Rôles des hommes et des masculinités
dans une perspective de paix

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Masculinité

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RÉUNION D'UN GROUPE D'EXPERTS
SUR LES RÔLES DES HOMMES ET DES  MASCULINITÉS 
DANS LA PERSPECTIVE D'UNE  CULTURE DE PAIX

Oslo, 24-28 septembre 1997


http://www.unesco.org/cpp/uk/projects/oslotoc.htm

Table des matières

PREFACE

I INTRODUCTION

1. Participants 

2. Allocutions d'ouverture 

3. Présentations et élection des membres du bureau 

4. Adoption de l'ordre du jour et des modalités de travail 

5. Rapport et recommandations 

II RÉSUMÉ DES QUESTIONS ET DES THÈMES TRAITÉS, PRÉSENTÉ PAR LE RAPPORTEUR  

1. Pourquoi les hommes et la masculinité sont un thème pour la culture de la paix ? 

2. Problèmes et pièges 

3. Des éléments nouveaux dans la recherche et les débats de politique générale 

4. Comment faut-il comprendre les caractéristiques de la masculinité? 

5. Comment les masculinités sont-elles reliées à la violence? 

6. Quelle sorte de changement faut-il? 

7. Comment s'effectue le changement? 

8. Questions restant à approfondir 

Note de conclusion 

III RECOMMANDATIONS   

Généralités 

Le rôle des parents 

L'éducation 

La communauté 

Le travail et l'économie 

La police et l'armée 

La culture 

La violence envers les femmes 

La recherche 

Les organisations du secteur public 

Le suivi 

IV RÉSUMÉS DES DOCUMENTS PRÉSENTÉS  


PRÉFACE

L'UNESCO a organisé dans le cadre de son programme " Les femmes et la culture de la paix " la réunion d'un Groupe d'experts sur " des rôles des hommes et des masculinités dans la perspective d'une culture de paix " à Oslo (Norvège), du 24 au 28 septembre 1997. La réunion était organisée en coopération avec la Commission nationale norvégienne pour l'UNESCO et le concours du Ministère royal des affaires étrangères et du Ministère royal des affaires culturelles de la Norvège, du Conseil de l'Europe et du Conseil des ministres des pays nordiques.

Les rôles et la condition des femmes ont fait l'objet d'un vaste débat au cours des dernières décennies, mais c'est à peine s'il a été question des rôles des hommes et de leurs situations. Récemment, cependant, la question des masculinités a été abordée dans une série de publications, et l'importance d'une analyse en termes de genre, soulignée énergiquement dans le Programme d'action de Beijing et lors de la réunion de l'ECOSOC de juillet 1997, est désormais plus généralement comprise.

Dans un monde qui se transforme rapidement et que caractérise un fort risque de chômage, de marginalisation et d'exclusion, le fait que l'identité masculine soit liée principalement à des situations de pouvoir et de responsabilité dans la vie publique et privée paraît être à l'origine de freins et de sérieux problèmes qui contrecarrent et compromettent les transformations qu'appelle le passage d'une culture de la violence à une culture de paix.

S'appuyant sur les écrits existants et sur les connaissances théoriques dans les disciplines d'étude et les domaines interdisciplinaires pertinentes, la réunion, qui rassemblait des chercheurs et des militants à l'oeuvre dans le domaine de la paix et des rapports sociaux entre les sexes, a examiné les facteurs liés au genre qui entravent ou soutiennent les mouvements tendant vers une culture de paix. Elle a exploré, en outre, des aspects des types nouveaux de masculinité qui ont un caractère plus égalitaire et sont plus tournés vers le partenariat, à l'opposé des conceptions traditionnelles et stéréotypées de la masculinité qui peuvent conduire à accepter trop facilement l'usage de l'autorité, de la domination, de l'encadrement, de la force, de l'agressivité et de la violence.

La réunion s'est en outre penchée sur les conséquences néfastes des définitions rigides et stéréotypées de la masculinité et de la féminité, des rôles de domination et de soumission, sur les conséquences des façons d'élever les jeunes garçons qui visent à les rendre durs et dominateurs et sur les conditions sociales, culturelles et économiques qui engendrent la violence parmi les hommes.

La réunion a étudié des stratégies concrètes pour réduire la violence chez les hommes et des façons possibles d'élever les garçons en privilégiant les qualités (de sensibilité, d'attention et d'aptitude à la communication) nécessaires pour construire une culture de paix. Elle s'est attelée à la tâche de formuler des recommandations à l'adresse de l'ONU, de l'UNESCO, des Etats membres et des ONG, au sujet de mesures pratiques propres à promouvoir le développement d'une culture de paix marquée par le souci de l'égalité et de l'équité entre les sexes et en relation avec la société et ses grandes institutions comme la famille, le système éducatif, les médias et les structures politiques, militaires et religieuses. Elle s'est spécialement attachée aux moyens de développer la compréhension et la formation permettant de résoudre des conflits et des problèmes de " privation d'autonomie et de pouvoir" en évitant le recours à des conduites violentes.

I
INTRODUCTION

1. Participants

La réunion avait un cadre principalement européen. La présence de personnalités représentatives et informées appartenant aux cinq continents lui a néanmoins conféré un caractère inter-régional. La réunion a rassemblé quelque 60 participants de 30 pays, dont 17 experts, 6 personnes ressources, 15 observateurs internationaux, représentant des ONG, des gouvernements et des organismes du système des Nations Unies et une vingtaine d'observateurs norvégiens.

2. Allocations d'ouverture

De courtes allocutions de bienvenue ont été prononcées par S.E. Mme Helga Hernes, ambassadeur, au nom du Ministère royal des affaires étrangères, et par Mme Ingrid Eide, présidente de la Commission nationale norvégienne pour l'UNESCO. Mme Olöf Olafsdóttir, du Conseil de l'Europe, a rendu compte du séminaire tenu récemment par le Conseil de l'Europe sur le thème voisin " Promouvoir l'égalité: un défi commun aux hommes et aux femmes ".

La représentante du Directeur général de l'UNESCO, Mme Ingeborg Breines, a évoqué la Note d'orientation et les antécédents de la réunion, les procédures pertinentes de l'UNESCO et tout ce que l'UNESCO espérait et attendait de la réunion, à savoir le renforcement du cadre conceptuel et la définition des politiques et d'une action devant permettre, à terme, de surmonter les obstacles liés à la politique et à la pratique de genre qui entravent l'édification d'une culture de la paix.

3. Présentation et élection des membres du bureau

Après les présentations, M. Øystein Gullvåg Holter a été élu président et Mme Svetlana Slapsak et M. Michael Kaufman vice-présidents. M. Robert Connell a été élu rapporteur et Mme Constantina Safilios-Rotschild, Mme Marysia Zalewski et M. Robert Morrell co-rapporteurs.

Au cours d'une séance informelle qui a eu lieu le premier jour, M. Malvern Lumsen a présenté des manières variées et créatives d'apprendre à se connaître les uns les autres et a développé l'idée de l'art comme mode l'élaboration de solutions non violentes à des conflits.

4. Adoption de l'ordre du jour et des modalités de travail

L'ordre du jour et les modalités de travail proposés ont été adoptés (voir annexe 1). Les participants ont décidé de discuter par petits groupes la plupart des thèmes de l'ordre du jour, en plus des séances consacrées à la présentation des documents et des discussions en séance plénière.

Deux psychologues, auteurs de recherches dans le domaine de la paix, jouaient le rôle de facilitateurs de processus.

5. Rapport et recommandations

Les experts se sont mis d'accord, le dernier jour, sur un ensemble de recommandations. Le rapporteur et le président ont été chargés d'établir en collaboration avec la représentante du Directeur général la version finale des recommandations conformément à l'essence des discussions et à l'esprit de la réunion (voir chapitre III).

Les experts ont, en outre, approuvé le résumé des questions et des thèmes de la réunion présenté par le rapporteur (voir chapitre III).

Des résumés des documents présentés ont été incorporés à ce rapport afin d'élargir les bases de référence des recommandations (voir chapitre IV).

La publication d'un choix de ces documents présentés sous forme de livre est prévue à une date ultérieure.

II
RÉSUMÉ DES QUESTIONS ET DES THÈMES TRAITÉS, 
PRÉSENTÉ PAR LE RAPPORTEUR

Introduction

La réunion d'Oslo, tenue du 24 au 28 septembre 1997, sur " Des rôles des hommes et des masculinités dans la perspective d'une culture de paix " s'inscrit dans le cadre du programme de l'UNESCO " Femmes et culture de la paix ". Le féminisme contemporain a ouvert d'importants débats sur la problématique des genres et la paix. Les hommes sont à présent invités à continuer la discussion et à explorer avec les femmes un nouvel ensemble de questions concernant la masculinité, la violence et la paix.

