Aux racines du pouvoir : 
parcours d'hommes et de femmes dans les communautés"

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Le Groupe d'Hommes de Pinerolo
13° séminaire national des Communautés Chrétiennes de Base sur le thème
Aux racines du pouvoir : parcours d'hommes et de femmes dans les communautés

"Associazione Viottoli - CdB Pinerolo"
<viottoli(AT)newsoft.it >

On vous envoie les réflexions faites par le Groupe Hommes de Pinerolo au 13° séminaire national des Communautés Chrétiennes de Base sur le thème "aux racines du pouvoir: parcours d'hommes et de femmes dans les communautés". Merci de votre attention et avec la prière de publier soit cette contribution, soit l'histoire du groupe, que vous avez déjà reçues, sur le site et sur la mise au jour du CD-Rom. Vous pouvez adresser tout matériels au coordinateur du groupe:
Pavan Beppe c.so Torino 117 10064 Pinerolo (To) Italie

Uomini in cammino (Hommes en chemin)
Spécial Vico Equense
(Hommes en chemin)
Spécial Vico Equense

Du 6 au 8 décembre 1998 s'est tenu à Vico Equense, dans la province de Naples, le 13° séminaire national des Communautés Chrétiennes de Base sur le thème "aux racines du pouvoir : parcours d'hommes et de femmes dans les communautés". Afin que puisse aussi continuer la confrontation avec ceux qui n'étaient pas présents, nous avons recueilli, sur ce numéro "double" de Uomini in cammino (Hommes en chemin), quelques uns des "matériaux" sur lesquels on a travaillé à Vico : les interventions du Groupe Hommes de Pinerolo en introduction et la prière lue en chœur par les hommes (non par tous) durant l'Eucharistie.

Interventions du Groupe Hommes
en introduction au séminaire

Intervention de Beppe

L'intervention du Groupe Hommes sera ainsi articulée : je vous raconte un peu de moi, le pourquoi et le comment ; Domenico évoquera les changements induits dans la communauté chrétienne de base ; Giancarlo vous parlera de lui et de la façon dont sa vie a changé.

J'ai choisi de parler de moi 1°) parce que, après cinq années de Groupe Hommes, je suis conscient du fait que ce que je dirai représente aussi une partie de l'expérience et de la pensée des autres hommes du groupe (vous en aurez confirmation par les interventions suivantes) ; 2°) parce que l'expérience de ces cinq années me dit qu'auprès des autres hommes ici présents, mes paroles trouveront un écho, seront accueillies et partagées. Ce n'est pas de la présomption, je vous le jure ! Que de fois ils m'est arrivé de tituber devant le désir de dire à voix haute des choses à contre-courant des stéréotypes du langage et des contenus des discours entre hommes (par peur d'être moqué, non compris), et que de fois, une fois trouvé le courage de le faire, j'ai rencontré accueil et assentiment !

C'est cela que j'entends par expérience et qui me donne confiance dans les possibilités de changer le monde : nous aussi, les hommes, nous sommes souvent meilleurs que la façon dont nous nous présentons ; nous sommes capables de conversion, de changements radicaux dans notre vie. Souvent nous ne nous y aventurons pas, parce que nous ne sommes pas en mesure de nous rendre compte de comment notre vie pourrait être énormément plus belle.

Voilà pourquoi j'ai écouté avec une grande joie la belle nouvelle de ce séminaire : de même que le début d'une "vie nouvelle" que je n'aurais jamais imaginée possible et de laquelle nul ne m'avait jamais parlé, a été pour moi une "renaissance", je partage à fond l'espérance et le souhait que la réflexion sur ces thèmes marque aussi "un nouveau départ" pour la vie de nos communautés.

Et voilà pourquoi il est important que ceux qui se sont mis en chemin communiquent leurs propres expériences : quelqu'un, toujours, se laisse tenter par la curiosité.

Les motivations

C'est justement la curiosité qui est la motivation la plus citée par les hommes de notre groupe, quand on nous demande pourquoi nous sommes entrés dans le Groupe Hommes. Moi qui suis de la première heure, je réussis peut-être mieux à me rappeler les motivations initiales, celles que vous trouvez résumées dans l'historique du Groupe Hommes rapportée dans la page centrale du numéro d'août 1998 de Uomini in Cammino.

