L ' INTERVENTION DE L' HOMME: Intervention de l'homme
dans la santé en matière de reproduction
   - Quels enjeux sémantiques?

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Masculinité

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Par Cynthia Steele Verme, Mary Nell Wegner et Terrence Jerzowski

Poser la question de l'intervention de l'homme dans la santé en matière de reproduction, c'est soulever toutes sortes de difficultés. Par cette expression, ou une expression similaire, on provoque généralement de vives réactions qui vont bien au-delà des termes mêmes. Le malaise ressenti quand on parle de l'intervention de l'homme résulte sans aucun doute des hypothèses faites sur le sens de ces mots. À juste titre, car, comme le faisait observer Rita Mae Brown : "le discours exerce un pouvoir occulte, comme la lune sur les marées".

Dans le domaine de la santé en matière de reproduction, les relations entre les femmes et les hommes sont souvent une relation de pouvoir, et la question est celle de l'enjeu que représente la santé de l'autre. Il s'agit de savoir qui contrôle la fécondité de qui. Il s'agit aussi de savoir qui prend les décisions sur les programmes mis en oeuvre, qui les gère - et comment des ressources nécessairement précieuses sont allouées.

Le discours actuel sur l'intervention de l'homme pose plus de questions qu'il n'en résout. La Conférence internationale de 1994 sur la population et le développement et la quatrième Conférence mondiale sur les femmes (1995) le montrent assez. Durant les réunions préparatoires de ces deux conférences, les participants ont dû supporter la chaleur et les néons des salles de conférence souterraines des Nations Unies, et ont argumenté pendant des heures au sujet de ce qu'il fallait entendre par certains mots relatifs à la notion d'intervention masculine. Le consensus progressivement élaboré dénote au moins qu'il est important de reconnaître l'intervention de l'homme dans la santé en matière de reproduction. Mais ce qu'on entend par là, et les mots qui décrivent cette intervention indépendamment de la question de savoir comment faire intervenir les hommes-demeurent des questions litigieuses. En utilisant différents termes parfois interchangeables pour décrire le rôle des hommes dans la santé en matière de reproduction, nous sommes parvenus à la conclusion qu'ils donnaient lieu à des interprétations et des réactions très variées. Nous avons constaté que les trois termes couramment utilisés- responsabilité de l'homme, intervention de l'homme et programmes destinés aux hommes-provoquent invariablement des réactions brutales.

 

"La responsabilité de l'homme"

Certains utilisent cette expression pour décrire le rôle souhaitable de l'homme dans la santé en matière de reproduction. L'utilisation de cette expression signale peut-être la nécessité, pour les hommes, de partager le fardeau qui, pour l'essentiel, pèse encore sur les femmes: empêcher les maladies sexuellement transmissibles et les grossesses non désirées, s'occuper des conséquences de ces éventualités. Et par " responsabilité" on entend plus généralement que les hommes se chargent de nouvelles responsabilités dans l'éducation des enfants et participent activement à la vie de famille.

Pour noble qu'elle soit dans son intention, l'expression est essentiellement un jugement de valeur; elle suggère ou bien que les hommes sont irresponsables par caractère ou bien que ne pas utiliser la contraception est un acte irresponsable. L'expression est lourde de sens, du sens de l'obligation, et, donc, elle n'incite guère les hommes à sauvegarder leu propre santé en matière de reproduction ou protéger celle de leur partenaire De plus, parler de responsabilité de l'homme risque d'être interprété comme paternaliste, et d'impliquer que les femmes veulent que les homme prennent les choses en main.

 

"Intervention de l'homme"

L'expression "intervention" en soi connote l'idée de participation ou d'engagement-deux objectifs positifs. Comme pour la responsabilité, pendant, l'expression implique que les hommes n'interviennent pas. Et surtout on est amené à se demander si l'intervention est nécessairement instructive. On fait parfois valoir que les hommes sont déjà par trop amenés à intervenir dans la santé en matière de reproduction, en tant que décideurs, fournisseurs de services ou simplement maris. Beaucoup de femmes se demandent s'il est bien sage d'accroître le rôle potentiel des hommes, alors que, si souvent, ce sont eux qui font obstacle à l'utilisation des services de santé en matière de reproduction ou de contraceptifs. Les femmes ne devraient-elles pas éviter d'avoir à obtenir une permission, quand c'est leur propre santé qui est en jeu? Les femmes doivent-elles vraiment céder les droits en matière de reproduction pour lesquels elles se sont vigoureusement battues?