1. Pourquoi les hommes et la masculinité sont un thème pour la culture de la paix

Chacun sait que les soldats de par le monde sont presque tous des hommes. Ce sont aussi, presque exclusivement, des hommes qui prennent les décisions qui déclenchent des agressions internationales et des guerres civiles. Le fait est, en outre, que la plupart des crimes et délits de violence perpétrés dans la vie privée sont imputables à des hommes. Les hommes sont, plus que les femmes, au cœur de la symbolique de la violence dans les médias, le sport et le discours politique.

Dans des situations de conflit armé prolongé, dans les situations où un nationalisme ethnique se trouve mobilisé et dans les mouvements racistes violents, on observe couramment une polarisation des modèles de la virilité et de la féminité, qui incite les hommes à s'affirmer par la domination et l'agression. Partout dans le monde la formation du soldat associe couramment la virilité à la brutalité et traite la peur et la sensibilité comme des tares indignes du mâle.

Il est évident qu'il existe des liens entre la masculinité et la violence. Le reconnaître n'est pas dire que tous les hommes sont violents, ni que les hommes sont naturellement portés à la violence (idées que les experts de la réunion ont rejetées sans ambiguïté). C'est poser des problèmes importants, qui sont les suivants : Comment peut-on amener les hommes en tant que tels, c'est-à-dire comme êtres sexués, à s'engager dans la création d'une culture de la paix? Quelles sont les autres alternatives pour être un homme? Comment, en particulier, peut-on modifier les masculinités violentes ?

 

2. Problèmes et pièges

Il est à prévoir que le travail avec les hommes sur ces questions revêtira d'autres formes que celles qu'appliquent couramment les programmes familiers aux femmes et qu'il se heurtera à certaines difficultés.

Le fait de mettre en relief les problèmes que suscite la masculinité peut être facilement mal interprété. On peut y voir un reproche de violence injustement adressé à tous les hommes, qui laisse entendre que les hommes sont mauvais et que les femmes sont des êtres intrinsèquement meilleurs. Une telle façon de voir vaudrait à n'importe quel programme de changement l'aliénation immédiate de la plupart des hommes. En sens inverse, le fait de mettre en exergue la masculinité peut être perçu comme une façon d'excuser les hommes violents, attribuant leur comportement à une masculinité que beaucoup jugent " naturelle " et immuable.

Face à ces malentendus possibles, les experts ont souligné qu'il s'agit de se concentrer sur les caractéristiques sociales de la masculinité qui portent les hommes à la violence et sur les institutions et les idéologies qui renforcent les traits agressifs des masculinités. Il ne s'agit alors ni d'excuser les comportements violents ni d'adresser aux hommes un reproche simpliste mais d'accentuer le souci d'empêcher la violence et d'ouvrir des débouchés à des perspectives autres et positives.

Aller vers plus d'équité et d'égalité entre les sexes est une part importante de la dynamique de la culture de paix. La coopération et le dialogue entre les femmes et les hommes créent une connaissance nouvelle et un changement positif. Par conséquent, il ne saurait y avoir de concurrence, sur le plan du financement, entre les programmes destinés aux garçons et aux hommes et les programmes destinés aux filles et aux femmes. Les nouveaux programmes à l'intention des hommes ne doivent pas non plus céder à la crainte d'un " retour de bâton " contre les pressions féministes en faveur de l'égalité des sexes.

Un autre problème se pose, concernant, celui-là, la prépondérance des recherches et des idées occidentales dans le nouveau débat centré sur la masculinité. Il importe de reconnaître la différence culturelle et les savoirs locaux. Parallèlement, il faut reconnaître que certaines modalités occidentales réglant les rapports sociaux entre les sexes s'imposent de manière hégémonique dans un monde en voie d'homogénéisation et ont un impact, souvent destructeur, sur les cultures non occidentales. Certaines masculinités sont maintenant à l'oeuvre sur une scène mondiale, alors que la plupart des programmes de réforme ne fonctionnent que sur une échelle locale. Les organisations internationales comme l'UNESCO ont un rôle capital à jouer face à ce problème.

 

3. Des éléments nouveaux dans la recherche et les débats de politique générale

Les recherches et les débats de politique générale qui ont eu lieu récemment sur la masculinité alimentent d'éléments nouveaux l'effort en faveur d'une culture de la paix.

Les dix dernières années ont vu apparaître un peu partout dans le monde une nouvelle vague de recherche sociale et scientifique sur les hommes et les spécificités masculines. Il s'agit de recherches menées en sociologie, en ethnographie, en histoire, en psychologie, en criminologie, en sciences de l'éducation et dans d'autres domaines. La recherche empirique a ainsi permis de mieux comprendre:

.. la diversité des masculinités

.. la construction des masculinités dans l'enfance et la vie sociale

.. les hiérarchies et les rapports de force entre les hommes et les structures générales du patriarcat (conditions suscitant la discrimination entre les sexes)

.. le contexte institutionnel de la masculinité

.. les transformations historiques et psychologiques de la masculinité.

Ces recherches ont stimulé un nouvel effort de compréhension des rapports sociaux entre les sexes et de la situation des hommes. Les théoriciens se sont posé la question de l'identité de genre, la situation économique des hommes et celle des caractéristiques de la sexualité masculine. Ces travaux contribuent à " rendre la masculinité visible " et viennent ainsi à l'appui de nouvelles initiatives concrètes et d'un débat nouveau dans l'ordre des politiques.

Il y a, depuis plus de dix ans, dans un certain nombre de pays des campagnes visant à réduire la violence masculine, en particulier la violence et le viol domestiques. Au cours de la dernière décennie, on a vu s'instaurer des débats de société sur l'éducation des garçons, la santé des hommes et la part des hommes dans les accidents de la route. Dans un petit nombre de pays, des questions liées à la masculinité commencent à faire l'objet de documents de politique générale axés sur la problématique du genre dans l'éducation.

On dispose donc de ressources nouvelles, sous forme de connaissances empiriques, de concepts et d'éléments d'expérience pratique, grâce auxquelles on est désormais mieux à même d'aborder le problème de la masculinité et de la paix.

 

4. Comment faut-il comprendre les masculinités?

Le groupe d'experts a discuté des façons traditionnelles et nouvelles de comprendre les masculinités. Tous ont été d'accord pour dire que la biologie du sexe n'explique pas les problèmes; les différences biologiques sont d'ordre biologique, tandis que les modes de violence sociaux appellent des explications sociales et des solutions sociales.

L'idée d'un " rôle de sexe masculin " est utile pour appeler l'attention sur l'apprentissage social de genre (souvent appelé " socialisation ") et sur les stéréotypes répandus dans les médias et dans la culture qui n'offrent aux garçons que des modèles de masculinité restrictifs et agressifs.

De nombreuses contributions à la réunion ont, toutefois, illustré la nécessité de dépasser la focalisation sur les stéréotypes de " rôle " pour adopter un point de vue plus large sur les rapports sociaux de genre et les masculinités. Notre compréhension de ces particularismes doit embrasser la production économique, le pouvoir et l'autorité, la sexualité et les émotions, les identités et la communication. La discussion a souligné les points suivants :

.. L'influence des facteurs économiques. Lorsque les hommes ont des avantages économiques sur les femmes, ils ont un privilège à défendre, qui peut être défendu par la violence ou rendre les femmes vulnérables à la violence. Les changements économiques qui mettent en péril des modes de vie traditionnels des hommes ou les détruisent sans offrir de solution de rechange font le lit des voies de la violence ou du militarisme.

.. La complexité des masculinités. Les traits spécifiquement masculins sont souvent imbriquées dans les identités ethniques ou générationnelles, et cela peut donner lieu à des affrontements violents. Une masculinité hégémonique peut avoir un grand prestige social, sans qu'il y ait beaucoup d'hommes qui s'y conforment ou en aient le désir. Les conflits sociaux et les tensions psychologiques relatifs à la masculinité peuvent aboutir à la violence, mais aussi créer des possibilités de changement. On trouve des " cultures de paix " à l'état latent dans de nombreuses situations.

 

.. L'importance du changement historique. Les rapports sociaux de genre sont dynamiques et peuvent se modifier rapidement, même si on les croit généralement lents à changer ou réfractaires au changement. Les masculinités ne font pas qu'aller du " traditionnel " vers le " moderne ". Des jeunes femmes peuvent être amenées à adopter un comportement traditionnellement masculin pour parvenir plus facilement à l'égalité. De nouvelles caractéristiques masculines militarisées peuvent apparaître dans des Etats ou des communautés qui se sentent menacés. Même les forces de maintien de la paix peuvent provoquer ce type de réaction. La mondialisation peut introduire des modèles " occidentaux  " de femmes domestiquées et d'hommes agressifs et compétiteurs dans des communautés où règne une relative égalité entre les sexes, ou provoquer d'autres modes de dislocation du patriarcat débouchant sur une montée de la violence.