Avant tout les femmes. La mienne, en particulier, qui m'a fait rencontrer la pensée et la praxis féministe (j'utilise le singulier par simplicité ; je suis conscient que le féminisme est pluriel...) : j'ai commencé par lire tout ce qu'elle m'apportait à la maison (revues, livres, comptes rendus de débats) et par me cogner le nez régulièrement contre sa pratique féministe, qui me posait des questions face auxquelles je ne savais pas me situer. Elles ont commencé à me faire réfléchir, partant de mon mode machiste de vivre à la maison, de comprendre et de vivre, par exemple, le rapport avec la famille et le travail... pour arriver à une réflexion critique plus large sur l'arrogance du pouvoir et à la découverte de l'intrication extrêmement profonde entre pouvoir et machisme dans toutes les institutions (église, économie, état, syndicat, postes de travail) : ce que les femmes dénonçaient (et ce que je dénonce à présent moi aussi) comme "patriarcat".

La théologie féministe et la recherche biblique et théologique en communauté, en particulier autour de Jésus et de sa masculinité, m'ont ouvert les yeux et le cœur sur un nouveau modèle de vie, fait d'accueil, de conversion, d'auto conscience et de courage contre les lieux communs, contre la culture de la violence, de la vexation, du viol et des petits abus de pouvoir de chaque jour. Je mentionne seulement l'importance fondamentale de la désacralisation de la Bible et de ses "corollaires" : nous avons déposé du trône les hommes du sacré, les mâles auto désignés intermédiaires entre nous et Dieu... et de ce jour-là il n'y a plus de hiérarchies entre nous . Si une hiérarchie résiste ou tente de réaffirmer, nous nous employons à la démolir.

Pendant plusieurs années, je me suis senti "tourner à l'intérieur" toutes ces choses, ces pensées... et, un peu à la fois, a pris forme le désir et la conscience de la nécessité d'impliquer aussi les hommes dans ce chemin de libération auquel Dieu, à travers la voix de la souffrance séculaire à laquelle nous avons contraint les femmes, ne cesse de nous appeler. Mais je ne trouvais jamais la bonne occasion pour parler ; jusqu'à ce qu'un jour, pendant une réunion de communauté, Franco et Angelo, avec des motivations différentes, ont lancé la proposition. J'ai ajouté la mienne et est né le Groupe Hommes.

Quelques mots clés

Le premier, vous l'avez déjà entendu plusieurs fois dans ce que j'ai dit jusqu'à maintenant : conscience. Pour moi, cela signifie surtout deux choses :

- réfléchir, ruminer, faire des liens entre ce que je lis, ce que j'entends avec les oreilles et ce que je sens dans le cœur, repenser aux rencontres et aux expériences quotidiennes et me surprendre à utiliser, désormais quasi automatiquement, le filtre de ce nouveau modèle de pensée et de vie, que nous avons défini "chercher à devenir des hommes d'une manière féministe"

- changer : dedans, avant tout, quand je découvre que je partage plus ce que je pensais et faisais jusqu'alors... Je dois changer, je ne peux plus me rendre sourd à moi-même, feindre que cet appel intérieur n'est pas pour moi...

La seconde est la responsabilité collective : celle du genre masculin, à qui tout homme appartient, sans pouvoir se dire dehors, parce que jusqu'à ce que les hommes, quelques hommes, même un seul ... se sentiront supérieurs et utiliseront la violence à l'égard du monde, des femmes et des enfants... nous seront tous et chacun encore coresponsables, complices de fait. Tant que cette odieuse violence du pouvoir masculin, n'aura pas été désamorcée, cela signifiera que nous ne l'aurons pas combattue efficacement et cela restera la tâche de chacun de contribuer à éliminer ces racines pluriséculaires.

Enfin la partialité. (Il y en a beaucoup d'autres, mais je les laisse à votre recherche). La partialité, qui appartient à chaque personne par rapport au créé, à l'humanité, aux communautés de vie particulières ... est l'un des premiers mots clés que j'ai du affronter, aidé de la pensée de la différence et de quelques hommes homosexuels avec lesquels nous avons fait un bout de chemin, au début. Se découvrir, se considérer, s'accepter comme partiaux est même reposant, nous libère des stress dérivant de la nécessité de défendre le pouvoir ... pensons aux berlusconades (Silvio Berlusconi, homme d'affaires et homme politique italien, NdT)... Comme il était vrai, ce slogan des femmes : "homme, tu l'as, le pouvoir, mais tu mènes une de ces vies !"