 

"Programmes destinés aux hommes"

Comme les services de santé en matière de reproduction sont généralement installés dans les centres de santé maternelle et infantile, qui, par accident ou à dessein, excluent les hommes, mettre l'accent sur les programmes destinés aux hommes peut sembler un moyen d'appeler l'attention des décideurs et des prestataires de services sur la nécessité d'atteindre cette population traditionnellement négligée dans la santé en matière de reproduction.

Les "programmes destinés aux hommes" suggèrent l'idée d'une ségrégation entre services destinés aux hommes et aux femmes, cependant, sans possibilité de points de rencontre ou de partage des intérêts ou des besoins, et semblent aussi exclure la possibilité de s'occuper du couple. De plus, les "programmes destinés aux hommes" font craindre l'émergence d'une force d'opposition aux programmes destinés aux femmes, et qui paraît aliénante ou menaçante à beaucoup de personnes qui luttent pour la santé des femmes. Les programmes destinés aux hommes ne risquent-ils pas de détourner des ressources actuellement consacrées à la santé des femmes? De même que les intérêts masculins l'emportent dans la vie politique comme dans les soins de santé, la même chose ne va-t-elle pas se produire avec des programmes destinés aux hommes dans la santé en matière de reproduction? Les aspirations des femmes en fait de santé en matière de reproduction, pour lesquelles elles se sont longuement battues, ne risquent-elles pas d'être méconnues?

 

"Les hommes comme partenaires"

En examinant ces différents pièges sémantiques et en essayant plusieurs autres solutions, nous en sommes venus à proposer un discours qui, dans notre travail, décrit les hommes comme des partenaires, notion qui, nous l'espérons, évoque des rôles plus équilibrés et admet que la santé des femmes en matière de reproduction, qu'on le veuille ou non, est influencée par leur partenaire (et vice versa). Nous avons élaboré les buts suivants pour décrire les rôles potentiels de l'homme en tant que partenaire dans la santé en matière de reproduction :

  • Leur connaissance des choix de leur partenaire en fait de santé en matière de reproduction, et leur appui à ces choix,

  • Leur connaissance des moyens de préserver la santé en matière de reproduction de leur partenaire et d'eux-mêmes, en particulier par la prévention des maladies sexuellement transmissibles, et leurs décisions à ce sujet, et

  • L'utilisation des méthodes masculines de contraception comme la vasectomie et les préservatifs, ou d'autres méthodes impliquant la participation directe, comme l'abstinence périodique et leur connaissance des rythmes de la fécondité.

De plus, comme on donne aux mots utilisés pour dénoter la participation des hommes à la santé en matière de reproduction des sens très différents - en fonction de son propre sexe, de sa conception du monde et de son expérience - nous avons constaté que les discussions devraient commencer par une exploration des mots eux-mêmes et de leurs enjeux sémantiques. Si on risque de ne pas se mettre d'accord sur des définitions, des objectifs ou des moyens communs pour la participation des hommes à la santé en matière de reproduction, il faut comprendre ce que veulent dire les orateurs et ce qu'entendent les auditeurs.

De même qu'on a lutté pour obtenir la reconnaissance des rôles multiples, des besoins et des intérêts multiples des femmes dans leur vie reproductive, productive et sexuelle, nous pensons qu'il est important d'aborder ces questions s'agissant des hommes. Quand on discute de participation des hommes à la santé en matière de reproduction, il ne faut pas reculer sur la route déjà parcourue dans la défense de la santé des femmes en matière de reproduction : il faut cesser de classer les besoins les comportements des intéressés en fonction de leur sexe, et évacuer tous les stéréotypes des mots que nous utilisons et entendons. Le moment est venu de réfléchir surtout aux droits et aux besoins de l'individu. Celui-ci, qu'il soit femme ou homme, doit être le sujet, et non l'objet, des services fournis et des politiques suivies.