5. Comment les masculinités sont-elles reliées à la violence ?

La violence a des causes multiples (notamment la dépossession, la pauvreté, la convoitise, le nationalisme, le racisme, la conception de " l'honneur ") et se nourrit de situations diverses. On observe, néanmoins, des rapports persistants avec des traits spécifiquement masculins, notamment sur les points suivants.

  • .. Les modalités de l'organisation sociale placent en général les moyens de la violence, tels que les armes et les compétences militaires, entre les mains des hommes, et non des femmes. Et cela s'applique aussi bien aux armes possédées à titre privé qu'à l'armement militaire.

  • .. La vie de groupe des garçons entre eux, l'instruction militaire et les médias tendent souvent à susciter un lien direct entre l'idée qu'on se fait d'un " vrai homme " et la pratique de la domination et de la violence.

  • .. Lorsque les hommes estiment avoir droit à un certain pouvoir ou un certain statut (en particulier par rapport aux femmes), le fait de ne pouvoir jouir de ces " droits " suscite leur colère. La réaction à un sentiment d'impuissance peut les conduire à se livrer à des violences contre les femmes ou à entrer dans une bande, à adhérer à un mouvement raciste, à s'enrôler dans une armée ou un mouvement révolutionnaire armé, où ils éprouvent le sentiment de reprendre le dessus.

  • .. Les mouvements racistes, ethno-nationalistes et extrémistes sont souvent l'expression d'une " exigence de domination " centrée sur la figure de l'homme, la femme jouant alors le rôle de soutien et de mère des guerriers. La pression psychologique qui oblige à jouer au guerrier ou au chasseur peut être intense.

  • .. Le maintien d'une masculinité hégémonique appelle le mépris d'autres formes de masculinité et de l'autonomisation des femmes. Il prend souvent la forme d'un harcèlement mutuel chez les garçons et celle d'actes de violence graves commis par certains jeunes hommes contre des homosexuels.

 

Les aspects agressifs et dominateurs de la masculinité peuvent constituer une source directe de violence. Dans bien des cas, cependant, des idéologies de genre servent d'agents de transformation d'autres causes de conflit en conduites violentes. Lorsque sont créées des conditions spécifiques de masculinités violentes, le recrutement d'hommes et de garçons peut prolonger ou intensifier des conflits armés. Dans tous ces cas, l'action visant à modifier ces masculinités est une stratégie de paix pertinente.

 

6. Quelle sorte de changement faut-il ?

On laisse souvent entendre avec horreur que vouloir réformer les rapports sociaux entre les sexes aboutit à changer les hommes en femmes, en les émasculant, en les rendant " tendres " et, dès lors, incapables d'entrer en compétition ou de se tenir avec fierté dans le monde.

Pour résoudre le problème de la violence et construire une culture de paix il faut à coup sûr en passer par une modification de certaines caractéristiques de la masculinité. Mais cela ne signifie pas que les hommes doivent devenir des faibles ou des incapables. Au contraire, la violence survient souvent parce que des masculinités sont construites de manière à faire de la violence l'option facile, ou la seule envisageable.

Construire la paix, il faut le souligner, est une entreprise complexe et ardue, qui vaut que des hommes et des femmes y consacrent des efforts héroïques. Le sentiment de compétence, qui tient une grande place dans certaines valeurs masculines, peut être relié à l'égalité plutôt qu'à l'exclusivité; la démocratie a besoin, elle aussi, de praticiens qualifiés.

L'éducation ne peut pas " resocialiser " les garçons et les hommes, au sens de les forcer à entrer dans un moule de non-violence (au lieu du moule de violence). Il s'agirait plutôt pour l'éducation d'ouvrir un faisceau de voies à suivre et de permettre aux garçons et aux hommes d'utiliser un éventail plus large de leurs capacités - capacités affectives, communicatives et politiques. L'éducation peut montrer aux garçons et aux hommes diverses manières d'être un homme et leur fournir l'occasion de faire l'expérience de cette diversité. Elle peut développer chez les garçons et les hommes des capacités d'action non violente et les former à des techniques de paix, tout comme ils sont aujourd'hui couramment formés aux techniques du combat.

 

Un effort d'éducation allant dans ce sens ne peut opérer isolément. Il doit être soutenu par une action dans d'autres domaines de l'existence, qui vise à diversifier le champ d'expérience possible des hommes et à faire qu'il leur soit plus facile d'adopter une conduite non violente. Il faut pour cela s'appliquer à réduire les écarts hiérarchiques entre les sexes et les antagonismes sur toute l'échelle de la vie sociale dont traitent les recommandations formulées par la réunion: le domaine de la vie publique, les médias, le domaine privé, le lieu de travail, les institutions.

 

Un exemple remarquable de cette nécessité d'un changement est la tâche sociale capitale du maintien de la paix. Elle incombe actuellement à des organismes comme la police et les forces internationales de maintien de la paix, qui se composent d'une immense majorité d'hommes, ont une culture fortement masculinisée et dont les effectifs sont susceptibles d'être engagés sur le mode de l'affrontement. Il s'agit ici de modifier à la fois la culture qui préside à l'organisation et la division du travail entre les sexes.

 

7. Comment s'effectue le changement ?

Une conclusion importante à laquelle sont parvenues des recherches récentes est qu'il y a différentes sortes de masculinité, et non une seule forme dominatrice et violente. Il y a beaucoup d'hommes non violents dans le monde et beaucoup d'hommes qui s'emploient déjà activement à réduire la violence.

La réunion d'experts a discuté d'exemples d'hommes qui participent activement à la construction d'une culture de paix, cela aussi bien dans le cadre d'une action militante au sein de la communauté que dans celui de programmes gouvernementaux. 

 

Voici quelques exemples:

  • .. La campagne canadienne dite du " ruban blanc ", vaste programme de participation des communautés à la réduction de la violence des hommes envers les femmes, qui s'est maintenant étendu à un certain nombre d'autres pays.

  • .. Dans les pays nordiques les " quotas des pères " (ou " mois des papas ") de congés de paternité et l'expérience du recrutement d'un assez grand nombre d'hommes pour travailler dans des garderies d'enfants.

  • .. En Afrique du Sud, la " Commission Vérité et Réconciliation " et des actions communautaires telles que la campagne " Nous nous souviendrons d'eux " en mémoire des tués des accidents de la route.

  • .. Les groupes d'hommes antisexistes et antiracistes dans un large éventail de pays allant de l'Australie à la Russie, telle l' " Organisation nationale des hommes contre le sexisme " aux Etats-Unis.

  • .. Des initiatives visant à modifier des cultures de la violence propres à la profession au moyen de programmes de formation en cours de service pour le personnel de la police dans des pays comme El Salvador et les Philippines.

  • .. L'élaboration de programmes spécialement destinés aux garçons dans les écoles australiennes, qui traitent des problèmes allant de l'alphabétisation aux relations humaines et à la violence et permettent aux garçons d'aborder certains problèmes liés à la masculinité.

Il est encore trop tôt pour concevoir un programme de changement exhaustif, néanmoins certains principes significatifs se dégagent d'ores et déjà de ce travail.

  • .. Il importe d'en finir avec la séparation des sexes. S'il y a des activités devant être ciblées sur des groupes soit masculins soit féminins, les programmes doivent être planifiés par des hommes et des femmes se consultant mutuellement.

  • .. Il est essentiel de trouver des modalités de travail avec les garçons et les hommes qui soient empreintes de respect. Le reproche et l'antagonisme sont de nature à perturber gravement l'édification de la paix.

  • .. Il y a lieu d'étudier avec soin les causes institutionnelles et structurelles de violence. Par exemple, en cas de rupture de l'équilibre économique, les mesures à prendre devront notamment porter sur la recherche de nouveaux moyens d'existence.

  • .. Des problèmes d'éducation concernant la paix et les rapports sociaux de sexe se posent dans l'ensemble des programmes scolaires et des programmes d'éducation des adultes. Il ne doit pas y avoir de spécialité restreinte située dans un seul domaine du programme.

 

8. Questions qui restent à approfondir

 

Les recherches sérieuses portant sur les problèmes liés à la masculinité sont chose relativement nouvelle, et leur mise en rapport avec le travail pour la paix est encore plus nouvelle. La réunion a reconnu que beaucoup de formulations et de propositions doivent encore être présentées sous forme de ballons d'essai et pouvoir être remises en question en cas d'évolution nouvelle.