Les changements

Je dois me limiter à une liste rapide, parce qu'il serait trop long de m'arrêter à les illustrer. Je disais d'abord que même un homme, lorsqu'il comprend, lorsqu'il se rend compte, lorsqu'il prend conscience... peut changer. Il change, il n'est plus comme avant : même si la paresse et les résistances allongent les délais, ralentissent les processus. Mais le tourment intérieur, cette petite voix qui perturbe la digestion et parfois le sommeil, continue. On ne réussit pas à le faire taire...

Et alors on passe de l'irritation... au silence, à l'égard des femmes qui ne cèdent pas l'os, qui semblent nous assiéger... et on arrive enfin à la gratitude, à la complicité et à un amour inconditionnel à leur égard. Et c'"est ici que la vie devient belle !...

Mais retournons aux changements qui sont intervenus dans ma vie :

- en moi, j'en ai déjà amplement parlé

- dans mes rapports avec ma femme (vous aurez déjà compris quelque chose...), avec ma fille et mon fils, avec la maison et les travaux à y faire (c'est toujours difficile...) ;

- dans les relations de travail : plus grand accueil, sérénité et respect, tant à l'égard des collègues que des personnes âgées

- aux relations de travail sont liées les initiatives de réflexion collective pour améliorer la conscience et la qualité du service à donner aux personnes : la ténacité et l'insistance sont en train de produire, par exemple, un projet triennal d'étude et de formation pour enquêter sur la différence de genre dans les travaux de soin ;

- même dans le syndicat et dans la réflexion politique nous commençons à introduire des éléments de critique sur le patriarcat qui nous domine, aussi bien dans l'organisation que dans les contenus;

- en ce qui concerne la communauté de base, Domenico vous en parlera d'une manière spécifique ; je me limite à rappeler que, sauf dans les toutes premières rencontres, les Groupe Hommes n'affronte pas des thèmes bibliques et théologiques (tous les hommes ne sont pas de la communauté chrétienne de base...) mais les retombées sur la recherche biblique et théologique commencent à se faire sentir ;

- j'en viens, enfin, à l'expérience du Groupe Hommes, pour souligner d'autres changements qui sont désormais enracinés :

. l'auto conscience : l'auto conscience individuelle, qui est aidée par l'auto conscience collective et qui croît à mesure que nous nous racontons, que nous nous rendons compte que nous sommes différents mais pas uniques..., augmente la solidarité et la sérénité...

. la réflexion collective en public, nous avons déjà fait quelques expériences très significatives pour nous et ceux qui y ont participé

. la responsabilité, qui se fait sentir de manière plus pressante et qui nous pousse à nous impliquer:

- dans l'auto formation
- dans la formation des garçons, en particulierdans la formation des petits hommes : nous avons accueilli l'invitation du groupe goûter (qui fait la catéchèse aux garçons et filles de la communauté) à collaborer pour offrir aux petits garçons des modèles de relations avec les petites filles basés sur la collaboration, non sur la prééminence.

Conclusion

Je voudrais conclure en commençant avec la lecture d'un morceau de l'intervention d'Arcangelo, dans notre Groupe Hommes, et en finissant par une proposition.

Arci écrit : "les hommes, moi, ont/avons besoin de parler, de se rencontrer, de discuter. Je ne me réfère pas aux discussions (bla-bla-bla) sur le foot, les femmes, voire même la politique ou autre, mais au fait que des les espaces de travail ou autre me semblent de plus en plus restreints et que, au-delà du cercle d'amis avec qui on se trouve plus ou moins bien, il ne reste pas de grandes opportunités. Nous ne sommes pas habitués à parler de nous, à écouter les autres, à porter le regard sur l'intimité, la nôtre et celle des autres, pour réussir à avoir d'autres regards ou d'autres points de vue sur ce que nous sommes, sur ce que nous voudrions être, sur les rêves et sur nos expériences. Alors, avoir un espace, un espace d'accueil, un rendez-vous dans lequel on puisse se raconter, être écouté et accueillir m'a semblé important et, à la lumière de l'expérience faite jusqu'ici, me semble significatif."

