La sensibilisation des sociétés marchandes du secteur tertiaire
vis-à-vis de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes

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par DESOIL, Nathalie
Graduat en comunication 1998 – 1999 1ère session
HAUTE ECOLE PROVINCIALE DE CHARLEROI 

UNIVERSITE DU TRAVAIL
Enseignement Supérieur Social 1999
Nathalie Desoil : desoilnathalie(AT)hotmail.com

-Mme Goffinet, du Ministère de l'Emploi et du Travail, dont l'interview se trouve en annexe du travail.
- Ministère de l'Emploi et du Travail http://www.meta.fgov.be
-Réseau Européen "Family & Work" que coordonne F. Goffinet http://europa.eu.int/

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  • P L A N

  • Introduction générale

  • Chapitre I: Historique

  • Introduction
    Le XVIIIe siècle
    Le XIXe siècle
    Le XXe siècle
    En conclusion

  • Chapitre II: L'égalité des chances, inscrite dans un processus d'évolution?

  • Chapitre III: La situation des femmes au niveau de l'emploi

  • Introduction
    Description de la population active féminine
    La rémunération
    La durée du travail
    Le temps partiel
    Les mesures liées à la diminution du coût de la main-d'œuvre
    L'interruption de carrière
    Le congé-éducation payé
    L'accès des femmes aux postes de direction
    En conclusion

  • Chapitre IV: Vie professionnelle et vie familiale: inconciliables?

  • Introduction
    Les structures d'accueil des enfants
    L'homme, exclu du processus d'évolution?
    En conclusion

  • Chapitre V: la sensibilisation vis-à-vis de l'égalité des chances

  • Introduction
    Le mainstreaming
    La gestion de la diversité ou l'idéologie de la différence en ressources humaines
    La sensibilisation vis-à-vis de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes
    En conclusion

  • Conclusion générale

  • Annexes
    Bibliographie

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L'objet de ce travail sera d'étudier la sensibilisation des sociétés marchandes du secteur des services vis-à-vis de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Dès lors, il sera question dans cette étude de déterminer si les sociétés du secteur tertiaire sont sensibilisées à ce thème; si elles le sont, de préciser leurs motivations à intégrer ce concept d'égalité entre les femmes et les hommes; si elles ne le sont pas, de formuler les arguments qui pourraient les convaincre de le faire.

J'ai toujours éprouvé un vif intérêt pour les groupes faisant l'objet de discriminations. Malheureusement, les femmes font encore aujourd'hui partie de ces groupes. En effet, au cours de mon stage réalisé en 1997-1998 au Ministère de l'Emploi et du Travail, j'ai réalisé que les inégalités entre les hommes et les femmes existaient toujours dans le monde des entreprises. En outre, j'ai choisi d'étudier les sociétés marchandes du secteur des services en partant de l'hypothèse que les femmes travaillent essentiellement dans ce secteur: dès lors, il me paraissait intéressant d'étudier le travail des femmes dans le secteur tertiaire plutôt que dans un autre.

 

Etudiante en communication, j'ai assimilé le fait suivant: pour vendre son "produit", il faut le connaître parfaitement et mettre en avant ses points forts. Cette idée me guidera tout au long de ce travail. D'une part, afin de maîtriser le thème de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes dans le milieu professionnel, j'approfondirai la question tant au niveau économique qu'au niveau social. D'autre part, il serait vain de vouloir sensibiliser les entreprises vis-à-vis de ce thème sous prétexte que les discriminations sexuelles sont injustes. C'est pourquoi je m'efforcerai au cours de ce travail de démontrer que le travail des femmes représente une richesse économique, et l'égalité des chances un bénéfice pour les entreprises (préoccupées de réaliser des profits).

Afin de maîtriser le sujet de ce travail, je commencerai par rappeler toutes les discriminations que les femmes ont subies depuis le XVIIIe siècle, période clef en ce qui concerne le travail des femmes: le XVIIIe siècle est en effet le siècle de la Révolution agricole et industrielle (Grande-Bretagne), du progrès et des droits de l'homme (Révolution française de 1789). Comme il semble aujourd'hui que le féminisme soit une cause dépassée, inutile, et défendue par quelques farfelues qui sont allées trop loin, il me semble intéressant de rappeler les discriminations qui ont accompagné les femmes dès leur entrée dans le monde du travail: ce rappel constituera le premier chapitre de cette étude.