 

Certaines questions qui ont fait l'objet de discussions au cours de la réunion sont restées ouvertes. Il est apparu qu'elles constitueraient des thèmes fructueux pour des discussions et des recherches plus poussées. Ce sont les suivantes :

  • .. Jusqu'à quel point la masculinité institutionnelle de l'Etat et des entreprises est-elle une négation des effets de l'accession de femmes à des postes de responsabilité dans les domaines de la gestion et de la politique?

  • .. Dans quelle mesure la violence provient-elle de la fragilité des identités masculines?

  • .. Le rôle de la honte et de l'humiliation à la source de la violence des hommes, question qui figure dans bon nombre des études de cas qui ont été discutées. Les situations d'humiliation ne surviendraient peut-être pas si facilement s'il n'y avait certaines conceptions excessives de l'honneur masculin, question qui mérite un examen attentif.

Etant donné que ses participants venaient de nombreux pays d'Europe et des autres continents, la réunion d'Oslo était elle-même une occasion unique d'échanger des informations et des idées. Il ainsi est apparu que la diffusion internationale d'éléments d'expérience pratique dans le domaine de la construction de la paix avec les hommes est une tâche importante pour l'avenir au même titre que la recherche et l'écriture.

 

Note de conclusion

 

La population qu'intéresse le travail sur la masculinité et la paix ne se restreint pas à un petit groupe d'hommes marginalisés. Elle comprend tous les hommes - et à vrai dire toutes les femmes - car les rapports sociaux de genre sont interactifs et nous participons tous au fonctionnement et à la formation des modalités selon lesquelles ces rapports s'ordonnent dans la société.

 

S'il est vrai que l'histoire de la violence masculine est une litanie d'horreurs, les masculinités sont très diverses et présentent beaucoup d'aspects où peut s'amorcer un changement. Bien des expériences de nos vies personnelles indiquent que les hommes aussi bien que les femmes tendent vers l'égalité et la non-violence s'il leur est loisible de le faire. Tant que des schémas institutionnels et culturels leur barrent le passage, ils n'avancent pas. Mais il peut suffire de peu de chose pour débloquer une situation et produire alors des effets considérables.

 

Les recommandations émanant de la réunion traduisent cette idée qu'il y a beaucoup de possibilités dans la large gamme des thèmes qu'elles abordent. Nos propositions sont des points de départ. Elaborer une stratégie complète est un travail d'une autre ampleur appelant de nombreux collaborateurs.

Nous concentrons notre attention, dans cette analyse, sur les points de polarisation entre les genres afin de trouver des moyens de les dépasser. Le caractère d'un homme quel qu'il soit ne se résume pas à sa " masculinité ". Ce que les hommes ont en commun avec les femmes dépasse de beaucoup ce qui les sépare. Leur commune humanité, faite de capacités communes, de langues qui sont les mêmes, d'institutions qu'ils ont en commun, d'intérêts partagés et de responsabilités communes à l'égard des enfants, est la base la plus importante sur laquelle fonder un avenir de paix.

 

III


RECOMMANDATIONS

 

Généralités

La réunion d'experts a reconnu que le travail sur les problèmes spécifiquement masculins touchant la violence et la paix ne pouvait aboutir que dans le contexte d'un vaste mouvement tendant vers l'égalité des sexes et la non-violence. En conséquence, nous sommes d'avis qu'il est indispensable de continuer à renforcer les politiques et les initiatives actuellement appliquées à réduire la violence, promouvoir la démilitarisation, accroître l'égalité économique et politique entre les femmes et les hommes, combattre la discrimination sous toutes ses formes, promouvoir la créativité et les manifestations culturelles et les oeuvres d'art liées à la paix et diffuser les idées et les techniques d'une culture de paix.

Dans ce contexte, nous proposons les mesures spécifiques suivantes qui ont trait aux rôles des hommes et aux masculinités.

 

Le rôle des parents

  • Soutenir les initiatives qui soulignent que les hommes ont, au même titre que les femmes, le devoir d'élever les enfants et qui encouragent en ce domaine des pratiques fondées sur le soutien affectif, l'empathie et la non-violence.

  • Soutenir les programmes de planification familiale qui soulignent le fait que la responsabilité liée à la procréation incombe à égalité à l'homme et à la femme.

  • Encourager tous les pays à adopter, en plus du congé de maternité, un congé de paternité subventionné par l'Etat et encourager les syndicats, les associations professionnelles et les entreprises à appuyer une telle politique.

L'éducation

 

L'UNESCO devrait soutenir des programmes concernant l'école

(i) en élaborant un portefeuille d'éléments de programme internationaux sur diverses formes de masculinité et sur les hommes par rapport à une culture de paix;

(ii) en organisant des projets pilotes de formation des enseignants à des méthodes efficace d'opposition à la discrimination et la violence (par exemple, au sexisme, à l'homophobie et au racisme).

Les systèmes scolaires devraient

(i) donner aux garçons, aux filles et aux éducateurs une formation en matière de techniques de résolution de conflit, d'expression des émotions et de communication de groupe à groupe.

(ii) élaborer des éléments de programme scolaire et des manuels dépeignant des comportements non violents et dépourvus d'agressivité chez des hommes.

 

L'UNESCO, par l'intermédiaire de son programme de chaires, devrait appuyer la création de chaires d'université sur la problématique des rapports sociaux de genre, y compris la question des hommes et des masculinités par rapport à une culture de paix et appuyer le même type d'initiative dans le programme UNITWIN.

La communauté

Soutenir des groupes et des mouvements ancrés dans les communautés qui font participer les hommes et les garçons à une exploration de voies de la transformation de la masculinité dans l'optique d'une culture de paix.

 

Promouvoir l'organisation de sports et de jeux non violents et plus fortement inspirés par un esprit de coopération.

Le travail et l'économie

Encourager les gouvernements, les entreprises et les syndicats à imaginer des formes de vie professionnelle s'harmonisant avec les exigences de la famille et comprenant notamment des programmes de formation destinés à mettre fin au harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

 

Soutenir et encourager les hommes et les femmes désireux de choisir des emplois ne correspondant pas aux traditions établies et réduire les barrières entre les sexes dans la vie professionnelle.

 

Encourager le développement de cultures de gestion intégrant les femmes dans les entreprises et les administrations (y compris celles de l'aide internationale) pour les substituer aux cultures fondées sur la dominance masculine.

La police et l'armée

L'Organisation des Nations Unies devrait élaborer un programme de formation destiné au personnel des missions de maintien de la paix, dans toutes les fonctions représentées lors de ces missions.

Les forces de police devraient mettre au point une approche différenciée en termes de genre de l'action policière dans le domaine de la violence domestique.

 

Les institutions militaires et policières devraient chercher à recruter aussi bien des femmes que des hommes dans leurs effectifs et inclure dans la formation de l'ensemble de leur personnel un enseignement portant sur les techniques de la négociation, une sensibilité pour les questions de genre et les droits humains.

 

L'UNESCO devrait inciter tous les pays à proposer une formule de travail au service de la communauté soit en remplacement du service militaire soit à titre d'option concurrente.

La culture

Promouvoir des débats sur la représentation des hommes dans les médias et les jeux vidéo, sur l'Internet et dans la culture de masse en général afin de susciter dans le cadre des communautés une réflexion organisée sur l'impact des images violentes de la masculinité et des interventions pour promouvoir au besoin des solutions de rechange.

 

L'Etat et les communautés devraient reconnaître la diversité légitime de la sexualité non violente, y compris les formes homosexuelles et hétérosexuelles de la masculinité.

 

L'UNESCO devrait explorer les potentialités des arts de création dans la construction des nouvelles formes de masculinité et d'une culture de paix attentive aux questions de genre.

La violence envers les femmes

Soutenir des programmes ancrés dans les communautés visant à prévenir parmi les garçons et les hommes la violence envers les femmes (comme la campagne du ruban blanc au Canada et ADAPT en Afrique du Sud).

 

Encourager les programmes destinés aux hommes qui battent des femmes visant à les responsabiliser à l'égard des femmes de leur communauté.

 

L'UNESCO devrait compiler un répertoire international de ressources et d'organisations d'hommes oeuvrant pour mettre fin à la violence envers les femmes.

La recherche

Soutenir le développement d'études multidisciplinaires sur les masculinités et les rôles masculins, et surtout des recherches sur les conditions sociales et culturelles qui engendrent des formes de masculinité violentes et patriarcales.

 

L'UNESCO devrait soutenir la création de consortiums et de réseaux pour faciliter la recherche en collaboration dans ce domaine.

Les organisations du secteur public

Encourager les gouvernements, les organismes des Nations Unies et d'autres organisations à nommer dans leurs services des spécialistes des aspects divers de la masculinité et des problèmes spécifiques de la condition masculine et à les affecter à des programmes touchant les rapports sociaux entre les sexes et à de programmes pour la paix.