Nous avons découvert, tous ensemble (comme vous l'avez senti), la beauté du groupe et nous voudrions qu'un nombre sans cesse accru d'hommes en fassent autant, se mettent en groupe pour multiplier cette pratique de la réflexion collective, qui aide le changement individuel et celui de genre.

Voici la proposition précise que nous faisons à tous les hommes ici présents : donnez vie, dans vos communautés de base, dans vos quartiers, dans vos villages... à des groupes d'hommes, pour contribuer à élargir cette petite tâche d'huile. Au début il faut beaucoup de conviction, un peu de courage et une grande résistance ; cela deviendra ensuite beau et gratifiant.

Nous vous proposons, si vous en êtes d'accord, une vérification dans un an, au cours d'une rencontre spécifique consacrée à "se raconter comment ça a marché". Parce que la dernière chose que je voudrais dire est combien cela fait chaud au cœur à nous, hommes, loups ou chatons solitaires, forts et autosuffisants, de nous sentir en bonne compagnie : c'est une aide, un bien-être que nous offrons à la cantonade, c'est un donner et un recevoir qui fait du bien à chacun et à tous.

C'est cela le sens de notre bulletin mensuel Uomini in cammino : rendre visibles et voisins tous les hommes qui sont en changement et que nous venons à connaître, distribuant, faisant circuler le fruit des réflexions et les expériences de tous, même celles des intellectuels. Ce sont des ressources précieuses, mais inutiles si nous ne les rendons pas accessibles aussi à ceux qui n'ont pas les instruments adéquats. Lisons, écrivons, intervenons, réfléchissons en groupe, ayons le courage de nous mettre en discussion et de changer : nous n'avons rien à perdre, mais tout à gagner. Si vraiment nous cherchons le bonheur

Intervention de Domenico

L'une des particularités que Beppe a mises en évidence dans l'intervention précédente est le fait que depuis quelque temps se lève un vent nouveau dans nos communautés : je parle de Chieri, Piossasco, Pinerolo. En ce qui concerne les relations hommes-femmes, je pense que l'on peut dire qu'ont été faits des pas pour le moins appréciables.

Avec l'aide précieuse des différentes méthodes de lecture de la Bible (pas seulement la méthode féministe), nous avons aussi reçu des stimulations qui nous ont permis, dans le temps, d'améliorer les relations entre les deux sexes, les rendant plus respectueuses de la diversité. Je me rends compte que ce sont des mots déjà entendus dans notre environnement, et donc pas particulièrement nouveaux, au contraire... La nouveauté, au moins pour ce qui nous concerne, c'est que, au-delà du fait de les énoncer, nous avons commencé à fonctionner dans la réalité des faits et non seulement au niveau individuel et sporadique.

Une des conséquences de cette prise de conscience, nous sommes en train de la vérifier en un réel rapprochement des deux sexes dans l'animation de groupes, dans la présidence de l'Eucharistie, dans les diverses tâches de responsabilité et ainsi de suite. Ce qui est vraiment beau dans tout cela est la reconnaissance, sincère et active, de la part de nous autres hommes, de l'autorité des femmes, de leurs charismes, de leurs compétences. C'est un changement culturel qui nous surprend encore, quand nous y pensons, et que nous devons continuellement alimenter, en particulier à l'égard des personnes nouvelles qui arrivent en communauté.

Depuis quelques années, ensuite, dans nos communautés de la région de Pinerolo nous avons commencé à repenser nos langages en ce qui concerne la manière de se mettre en relation entre personnes des deux sexes, aussi bien verbal qu'écrit. Que ce soit simplement en parlant, ou pendant les célébrations, quelques femmes nous ont signalé combien le langage inclusif comporte une discrimination forte et discutable, qu'il faut revoir aujourd'hui plus que jamais. Il est évident que, dans de nombreuses situations, lorsque l'on parle d'"homme", dans le langage dit inclusif, on comprend "homme-femme". Par exemple, quand on dit que devant Dieu tous les hommes sont égaux, son entend homme et femme ; ou encore que le chien est le meilleur ami de l'homme, etc. Il est tout aussi évident que, dans nos communautés et pas seulement elles, beaucoup d'hommes se sentent pris à revers par ces remarques, dans la mesure où la dernière chose à laquelle puisse penser chacun, pris individuellement, est que, en utilisant ce type de langage, il entende reléguer les femmes à un rôle de complémentarité. En somme : cela s'est toujours fait comme cela, et il ne semble pas qu'il y ait eu de gros malentendus.