Une fois l'historique brièvement retracé, je tenterai de placer le travail des femmes dans un processus d'évolution économique et social. Pour le faire, je m'appuyerai sur la théorie générale des systèmes. Ceci constituera le second chapitre de mon travail, au cours duquel je soutiendrai la thèse suivante: l'émancipation des femmes est irréversible car elle accompagne le processus d'évolution économique.

Le troisième chapitre de ce travail placera l'égalité des chances dans un contexte économique: il sera donc question de décrire la situation des femmes au niveau de l'emploi. En procédant à cette description, je montrerai que les inégalités entre les hommes et les femmes existent toujours. Toutefois, je soutiendrai au cours de ce chapitre la thèse selon laquelle les femmes continuent de progresser sur le marché du travail, qu'elles représentent un potentiel économique important et produisent de la richesse.

Si l'on veut comprendre le concept d'égalité entre les femmes et les hommes, il n'est pas possible de le faire sans le placer dans un contexte social. Le quatrième chapitre sera dès lors consacré à la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Au cours de ce chapitre, j'aborderai donc la question des structures d'accueil des enfants, ainsi que les réactions des hommes vis-à-vis de l'émancipation féminine. En effet, il me semble qu'une participation des hommes aux tâches ménagères et éducatives, autant qu'une amélioration des services d'accueil des enfants, contribue à soutenir le travail des femmes et peut les aider à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.

Enfin, le cinquième chapitre sera consacré à la sensibilisation des sociétés marchandes du secteur tertiaire vis-à-vis de l'égalité des chances. Ce chapitre développera d'abord les concepts permettant d'intégrer l'égalité des chances dans la gestion des ressources humaines: le mainstreaming et l'idéologie de la différence. Il abordera ensuite la question relative à la sensibilisation vis-à-vis de l'égalité des chances: je partirai de l'hypothèse que les entreprises ne sont pas véritablement sensibilisées à ce thème. Toutefois, je développerai les arguments qui pourraient les inciter à considérer l'égalité comme un concept économique à part entière, et à l'intégrer dans leur gestion des ressources humaines.

 

Chapitre I

Historique

Les discriminations qu'ont connues les femmes depuis

plusieurs siècles sont parfois encore mal connues, si bien que quelques un-es ne comprennent pas toujours les raisons qui ont poussé plusieurs femmes à revendiquer leurs droits à travers le féminisme. On blâme souvent les féministes, leur reprochant d'être allées trop loin, jamais les misogynes tels que Rousseau, Napoléon Ier, qui considéraient les femmes comme des êtres naturellement inférieurs, ou encore les religieux qui les assimilaient à des animaux (ou même au diable lui-même). Bref, ces hommes avanceront de multiples arguments afin d'assujettir les femmes. Cet historique retracera les étapes de la condition féminine, du XVIIIe siècle, jusqu'au milieu des années 70, marquées par des acquis économiques, politiques et sociaux.

Le XVIIIe siècle

"Il n'est pas étonnant qu'en tout pays l'homme se soit rendu maître de la femme, tout étant fondé sur la force. Il a d'ordinaire beaucoup de supériorité par celle du corps et même de l'esprit. On a vu des femmes très savantes comme il en fut des guerrières, il n'y en a jamais eu d'inventrices."

VOLTAIRE, "Dictionnaire philosophique", 1764.

 

Avant la Révolution française, l'inégalité des droits passait pour normale. L'asservissement du serf par l'homme libre, de l'esclave noir par l'homme blanc, du tiers-état par l'aristocratie ne heurtait personne. L'origine de l'inégalité était davantage sociale que sexuelle: la liberté, l'indépendance, c'était à leur naissance et leur fortune que les femmes les devaient. Bien nées, fortunées, et dotées de quelques terres, elles pouvaient espèrer faire autre chose que de la broderie. Ces femmes, déléguant l'éducation de leur progéniture à des nourrices ou des paysannes, avaient le loisir de fréquenter les salons et cotoyer quelques "lumières". D'ailleurs, nombreux furent, au XVIIIe siècle, les salons tenus par des dames du grand monde: songeons à l'illustre salon de la marquise de Sévigné, à celui de la marquise de Deffand, ou encore à celui de Germaine de Staël, où se croisaient les plus beaux esprits de l'époque. Lorsqu'elles étaient ambitieuses, elles pouvaient élargir cette liberté "intellectuelle" jusqu'à jouer un rôle politique important: elles furent quelques unes, en effet (pensons par exemple à Madame de Maintenon, Madame de Pompadour), à avoir influencé les hauts personnages de l'Etat dont elles étaient l'épouse ou la maîtresse.