L'UNESCO devrait patronner la production de brochures, d'articles et autres ressources bibliographiques sur les rôles des hommes et les masculinités et en assurer la diffusion au travers des Commissions nationales pour l'UNESCO, des syndicats, de l'armée, des forces de police et des ONG.

Le suivi

Il devrait y avoir un suivi de la réunion d'Oslo, comprenant notamment la traduction et la diffusion des documents, des consultations des participants avec les pouvoirs publics et les éducateurs de leurs pays respectifs, des réunions régionales et (au bout d'un an) une nouvelle réunion sur l'Internet des participants présents à Oslo pour examiner les progrès accomplis.

IV 
RÉSUMÉS DES DOCUMENTS PRÉSENTÉS

  • Robert Connell, LES ARMES ET L'HOMME

Les faits qui désignent les hommes comme les principaux agents de la violence dans le monde moderne sont omniprésents et, dans la plupart des sociétés, la violence est culturellement masculinisée. Les nouvelles recherches sociales menées sur la masculinité sont propres à faciliter la compréhension de ce lien. Les " masculinités " n'existent que dans les structures des relations sociales entre les sexes. Ces structures génèrent des formes multiples de la masculinité, y compris des formes de masculinité non violente.

Cependant, les hiérarchies établies parmi les hommes tendent à placer les moins agressifs en position de subordination. Les caractères spécifiques de la masculinité font partie de la substance des institutions, de la culture et de la vie personnelle. Ils sont dynamiques et en changement permanent. Il y a là des raisons d'espérer en l'avènement de rapports sociaux plus pacifiques entre les sexes, malgré le risque de voir émerger des formes de masculinité plus violentes. On voit apparaître de nouvelles formes de la masculinité, au premier rang desquelles une masculinité transnationale propre au monde des affaires. On observe aussi plusieurs formes de politique de la masculinité dont les programmes s'opposent les uns aux autres.

Les stratégies d'éducation pour la paix doivent avoir un vaste champ d'application et, tout en respectant les hommes, leur demander des changements d'attitude conséquents. Il n'est pas demandé aux hommes d'adopter uniformément une nouvelle manière d'être. Il s'agit plutôt de mettre en place des stratégies efficaces à l'appui d'évolutions tendant vers des façons plus démocratiques d'aborder les rapports sociaux entre les sexes dans des situations très diverses. Il existe d'ores et déjà des modèles utiles de stratégies de cet ordre et il importe de s'en inspirer.

  • Gioia Di Cristofaro Longo, LA NOUVELLE IDENTITÉ MASCULINE ENTRE LA CRISE ET UNE NOUVELLE REDÉFINITION 
    VERS L'ÉQUIVALENCE DES DEUX SEXES

  • Le processus de redéfinition des identités masculine et féminine a fonctionné de manière asymétrique. Il a avancé pour les femmes mais ne fait que commencer pour les hommes. Toutefois, un processus historique s'est engagé qui pourrait aboutir à la redéfinition de l'identité masculine dans l'optique d'un nouvel équilibre culturel entre les sexes et d'un nouveau type de rapports sociaux entre les sexes, redéfinition fondamentale dans la perspective de la résolution des conflits dans une culture de paix.

    La première étape sur la voie d'une culture de paix est de venir à bout de la discrimination et de l'injustice à l'égard des femmes et de créer une identité fondée sur l'égalité des sexes et sur des valeurs associées en général à l'identité féminine. Les femmes ont redécouvert la maternité en tant qu'expérience spécifique mais non exclusive de leur sexe, comme un " rôle " important, mais non le seul, sur lequel repose leur identité de personnes de sexe féminin. L'auteur est d'avis que les hommes devraient commencer à appréhender la procréation comme une expérience à laquelle, aujourd'hui, ils peuvent et doivent prendre une part plus directe.

    Les hommes ont aujourd'hui de plus en plus conscience d'avoir perdu une partie importante de leur champ d'expérience humaine, qui est le domaine intime de l'affectivité. Il est important de ne pas perdre de vue qu'il s'agit d'un processus dans lequel les hommes ont besoin de découvrir/redécouvrir les éléments essentiels de leur masculinité qui battent en brèche le conditionnement culturel à l'origine des stéréotypes.

    • Alberto Godenzi, LES DÉTERMINANTS DE LA CULTURE: LES HOMMES ET LE POUVOIR ÉCONOMIQUE

    Pour qu'une culture de paix puisse se développer, il faut qu'elle puisse s'appuyer sur des éléments sous-jacents propres à favoriser l'évolution correspondante. Une culture de paix est avant tout le produit d'une interaction entre les être humains et, comme la notion de paix renvoie dans une large mesure à des rapports de type égalitaire, l'égalité entre les hommes et les femmes est un élément préalable capital. L'inégalité est une forme de violence structurelle.

    Le document analyse les rapports entre l'inégalité entre les sexes et la violence ou, à l'inverse, entre l'égalité entre les sexes et la non-violence. Il insiste, en outre, sur l'égalité entre les sexes, qu'il convient de mesurer principalement au degré de parité économique. Les statistiques récentes font nettement ressortir le déséquilibre entre les hommes et les femmes du point de vue du pouvoir économique, malgré l'incontestable progrès des femmes dans le domaine de l'éducation et leur participation accrue à la force de travail. Une transformation majeure de la situation relative des hommes et des femmes au plan économique contribuerait grandement à l'établissement d'une culture de paix.

  • Øystein Gullvåg Holter, GENRE ET PAIX: LES MANIFESTATIONS DES LMASCULINITÉS DANS LA GUERRE ET DANS LA PAIX ET LES ORDRES PATRIARCAUX

  • La possibilité de promouvoir des changements positifs parmi les hommes passe par une interprétation des formes de la masculinité dans leurs contextes sociaux et culturels, qui distingue entre les aspects de différentiation et de stratification du système des rapports sociaux de sexe.

    Le document analyse des schémas sociaux inégalitaires ou patriarcaux qui se répercutent dans ce système et qui ont contribué à perpétuer chez les hommes l'esprit de domination, d'agression et de violence.

    L'auteur avance qu'il faut identifier des schémas inégalitaires afin d'ouvrir un espace propice à un changement qui tende vers une culture de paix et constitue aussi un vaste courant parmi les hommes eux-mêmes.

  • Michel Kaufman, TRAVAILLER AVEC LES HOMMES ET LES GARÇONS À COMBATTRE LE SEXISME 
    ET A EN FINIR AVEC LA VIOLENCE MASCULINE

  • La violence des hommes s'enracine non pas dans la biologie mais dans les impératifs de la société patriarcale. On peut le constater à tous les niveaux des rapports entre les hommes (depuis les relations entre les nations jusqu'au domaine du sport), entre les hommes et les femmes, entre les adultes et les enfants, au sein des structures économiques et par rapport au milieu naturel - et l'on a dit à juste titre qu'il s'agit d'un viol. Les hommes, y compris ceux qui ne se conduisent jamais violemment, intériorisent inconsciemment cette violence inscrite dans les définitions dominantes de la masculinité.

    Les structures sociales incorporant une inégalité des pouvoirs (et notamment les privilèges dont jouissent traditionnellement les hommes) s'associant aux exigences intériorisées de la virilité déterminent le paysage qui façonne la violence des hommes dans la multitude de ses formes. La lutte pour mettre un terme à la violence des hommes et développer une culture de paix nécessite une claire définition de la conduite à tenir en réaction. Nous devons nous opposer aux voies de la violence patriarcale telles qu'elles prolifèrent dans le tissu social et dans les interactions humaines.

    Le document part du cadre ainsi défini pour examiner deux études de cas d'un travail effectué avec des garçons et des hommes pour mettre fin à la violence envers les femmes et à la violence interpersonnelle parmi les hommes. Il s'agit, d'une part, d'un travail avec des garçons dans le cadre du système scolaire et, d'autre part, du travail accompli par la campagne du ruban blanc, qui est la plus vaste initiative en cours aujourd'hui dans le monde pour mettre fin à la violence envers les femmes.

  • Hassan Keynan, LES RÔLES MASCULINS 
    ET LA GÉNÈSE DU DRAME SOMALIEN

  • Ce document explore le lien entre la culture dominée par les hommes qui imprègne la société et la politique somaliennes et le conflit et les violences prolongées qui ont ravagé la Somalie. Il donne une brève description des fondements de la culture somalienne qui met en relief la situation prépondérante des hommes dans la société somalienne et la façons dont cette prépondérance se manifeste et les domaines où elle s'exerce. Le document affirme que la culture somalienne, qui repose sur trois traditions (le système du clan, l'islam et l'influence occidentale) affiche sans ambiguïté ni honte son caractère masculin. Elle marginalise les femmes, et parfois les exclut, dans tous les aspects, sociaux, économiques et politiques, de la vie publique.