Ceci ne suffit plus. Il faut aller au-delà et c'est possible ; et même, il faut le faire aujourd'hui plus que jamais. L'expérience à l'intérieur de nos communautés nous fait comprendre que c'est un chemin pas facile. Le dépassement progressif de ce type de langage n'a pas été accueilli de manière unanime même par la totalité des femmes. A ce jour ne sont pas absents, sinon de vraies tensions, du moins des désaccords plus ou moins marqués, qui naissent de l'opinion que ces distinctions sont parfois ridicules, superflues, exagérées... Mais çà c'est un problème qui regarde les femmes, et elles sont en train de le régler elles-mêmes.

Pour ce qui nous concerne en tant que mâles, la première initiative qui nous a vus impliqués avec intérêt est la révision des textes des cantiques et des prières, avec la surprenante constatation que, dans de nombreux cas, non seulement on simplifie les prières et les cantiques, mais on redonne une visibilité aux femmes, trop souvent cachées derrière un langage omni-inclusif. En outre, l'utilisation de la double terminologie, masculine et féminine est en train d'entrer progressivement, mais de manière de plus en plus large, dans nos formes d'expression, là où il y en a la nécessité.

Même si; comme je l'ai déjà signalé, c'est un chemin non privé de difficultés, il convient de faire cette constatation : ce qui était d'abord une manière un peu différente et parfois un curieuse de s'exprimer est en train de devenir, grâce aussi aux nombreux rappels de nos femmes, une "manière habituelle". Ici aussi, il est bon de le rappeler, rien n'est acquis ni contraignant. C'est une manière nouvelle dont nous estimons qu'elle s'adapte mieux aux exigences d'égalité et de respect mûries aux cours de ces dernières années.

Intervention de Giancarlo

Après avoir commencé, il y a environ deux ans, en communauté chrétienne de base un programme thérapeutique comme toxico dépendant et un chemin de foi, j'ai su qu'existait aussi un groupe d'hommes et par curiosité j'ai commencé à y participer.

Je me rappelle que le sujet du groupe, à ce moment-là, était le rapport "pères et enfants, enfants et pères".

J'ai été tout de suite frappé du fait que quelques hommes se racontaient leur propre vécu et s'émouvaient. Pendant que j'écoutais leur histoire de vie j'ai réussi, malgré la difficulté, à me revoir dans leurs récits et, avec un grand effort, à revisiter quelques souvenirs de mon enfance, que j'ai cherché pendant de nombreuses années à tenir loin de moi, me refusant de les avoir.

Dans l'enfance, que ce soit à mes frères ou à mes sœurs a manqué la figure paternelle, parce que mon père, pendant de nombreuses années a travaillé en Suisse et ne revenait chez nous que pendant les vacances d'été ou, parfois, à Noël. Moi qui étais le plus grand, j'ai essayé de remplacer la figure paternelle qui manquait non seulement à moi, mais aussi à mes frères et sœurs. J'ai vécu toutes ces années avec mes angoisses, mes peurs, mes insécurités... aussi parce que le poids était trop grand pour moi.

Notre mère a toujours été proche de nous, une mère très bonne, très anxieuse et attentionnée, mais malheureusement aussi malade. Ma mère me déléguait par conséquent beaucoup le soin des frères et sœurs ; je devais souvent aller les chercher par les chemins du pays, je devais les faire étudier et ensuite, je devais m'occuper des animaux à l'étable.

A l'âge de douze ans, nous avons déménagé avec la famille à Pinerolo, parce que mon père avait été recruté à la Fiat. Le moment de connaître mon père, qui avait été absent pendant tant d'années, était enfin arrivé. Mais ça a été pour moi une vraie déception, parce que je m'attendais à un père affectueux, qui dialogue avec moi, qui me donne la sécurité... En revanche, je l'ai découvert agressif, grognon, ne prenant aucune responsabilité si ce n'est celle de travailler et de ne nous faire manquer de rien pour manger. Pour le reste, il déléguait toujours ma mère. Bien souvent nous les enfants avons été complices de notre mère, parce qu'à notre père nous ne pouvions tout dire, justement parce qu'il était très agressif et qu'on ne pouvait pas raisonner avec lui.