Néanmoins, bien que nobles et fortunées, les jeunes femmes n'échappaient guère à la tyrannie des hommes, comme elles n'échappaient pas à l'éducation cloîtrée chez les religieuses. Henry Fielding, écrivain anglais connu pour décrire les moeurs de son époque, laissa transparaître cette tyrannie exercée par les hommes sur les femmes dans son roman "Histoire de Tom Jones": Sophie Western (l'un des personnages principaux) ne fuyait-elle pas la maison de son père afin d'échapper à un mariage de convenance auquel elle ne consentait pas? D'autres personnages (féminins mais masculins aussi) ne s'indignaient-ils pas au cours de l'histoire contre cette tyrannie masculine? La liberté sexuelle n'était pas, elle aussi, égale pour les deux sexes: ce qu'on tolérait chez certains "gentlemen" n'était guère apprécié chez une femme de bonne condition. Si l'on ne blâmait pas le goût immodéré de certains nobles anglais pour les femmes, l'on exigeait d'elles, par contre, qu'elles soient vierges au mariage.

 

Quant aux femmes pauvres, qu'elles fussent paysanne ou ouvrière, les conditions de vie étaient tout aussi rudes que celles des hommes. Là où le capitalisme et l'industrie se développaient difficilement (c'était le cas de la France largement rurale et protectionniste de l'Ancien Régime), la femme était valorisée dans son rôle de mère au foyer. De cette manière, Jean-Jacques Rousseau, s'appuyant sur l'état des techniques (peu avancé) et l'organisation sociale de son pays et de son époque, enfermait la femme dans la sphère privée, tout en lui attribuant une vocation civique. Dans "Emile, ou de l'Education" (1762), il élaborait la théorie de la sphère privée (réservée aux femmes), ainsi que la sphère publique (réservée aux hommes). Le monde étant dominé par la Nature (la France de Rousseau était rurale et non industrielle), il revenait à l'homme, plus fort et actif que la femme, de régner sur le monde, et donc sur la vie publique. La femme, faible et passive, était chargée de régner sur la vie privée. Dans son ouvrage, Rousseau lui confiait la tâche la plus noble selon lui: celle de faire passer l'homme de l'état d'enfant à celui de citoyen. La vertueuse citoyenne exerçait donc, selon les Lumières, sa vocation civique à travers sa vocation de mère.

Il en était autrement en Angleterre, qui connaissait, en cette fin de siècle surtout, sa révolution industrielle et agricole. Frappée par le manque de main-d'oeuvre, elle soutenait l'avènement de divers mécanismes visant à remplacer l'intervention humaine. Ces innovations étaient non seulement appuyées par des capitalistes, mais aussi par l'Etat. Le nombre d'inventions fut alors très important: de 1760 à 1785, 776 brevets furent déposés et enregistrés en Grande-Bretagne, alors qu'il n'y en avait eu que 697 de 1617 à 1760! Grâce aux progrès techniques (alors encouragés par les récompenses votées pour les inventeurs par le Parlement britannique), le monde ne devint plus totalement dominé par la Nature. L'homme découvrit les mystères de cette Nature autrefois toute puissante (ce fut par exemple le siècle où Newton découvrit les lois de l'attraction universelle). Les progrès naissaient de la volonté de la maîtriser: grâce à la révolution agricole par exemple, les productions et les rendements agricoles augmentèrent, les disettes périodiques disparurent.