    Le document soutient aussi que la culture somalienne comporte une culture de paix qui peut servir de source d'inspiration et de référence à l'appui du processus tendant vers une culture de paix. La femme somalienne symbolise la culture de paix qui est en sommeil à l'intérieur de la culture somalienne. Le document suggère en conclusion que les Somaliens eux-mêmes devraient prendre l'initiative d'un effort visant à aider la société somalienne à établir plus largement une culture de paix et que celle-ci devrait être ancrée dans la culture somalienne.

  • Michael Kimmel, RÉDUIRE LA VIOLENCE DES HOMMES: 
    QUAND LE PERSONNEL RENCONTRE LE POLITIQUE

  • Le document analyse les liens entre les niveaux micro-institutionnel et macro-institutionnel à l'origine de la violence des hommes, en puisant des exemples dans les mouvements nationalistes ethniques et dans la violence domestique. L'auteur suggère que l'origine de la violence ne se situe pas dans l'expérience du pouvoir propre aux hommes (en tant qu'expression manifeste du pouvoir et de la domination) mais plutôt dans la dualité des sentiments d'impuissance qu'éprouvent les hommes et du sentiment qu'ils ont que le pouvoir leur revient de droit. Cette analyse aboutit à discerner ceux des hommes qui ont le plus de chances d'adhérer à des mouvements nationalistes ethniques (les jeunes des couches inférieures de la classe moyenne) et de commettre des actes de violence envers les femmes (ceux qui sentent se dissoudre l'emprise de leur autorité domestique).

    L'auteur entreprend ensuite d'analyser les cultures dans lesquelles la violence des hommes, au niveau du microcosme et à celui du macrocosme, est exceptionnellement restreinte. Ce qui ressort des recherches transculturelles est que c'est dans des configurations culturelles spécifiques des rapports hommes-femmes que la violence est la plus faible: lorsqu'un haut degré d'autonomie des femmes s'accompagne de définitions spécifiques de la masculinité dans lesquelles entre une forte participation de l'homme aux soins des enfants.

  • Uta Klein " LES MEILLEURS DE NOS GARÇONS  ", 
    OU LA FORMATION DE LA MASCULINITÉ 
    DANS LA SOCIÉTÉ ISRAÉLIENNE

  • Les conclusions qui se dégagent d'une étude du cas d'Israël renforcent l'idée selon laquelle les sociétés qui vivent environnées par une menace telle qu'un état de guerre fréquent ont tendance à être dominées par les hommes et à générer des principes de légitimité d'essence masculine.

    L'armée est en Israël le principal agent social responsable de la formation les rôles de genre; elle confère au genre masculin une masculinité spécifiquement militaire et constitue par là la principale source de perpétuation de l'inégalité entre les sexes. L'imagerie sioniste mêlant des idéaux masculins de force et d'énergie physiques en réaction à la longue histoire de persécution du peuple juif, intensifiée par la Shoah, est gravée dans la société juive israélienne. Les signes de faiblesse y sont considérés comme des menaces pour l'identité masculine. La situation politique créée par le conflit judéo-arabe a intensifié ce processus.

    Dans les sociétés qui sont en situation de conflit et de guerre, l'impératif de l'unité est la principale raison qui incite à laisser de côté la question de l'égalité entre les sexes. La forte participation des femmes au mouvement en faveur de la paix peut s'expliquer par les rapports existant entre le conflit armé et la militarisation de la société, d'une part, et l'inégalité entre les sexes, d'autre part.

    Selon l'auteur, l'objectif primordial doit être la démilitarisation de la société. La mentalité d'assiégé débouche sur la militarisation et aboutit à une masculinité hégémonique; dès lors, en finir avec la mentalité d'assiégé devient un but. Il s'agit de transformer la société en passant de la prévalence de l'esprit de siège à celle des principes universels, de la logique militaire à la logique civile et de la masculinité combattante à une masculinité pluridimensionnelle.

    • Bo Loggarfve, LA FORMATION AUX OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE  LA PAIX: COMMENT EST PRIS EN COMPTE LE RÔLE DE LA FEMME ET DES ENFANTS

    La communication était centrée sur la façon dont la problématique des rapports sociaux entre les sexes est prise en compte aux différentes phases de l'instruction des forces armées suédoises:

    • Phase 1: Formation de base des officiers Formation de base des hommes de troupe

    • Phase 2: Formation préparatoire des officiers destinées à servir dans le cadre de l'ONU ou de structures internationales

    • Phase 3: La formation finale et l'exercice final font intervenir des experts venus de l'extérieur.

    Les résultats de l'exercice sont évalués par les experts intervenant.

    Il a été question également d'un rapport de Save the Children, Suède, intervenant à titre de partenaire.

    En ce qui concerne les observateurs militaires et les membres de la police civile des Nations Unies, une attention spéciale est portée au fait qu'ils vivent au contact de la population locale.

    L'intervenant a conclu que:

    - la formation est la première étape de tout progrès dans ce domaine spécifique et qu'il est fort utile de faire appel à des experts de l'extérieur

    - Le Code de conduite des Nations Unies à l'usage des agents de maintien de la paix est très précieux pour traiter de manière cohérente les problèmes liés aux rapports sociaux de sexe.

    • Robert Morrell, LES HOMMES SUD-AFRICAINS DANS L'APRÈS-APARTHEID: RÉACTIONS, DANGERS ET POSSIBILITÉS

    A lire des communiqués de presse du gouvernement, on croirait que l'Afrique du Sud après l'Apartheid est un des pays les plus avancés du monde en matière d'équité entre les sexes. Si cela n'est pas tout à fait faux, la réalité est tout de même loin du compte. Malgré une nouvelle constitution qui interdit par principe toute discrimination fondée sur le sexe ou des préjugés sexuels, il y a dans le pays un taux élevé de criminalité violente et de harcèlement sexuel et le pouvoir masculin est solidement retranché sur ses positions.

    Le document étudie l'impact sur les hommes des politiques visant à faciliter la promotion des femmes. Il avance qu'il y a de réels changements dans le patriarcat mais que ceux-ci ne vont pas sans contestation. Au sein de l'Etat, on voit progresser différentes versions d'un type de masculinité souhaité, et au sein de la population le changement de la donne sociale, politique et économique suscite des réactions très diverses. On voit apparaître des traits masculins propices à la paix en des lieux et sous des formes très variés: depuis le modèle de rôle qu'est la personne du prix Nobel de la paix Nelson Mandela jusqu'aux auteurs de sévices repentis qu'on rencontre dans la jeunesse des townships. Ce sont sans doute bon nombre d'initiatives différentes, et non un seul modèle rigide de masculinité ou de ligne de conduite masculine prescrite par l'Etat, qui produiront les effets les plus bénéfiques sur la masculinité et constitueront à long terme des atouts pour la paix.

  • Mirjana Najacevska, LES DOMAINES D'EXCLUSIVITÉ DES SEXES: 
    LA CONSTRUCTION DE LA PROPENSION MASCULINE 
    A LA VIOLENCE DANS LE PROCESSUS D'ÉDUCATION

  • Il est très probable qu'on peut s'attendre dans l'avenir à une forte pénétration des femmes dans la vie publique et dans d'autres domaines considérés comme typiquement masculins. Cela permettra probablement d'adopter un point de vue différent sur les problèmes de la violence, de la guerre et de la paix et de les aborder dans une optique nouvelle. Cela devrait à coup sûr soulager les hommes du poids de la responsabilité exclusive de la défense, du traitement des conflits et autres problèmes mettant en jeu la guerre et la sécurité. En revanche, cela privera les femmes du " privilège " de la passivité en tant que façon de résoudre les conflits sans passer par la lutte.

    L'auteur fait valoir que l'égalité qui est appelée à devenir la règle en matière de participation des femmes à la vie publique et à des domaines qui sont considérés comme typiquement masculins ne garantit nullement que l'approche traditionnelle de la violence en sera modifiée. Nul ne peut être certain que les femmes manifesteront une propension à la paix à partir du moment où elles exerceront des responsabilités à égalité avec les hommes dans la vie publique. Une fois de plus nous risquons de nous laisser prendre à des stéréotypes si nous présupposons qu'une femme est par nature plus passive et plus pacifique qu'un homme, ou qu'elle est plus encline à la résolution pacifique des conflits.

    L'auteur est d'avis que les différents points de vue des hommes et des femmes sur ce qui touche à la guerre et à la paix tiennent à la différence de statut entre les personnes masculine et féminine dans la société et ne sauraient être attribués à quelque caractéristique psychologique immanente des sexes.

