nous avons pris une part active à la campagne nationale de lutte contre les violences faites aux femmes, organisée conjointement par le Ministère de la Promotion de la femme et le Système des Nations Unies.

 

Sur le plan international, nous sommes membre du Réseau Européen des Hommes Proféministes dont vous pouvez visiter le site web www.europrofem.org, et de plusieurs autres organisations telles que le Réseau International des Chrétiens contre le sida, Stratégie pour l’espoir, le Réseau Mondial des Femmes pour les Droits sur la Reproduction, le Réseau International des Femmes…

 

5.2 - L’aide apportée aux victimes

Considérant les troubles que créent les abus sexuels sur la santé, nous avons estimé qu’il ne fallait pas se limiter aux actions de sensibilisation et de prévention. Nous avons mis en place une structure d’assistance afin d’apporter aux victimes une aide médicale, juridique et surtout psychologique.

 

De ce fait, les services suivants leurs sont proposés :

  • Une permanence téléphonique tous les jours,

  • Des entretiens cliniques sur rendez-vous,

  • Des thérapies de groupe,

  • Des activités ludiques pour enfants

  • Assistance juridique pour d’éventuelle poursuite judiciaire.

Nous avons aussi initié des activités en faveur des personnes incarcérées pour abus sexuels. A cet effet, nous avons assuré, durant 6 mois, la prise en charge psychologique de 200 personnes internées à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan pour des sévices sexuels. Ces actions visaient à :

Cerner les mécanismes qui sous-tendent la genèse des violences sexuelles, afin de susciter des actions qui peuvent éradiquer le mal à la racine.

Favoriser la réinsertion sociale et professionnelle des agresseurs après leur libération et surtout éviter des récidives pour les cas pathologiques.

 

V - LES RESULTATS OBTENUS

Toutes ces actions nous ont permis d’obtenir des résultats concrets. En effet, nous avons assisté 132 victimes, constituées en majorité de femmes et des enfants.

Sur le plan psychologique, nous sommes plus que satisfaits de nos prestations car, ces personnes dans la majorité ont réussi à surmonter leurs traumatismes, et mènent actuellement une vie normale.

Sur le plan médical, 35 personnes ont accepté volontiers faire le test de dépistage. Parmi celles-ci, 6 cas ont été déclarés positif au VIH, dont le cas pathétique d’une adolescente violée par 3 gangsters. Ces cas font aujourd’hui l’objet d’une prise en charge psychologique de notre part.

Aujourd’hui, la population a acquis le réflexe de nous appeler en cas de viol, ce qui nous réconforte et nous positionne comme la première organisation d’aide médico-psychologique et juridique se consacrant exclusivement aux violences sexuelles.

 

VI - LES ACTIONS FUTURES

L’ampleur que prennent les violences sexuelles aujourd’hui en Côte d’Ivoire nous oblige à renouveler chaque jour de stratégies afin de freiner avec efficacité l’avancée spectaculaire de ce fléau. Ainsi, nous envisageons :

Mener des campagnes de sensibilisation dans les lycées et collèges afin de protéger les élèves qui sont exposés aux abus sexuels de la part d’enseignants et autres personnes adultes. A cet effet, nous avons obtenu du Ministère de l’Education Nationale une autorisation afin de mener ces campagnes.

 

Multiplier les centres d’écoute et établir si possible une permanence téléphonique 7 jours sur 7 et 24H/24.

Susciter des débats à la radio, télévision et des conférences pour montrer en quoi les violences sexuelles constituent un risque de contamination au MST et au VIH/ SIDA.

Participer et intervenir aux conférences internationales se consacrant au VIH/SIDA, aux droits de la femme et de la l’enfant, aux questions de population etc.

 

CONCLUSION

 

Les défis que le VIH/SIDA pose à l’humanité nous obligent à porter un regard critique sur certains faits qui étaient jusque-là considérés comme anodins : l’excision, les violences sexuelles, les transfusions sanguines… constituent aujourd’hui des risques de contamination.

Qu’on attrape le SIDA en faisant l’amour volontairement, c’est compréhensible. Mais qu’on nous donne le SIDA par la force, c’est inadmissible. Dans un contexte africain ou l’on a toujours présenté le SIDA comme le salaire du péché, nous voulons faire comprendre qu’il y a d’autres voies de contamination qui n’engagent en rien la responsabilité de l’individu.

Aussi, devons-nous manifester une solidarité envers ceux-ci afin de les aider à faire face à cette nouvelle situation.

Il est donc urgent de mettre en œuvre une véritable stratégie pouvant permettre de réduire au maximum ces risques. C’est ce que nous avons commencé à faire à travers S.O.S. Violences Sexuelles.

Vous pouvez soutenir notre action en nous contactant à l’adresse suivante :

 

S.O.S. Violences Sexuelles

06 BP 1889 Abidjan 06

Cél : (225) 95 86 45

Fax : (225) 48 74 43

E-mail : sosviolsexuelles@@@hotmail.com