Donc, même s'il y avait mon père, je continuais à me préoccuper de mes frères et sœurs. Jusqu'à l'âge de vingt ans, je crois avoir été un bon fils et frère, même si à l'intérieur de moi j'avais des conflits, des peurs et des angoisses qui ont ensuite, les années passant, explosé dans la toxicodépendance.

Maintenant, grâce à chemin thérapeutique, à un chemin de foi et au groupe hommes, dans lequel je me confronte et je me mets en discussion, j'ai changé mon style de vie et j'ai récupéré la dignité. Et j'ai réussi à élaborer mes souvenirs et mes problèmes.

Très probablement mon père n'a pas fait autre chose que d'hériter du modèle patriarcal, dans lequel il n'était pas important de recevoir un caresse, de dialoguer, de jouer... en somme, de croître avec les enfants, mais seulement de ne pas faire manquer la famille de nourriture. Maintenant que j'ai récupéré la relation avec mon père, et aussi parce que mes yeux et mon cœur voient la vie d'une manière différente, j'ai découvert un père très fragile, mais qui continue à maintenir ses masques.

En racontant ce vécu qui est le mien, je n'ai pas voulu chercher un coupable ni à justifier mes erreurs, mais seulement vous témoigner combien j'ai changé ces dernières années.

Prière des hommes

Tu nous vois aujourd'hui, Seigneur doux, réunis en tant qu'hommes, convoqués par Ta Parole et les paroles de nos sœurs.

Pour elles, nous voulons tout d'abord te remercier, pour la force et la ténacité avec laquelle tu as façonné leur féminité.

Merci pour avoir inspiré et fait sourdre depuis toujours, et spécialement dans nos années, leur rébellion contre l'injustice, la violence et la fatuité qui, depuis la nuit des temps, caractérisent la relation des hommes avec elles.

Nous te remercions de nous avoir donné conscience de cela, nous appelant à un chemin de libération sur la route qui porte à Ton règne : c'est la route du respect pour chacune de tes créatures, pour l'indescriptible beauté et l'équilibre inégalable de la création.

Nous avons été et nous sommes capables de ruiner tout ce que nous touchons, convaincus que nous sommes, nous hommes, au centre de l'univers, patrons absolus de toute autre créature.

Nous t'avons remplacé, dans note cœur, par d'autres idoles, auxquelles nous prétendons que tous et toutes se soumettent. Elles s'appellent : économie pour la richesse individuelle ; politique pour légaliser les abus et la violence ; justice, pour empêcher la rébellion des opprimés et des femmes esclaves ; armées et guerres pour imposer notre volonté à qui réclame le respect ; instruction pour inculquer aux nouvelles générations l'amour pour ces mêmes idoles ; religion pour embrumer les esprits et les cœurs, afin qu'ils ne reconnaissent plus Toi-même et Ta Parole, mais seulement la nôtre.

Nous Te demandons pardon à Toi, Créateur de tout, qui nous as tout donné pour que nous puissions l'admirer et en jouir.

Nous demandons pardon aux femmes, pour les avoir contraintes à vivre dans un monde qu'elles ne peuvent reconnaître comme leur, parce que nous avons décidé que tout nous appartenait.

Nous demandons pardon aux petits garçons et aux petites filles, aux jeunes gens et aux jeunes filles, pour ne pas leur avoir offert d'autre possibilité de grandir que selon notre modèle, leur empêchant de vivre à plein la joie et les idéaux de leurs jeunes années.

Nous te remercions pour avoir continué à susciter et à faire surgir un "reste d'Israël" : il y a toujours eu dans l'histoire des hommes et des femmes rebelles, qui ont cultivé le germe fécond de la justice vraie, de l'amour et de la solidarité, du respect de toutes les différences et de l'égale dignité de toutes les personnes.

Donne à chacun de nous la sincérité du cœur et la cohérence de la vie, afin que la conversion à laquelle tu nous appelles aujourd'hui soit concrète et visible en chacun des jours qui viendront, à commencer par tout de suite.