  • Irina Novikova, DÉCONSTRUIRE LES SPÉCIFICITÉS MASCULINES: L'ARMÉE ET LES RAPPORTS SOCIAUX DE GENRE, SOUVENIRS DE FEMMES (DEUXIÈME GUERRE MONDIALE, GUERRE D'AFGHANISTAN)

  • La masculinité comme discours postsoviétique sur les relations sociales entre les sexes doit être analysée d'un point de vue historique. Le cryptopatriarcat du régime soviétique en matière de rapports sociaux de sexe a accrédité l'idée que la politique d'égalité entre les sexes aboutissait à émasculer et efféminer les hommes. Ainsi croit-on communément que les hommes ont perdu le sens historique de leur identité et qu'ils se doivent de le retrouver.

    Les rapports sociaux sont aujourd'hui largement déterminés par une idéologie et des attitudes masculines liées au fondamentalisme nationaliste. L'antiféminisme est également présent dans les sociétés postsoviétiques. La construction et la production de la masculinité est un produit hybride des pratiques, des valeurs et des images traditionnelles et masculines lié au remplacement d'une économie dirigée par une économie de marché. Les projets masculins à caractère nationaliste et populiste vont des représentations publiques du soldat inconnu, sauveur de la planète, archétype de l'homme fort et courageux, au héros des nouvelles technologies.

    L'auteur enquête aussi sur les situations des femmes et les influences qu'elles ont exercées sur les constructions et les reproductions de la masculinité. Sa démarche comprend notamment une lecture de récits autobiographiques de femmes relatifs à la politique de la maternité dans la matrice de l'idéologie guerrière soviétique des constructions de la masculinité et de la féminité. Elle cite en exemples " Un grondement lointain " (années 50) d'Elena Rzhevskay, qui a foulé aux pieds le canon des mémoires de guerre et transgressé le tabou des mythes " sacrés " concernant la guerre, et " Les gars de Zinky " (fin des années 80) de Svetlana Aleksevitch qui a mis à mal l'identité collective de l'armée en guerre. Les expériences dont il est fait état permettent de mieux comprendre pourquoi beaucoup de femmes d'aujourd'hui ne réclament que le droit d'oublier l'expérience du militantisme; elle veulent jouer le rôle vertueux d'épouse et de mère.

  • Knut Oftung, LES HOMMES ET L'ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES 
    DANS LES PAYS NORDIQUES

  • Le document donne des exemples d'un regard porté sur les hommes dans l'optique d'une analyse en termes de genre et présente des problèmes que soulève la volonté de rendre visibles en politique les questions qui se posent sur les rôles des hommes. L'auteur précise que sa contribution doit être appréhendée dans le contexte des pays nordiques, où d'importantes fractions de l'économie relèvent du système d'économie mixte et où l'on admet que l'Etat puisse employer certains de ses instruments au service d'une politique d'égalité entre les sexes.

    La question de l'égalité entre les sexes se situe au coeur de la problématique de la culture de paix. L'inégalité et la discrimination envers les femmes sont génératrices de conflits, et l'analyse en termes de genre éclaire les problèmes de l'agression et de la violence.

    Le document analyse aussi différents aspects de la vie des hommes, l'éducation qui est donnée aux garçons, les formes dominantes de la masculinité et, aspect qui n'est pas des moindres, l'absence de la responsabilité de soins à autrui dans la vie de beaucoup d'hommes. Ces questions sont en rapport étroit avec la genèse de nouvelles façons d'être un homme et joueront un rôle déterminant dans l'élaboration d'une culture de paix.

    La possibilité et la volonté chez les hommes de s'occuper de leurs enfants de manière indépendante et d'adopter un point de vue critique à l'égard des exigences, parfois insatiables, de la vie professionnelle sont deux aspects fondamentaux du processus de changement par lequel passent les hommes. Les soins à dispenser font partie de la création des formes nouvelles de la masculinité. Ce sont des formes de masculinité beaucoup plus aptes à percevoir les besoins des enfants. Etre auprès d'un enfant est un moyen fondamental d'apprendre à communiquer avec les autres et à comprendre leurs besoins. Les nouveaux rôles masculins liés aux soins à donner peuvent constituer un solide garde-fou face à certaines des formes les plus brutales du capitalisme. Des hommes capables de se consacrer à des soins à autrui font alors un apport important aux fondations d'une culture de paix.

    • Daniel Rios Pineda, A LA RECHERCHE DE NOTRE IDENTITÉ

    L'auteur a souligné que nous devions aspirer à créer des processus de socialisation des nouvelles générations dans le cadre d'un souci d'équité entre les sexes qui fasse prévaloir la culture de paix sur la violence (à l'encontre des femmes, des enfants, des autres hommes) sans discrimination, en établissant des relations d'égalité et de justice non seulement à travers les droits reconnus par les Etats à leurs citoyens mais aussi dans la vie quotidienne, dans les écoles, sur le lieu de travail et au sein des pouvoirs publics.

    Grâce aux efforts déployés ces dernières années par diverses organisations, les questions touchant les rôles des femmes et l'égalité entre les sexes sont passés au premier plan des préoccupations générales dans le monde entier. Les politiques concernant spécifiquement la condition de la femme qui ont été mises en place représentent des efforts importants mais qui se limitent au domaine public, tandis que la famille reproduit dans le domaine privé les valeurs qu'elles prétendent extirper.

  • Lourdes Quisumbing, FACTEURS CULTURELS D'UNE SOCIALISATION TENDANT VERS UNE CULTURE DE PAIX DANS UN SOUCI D'ÉGALITE ENTRE LES SEXES ; FORMATION AUX VALEURS ET EDUCATION POUR LA PAIX DES FORCES ARMÉES ET DE POLICE

  • Le document appuie la thèse selon laquelle les rôles masculins et féminins sont prescrits par la société et la culture plus qu'ils ne sont biologiquement déterminés. Les facteurs de différence et de diversité entre les hommes et les femmes sont plus complémentaires que mutuellement exclusifs. L'auteur adhère à l'égalité mais pas à l'uniformité, au partenariat mais pas à la supériorité ou à l'infériorité, à l'habilitation des deux sexes mais pas à la domination ou à la soumission d'un des sexes.

    Le document pose comme hypothèse que les rôles de genre et les différentiations, les perceptions de l'égalité ou de l'inégalité, l'acceptation ou la discrimination, la domination ou la soumission plongent leurs racines dans le tout premier processus de socialisation qui a lieu au sein de la famille. Les modalités de l'éducation donnée aux enfants, garçons et filles, s'inscrivent dans le contexte d'une société et d'une culture déterminées et résultent de normes et d'attentes qui sont celles des parents.

    Les êtres humains sont le produit de leurs relations avec d'autres êtres qui comptent pour eux, au cours de leur socialisation initiale au sein de la famille et plus tard au cours des interactions dans le cadre de la société adulte. La personnalité se développe dans la matrice des expériences interpersonnelles de l'individu au cours de son enfance et de sa vie adulte. Une modification des valeurs, des attitudes et des comportements peut s'opérer à travers des expériences significatives et des interactions avec autrui, comme le conçoivent les programmes expérientiels d'éducation aux valeurs destinés aux forces armées et de police.

    L'identification et le renforcement des normes, des valeurs et des pratiques culturelles qui sont attentives aux spécificités de chaque sexe et conductrices d'une culture de paix au cours de la socialisation initiale de l'individu dans la famille et plus tard dans la vie adulte peuvent être des composantes des stratégies et des approches concourant à une éducation holiste et transformatrice inspirée par la tolérance, la justice et la paix.

    • Constantina Safilios-Rotschild, L'ASPECT   NÉGATIF DES INTERVENTIONS EN VUE DU  DÉVELOPPEMENT ET DES ÉTATS DE TRANSITION   QUE VIVENT LES DEUX SEXES:  L'APPAUVRISSEMENT DES RÔLES MASCULINS MENACE LA PAIX

    Les hommes, en particulier dans les pays en développement, perçoivent souvent la transformation de leurs rôles comme une altération négative car elle leur donne l'impression de perdre leurs rôles longtemps spécifiques et valorisants de soutiens de famille et de protecteurs. Des recherches menées en Afrique subsaharienne ont permis de découvrir que le fait pour un homme d'avoir beaucoup d'enfants et plusieurs épouses et concubines avait été traditionnellement perçu comme un symbole de virilité chargé d'un grand prestige social. A l'heure actuelle, les campagnes de planification familiale stigmatisent ces conduites, déclarées irresponsables, et le sida a rendu très dangereuse la multiplication des conquêtes féminines.

    L'auteur soutient que dans les pays en développement les hommes sont souvent perturbés par une grave crise d'identité. Ils n'ont plus de repères par rapport auxquels se définir et valider leur masculinité. Comment doivent-ils s'y prendre pour affirmer leur identité distincte, différente de celle des femmes? Ils ne savent plus comment se définir pour susciter l'admiration et l'estime, pour qu'on ait besoin d'eux besoin et pour être aimés.