Ce ne fut que vers 1760 - 1770 que le marché du travail commença à s'élargir. Néanmoins, malgré les mouvements migratoires à courte distance entre campagnes et villes, la main-d'oeuvre masculine restait insuffisante: l'appel renforcé au travail des femmes et des enfants parut souvent alors comme la seule réponse possible à cette carence persistante de la main-d'oeuvre masculine. Ce fut ce manque de main-d'oeuvre qui détermina l'entrée des femmes sur le marché du travail, plus que le coût peu élevé que représentait la main-d'oeuvre féminine.

En conclusion, la main-d'oeuvre féminine comblait le manque de main-d'oeuvre masculine en Angleterre, alors que l'on recherchait, en France (qui disposait d'une masse de millions d'esclaves) à maintenir la femme dans la sphère privée. Ces scénarios sont à rapprocher de ceux que l'on a connu et que l'on connaît au XXe siècle: en cas de manque de main-d'oeuvre, le patronat attire les femmes au travail; en cas de crise économique, on valorise le rôle de la femme au foyer et le temps partiel. Bref, soit la femme est enfermée au foyer, soit elle travaille mais elle est mal payée: n'ont-elles pas connu, jusqu'à présent, que ces deux seules perspectives?

Mais revenons au siècle des Lumières (qui n'a pourtant en rien éclairé les questions liées à l'émancipation de la femme). En 1789, les Français firent leur Révolution. 1789 fut aussi l'année de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Mais seul le sexe "fort" bénéficia des droits qui forment la citoyenneté dans les démocraties libérales modernes. Car seul l'homme pouvait exercer la citoyenneté et participer à l'administration de l'Etat. En effet, selon Rousseau, "la femme et l'homme sont faits l'un pour l'autre, mais leur mutuelle dépendance n'est pas égale. Nous subsisterions plutôt sans elles qu'elles sans nous... Elles dépendent de nos sentiments, du prix que nous mettons à leur mérite, du cas que nous faisons de leurs charmes et de leurs vertus... Ainsi, toute l'éducation des femmes doit être relative aux hommes. Leur plaire, leur être utiles, se faire aimer et honorer d'eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce: voilà les devoirs des femmes dans tous les temps, et ce qu'on doit leur apprendre dès leur enfance."

Néanmoins, d'autres philosophes, ainsi que les premières féministes, s'opposèrent à Rousseau. Condorcet fut l'un de ces défenseurs de la condition féminine: " (...) les droits des hommes, écrivit-il, résultent exclusivement de ce qu'ils sont des êtres sensibles, susceptibles d'acquérir des idées morales et de raisonner à partir de ces idées. Pourquoi des êtres exposés à des grossesses, et à des indispositions passagères, ne pourraient-ils pas exercer des droits dont on n'a jamais imaginé de priver les gens qui ont la goutte tous les hivers, et qui s'enrhument aisément?" Il écrivit également: "L'infériorité et la supériorité se partagent également entre les deux sexes... Les femmes ont montré des vertus de citoyen chaque fois que le hasard ou les troubles civils les ont amenées sur une scène dont l'orgueil et la tyrannie des hommes les ont écartées chez tous les peuples... Il est donc injuste d'alléguer, pour continuer de refuser aux femmes la jouissance de leurs droits naturels, des motifs qui n'ont une sorte de réalité que parce qu'elles ne jouissent pas de ces droits. Ce n'est pas la nature, c'est l'éducation, c'est l'existence sociale qui cause cette différence." Diderot s'indigna aussi du sort que les hommes réservaient aux femmes. Dans "Sur les femmes" (1772), il écrivit: "Dans presque toutes les contrées, la cruauté des lois civiles s'est réunie contre les femmes à la cruauté de la nature. Elles ont été traitées comme des enfants imbéciles. Nulle sorte de vexations que, chez les peuples policés, l'homme ne puisse exercer impunément contre la femme... Femmes, que je vous plains! Il n'y avait qu'un dédommagement à vos maux; et si j'avais été législateur, peut-être l'eussiez-vous obtenu. Affranchies de toute servitude, vous auriez été sacrées en quelque endroit que vous eussiez paru." Pierre Guyomar, député à la Convention, plaida également en faveur des femmes: "Je soutiens que la moitié des individus d'une société n'a pas le droit de priver l'autre moitié du droit imprescriptible d'émettre son voeu. Affranchissons-nous plutôt du préjugé du sexe... Tous les jours, j'entends dire: la France a 25 millions d'habitants; alors on comprend les femmes. S'agit-il de calculer le nombre des membres du souverain: sans façon on fait la soustraction de la moitié de la population."