    Face à cette profonde crise d'identité et au sentiment qu'ils ont d'être socialement et économiquement rabaissés, la plupart des hommes africains ont tendance à se tourner de plus en plus vers des activités " révolutionnaires " pouvant aller jusqu'à des conflits politiques et ethniques sanglants qui enflent les rangs des hommes en armes. D'après l'auteur, la violence et la guerre semblent être le dernier recours des hommes, et cela surtout pour les pauvres, les sans emploi et sans éducation que sont la majorité d'entre eux.

    L'auteur fait valoir, en outre, qu'il est très difficile de faire des recommandations valables en vue d'un changement efficace. Efficaces, ces recommandations doivent d'abord l'être par rapport à leur coût afin de pouvoir être appliquées dans des pays qui ont de faibles budgets. Ensuite, elles doivent pouvoir être appliquées de manière à atteindre le groupe cible, celui des hommes pauvres, dépourvus d'éducation. Enfin, elles doivent, au-delà de leurs fondements psychologiques, s'accompagner de la perspective d'un revenu qui permette de valider un nouveau type de masculinité.

  • Andrei Sinelnikov, LA MASCULINITÉ " À LA RUSSE " 
    LA PROBLÉMATIQUE DES RAPPORTS SOCIAUX DE GENRE DANS LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

  • L'histoire de l'URSS montre qu'une idéologie progressiste qui ne s'accompagne pas d'un travail pratique ne peut modifier une réalité patriarcale. Ainsi en a-t-il été de l'égalité entre les sexes en tant que droit constitutionnel, qui ne s'est jamais matérialisé dans la vie réelle. L'effondrement de l'Union soviétique a également révélé que sous la chape pesante de l'idéologie communiste existaient d'autres systèmes idéologiques tout aussi marquées par la mentalité patriarcale.

    Cependant, loin d'être figée, la situation est en changement permanent. En 1993 sont apparus, à St Petersbourg et Moscou, les premiers services coordonnés pour les femmes en crise; puis on a vu se multiplier dans les villes à travers toute la Russie les téléphones rouges et les groupes de soutien. Grâce au travail effectué en pointe par ces premiers centres et à l'attention accrue suscitée par les problèmes des femmes en général, la violence envers les femmes commence à faire l'objet d'un débat qui s'instaure en Russie au niveau sociétal. Le mouvement de libération des femmes russes ne cesse de se renforcer, et c'est un fait que les hommes ne peuvent plus ignorer. Les premiers groupes masculins de soutien au mouvement des femmes font actuellement leur apparition en Russie.

  • Svetlana Slapsak, CHASSER, DICTER LA LOI, FAIRE DES SACRIFICES: LES PRATIQUES MASCULINES TRADITIONNELLES DANS LES CULTURES BALKANIQUES CONTEMPORAINES

  • Au cours de la guerre qui vient d'avoir lieu en Yougoslavie, les universitaires, les chercheurs et les analystes politiques étrangers, sans parler des journalistes, ont souvent eu du mal à comprendre le comportement des individus, celui des représentants de l'Etat, celui des groupes ethniques et des groupes sociaux. Le malentendu et l'insuffisance de l'information ont donné naissance à de nouveaux stéréotypes.

    Le document appelle l'attention sur certains types mal connus de comportements culturels traditionnels parmi les populations masculines des Balkans. Une réévaluation des types traditionnels de relations culturelles entre les deux sexes avait déjà commencé peu avant ou pendant la guerre dans les groupes pacifistes de Serbie, de Croatie, de Bosnie et parmi les Albanais de la région du Kosovo. L'auteur analyse les phénomènes observés autour de trois activités traditionnelles principales des hommes des Balkans: la chasse, l'imposition de l'autorité et les sacrifices.

    Les recherches anthropologiques sur l'ancien temps ont prouvé que, dans l'Antiquité, l'identité du citoyen mâle était construite et identifiable par lui non seulement dans l'Etat et ses institutions (armée, parlement, agora, rites publics, théâtre) mais aussi dans les activités marginales sensiblement moins structurées telles que la chasse et les rites privés. De nombreux types de comportement manifestés par les guerriers mâles au cours de la récente guerre dans l'ancienne Yougoslavie remontent à leurs habitudes de chasse: actions paramilitaires non organisées, capture de prisonniers pour se faire valoir, capture et viol de femmes comme signe de possession provisoire du territoire, jeux de chasse et communication intensive avec l'adversaire ou l'ennemi et tabous interdisant de toucher certains individus " proies ", certains groupes sociaux ou les femmes appartenant à certains groupes ethniques ou sociaux.

    •  Judith Stiehm, NI HOMME NI FEMME, NI VICTIME NI BOURREAU

    Le document explore deux problématiques. L'une est celle de l'effet qu'a le quasi-monopole des hommes sur la force légitime de la société, à savoir la police et l'armée. L'autre est la question de savoir quel est le meilleur moyen d'assurer que les membres de la police et de l'armée s'emploient effectivement à protéger tous les membres de la communauté et ne deviennent pas eux-mêmes une danger qui les menace.

    L'auteur fait valoir qu'un soldat ou un policier qui n'est " ni homme, ni femme " peut contribuer à briser le lien entre la masculinité et la violence, qu'il est à même de rehausser la performance de l'une l'autre institutions en élargissant leur horizon et en mettant à leur disposition une gamme plus large savoir-faire, et qu'en outre il fait des femmes des citoyennes plus responsables si elles ne se détournent pas purement et simplement de la police et de l'armée en se disant qu'elles sont " l'affaire des hommes ".

    Quant au problème des moyens de garantir que les forces de protection ne deviennent pas des bourreaux, il requiert que la plus grande attention soit portée au recrutement du personnel, à sa formation et aux politiques qui guident l'action de la police et de l'armée. Il est essentiel que des femmes participent pleinement à la mise en place de ces politiques.

    • Georg Tillner, MASCULINITÉ ET RACISME

    D'après l'auteur, le pouvoir est l'aspect qu'ont en commun toutes les variantes de la masculinité, mais pas forcément au niveau de la possession réelle du pouvoir; plutôt comme une " exigence de domination " ou un " droit au pouvoir ". La masculinité est une identité, mais l'identité ne saurait se comprendre comme ce qu'une personne a de plus essentiel; il faut y voir l'effet de pratiques. Dès lors, la masculinité est la notion et la pratique de l'identité comme pouvoir/domination. Or, cela vaut non seulement pour les rapports entre les hommes et les femmes mais aussi pour les relations entre différentes ethnies. On peut en effet donner du racisme une description parallèle en disant qu'il s'agit d'une " exigence de domination "; en tant que tel s'y associe en général à une notion de masculinité.

    Une politique de lutte contre la violence doit donc viser à façonner non pas le caractère des hommes mais leurs pratiques, et elle doit s'intéresser à tous les rapports de domination. Une stratégie propre à promouvoir une culture de paix sera par conséquent une " éthique de la différence ", qui nous permette de respecter l'altérité et de reconnaître la similitude (de sexe, d'ethnie...) d'autrui - similitude comprise non comme quelque humanité universelle mais comme la possibilité d'un processus de négociation.

  • Marysia Zalewski, LES QUESTIONS QUE POSE LE CHANGEMENT ET L'APPROCHE MASCULINE TRADITIONNELLE DE LA POLITIQUE INTERNATIONALE

  • Ce document commence par poser la question de " la façon de changer l'approche masculine traditionnelle de la politique internationale " en remettant en cause deux hypothèses inscrites dans cette question, l'une concernant le " masculin ", l'autre la " politique internationale ". L'auteur avance ensuite qu'il est plus intelligent de parler de " masculinités " en politique internationale car cela a pour effet de rendre plus complexe ce que nous entendons par des " rôles masculins ". Une compréhension non complexe tend à produire des idées simplistes sur ce que sont les effets des masculinités dans la politique internationale.

    Pour faire la démonstration de quelques unes de ces complexités, le document analyse brièvement quatre sortes différentes de " comportements masculins " - qui soulèvent des questions sur les différentes façons " d'être une femme " ou " d'être un homme " dans la pratique de la politique internationale - à travers deux exemples tirés du " monde réel " et deux autres empruntés au cinéma.

    Ce document s'achève sur une analyse du contexte élargi dans lequel devrait s'inscrire la réflexion sur " les rôles des hommes et les masculinités'", à savoir la structuration hiérarchique du genre et des sexualités. Concluant sur la question " peut-on en finir avec la masculinité? ", l'auteur préconise que soit rendue obligatoire l'éducation relative au genre (au sens large).