 

Mary Wollstonecraft, femme de lettres anglaise, publia, en 1787, "De l'éducation des jeunes filles", un ouvrage anti-Emile par excellence plaidant pour une éducation similaire des deux sexes. En 1792, elle écrivit "Défense des droits des femmes", où elle s'indigna de la contradiction "rousseauiste". Ces arguments étaient les suivants: d'abord, l'erreur de raisonnement du philosophe résidait dans son refus d'admettre que les deux moitiés de l'humanité présentassent des qualités intellectuelles semblables. Ensuite, elle n'acceptait pas que l'on considérât les femmes dénuées de raison. Elle plaida également en faveur d'une éducation similaire qui les rendrait égales aux hommes et leur donnerait une conception semblable de la vertu. Une fois cette exigence réalisée, elles mériteraient alors l'égalité des droits.

Comme Wollstonecraft, les Françaises s'étaient intéressées à la Révolution. Plus de six mille "sans-jupons" défilèrent entre Paris et Versailles durant le 5 et 6 octobre 1789: toutes ces femmes réclamaient alors du pain bon marché et voulaient ramener le roi à Paris. En abolissant le droit d'aînesse, la Révolution permit aux filles d'hériter comme leurs frères. En fondant le mariage sur le principe du contrat libre, les Girondins supprimèrent l'autorité parentale et instaurèrent le divorce. En 1791, Olympe de Gouges revendiqua l'émancipation de la femme dans la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne. Cependant, cette féministe imprudente, connue pour son combat contre Robespierre (dont l'attitude l'opposait aux Girondins), périt sur l'échafaud. Bien que républicaine, elle fut guillotinée pour avoir demandé la grâce de Louis XVI. "Nous avons le droit de monter à la tribune, avait-elle écrit avant de mourir, puisque nous avons celui de monter à l'échafaud." Dès lors, la Terreur Jacobine mit fin à une période pourtant favorable à l'émancipation des femmes. Et la voix des femmes fut muselée. Pour longtemps.

Le XIXe siècle

"Aux Antilles, on achète un nègre, en France, on épouse une femme."

J. MICHELET, historien français (1798 -1874)

Qu'il était donc heureux d'être femme au XIXe siècle! Nulle part, ni en France ni à l'étranger, elles ne possédaient la plénitude de leurs droits. D'abord, Napoléon Ier, Jacobin (et misogyne notoire), s'était empressé de confirmer cette incapacité générale de la femme au point de vue législatif. Mariée, la femme était, selon l'article 1124 du Code Civil français de 1804, une mineure à vie. Lorsqu'elle était riche, ses biens étaient gérés par son mari. Lorsqu'elle travaillait, son salaire appartenait à l'époux. Il allait de soi qu'elle ne pouvait ni obtenir un papier sans autorisation maritale, ni être témoin, ni signer un bail ou un engagement artistique. "Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari" stipulait l'article 213. Quant au code pénal, les articles 337 et 339 stipulaient que l'adultère de la femme pouvait être puni de 3 mois à 2 ans d'emprisonnement, alors que l'homme ne payait qu'une amende (encore aurait-il fallu qu'il eût introduit sa maîtresse au domicile conjugal!). Remarquons aussi que le divorce fut supprimé en 1816, et ne fut rétabli qu'en 1884. Bref, la femme n'existait que par rapport à l'homme, ne vivait de lui et par lui, faisait partie de ses biens au même titre que ses terres, ses ateliers ou ses chevaux. Tout concourrait vers 1830 à la subordination de la femme: le programme d'étude des jeunes filles comportait uniquement de la lecture, de l'écriture, de l'arithmétique, peu d'histoire et de géographie, et quelques notions d'économie domestique. Néanmoins, les petites filles pauvres travaillant dans les ateliers de dentelle étaient privées de toute instruction. Agées de 6 ans, les journées commençaient pour elles à 8 heures du matin et se terminaient à 6 heures du soir: les journées étaient alors ponctuées par les travaux manuels, un peu d'instruction religieuse, guère de lecture et d'écriture, et le chant des cantiques. Agées de 12 à 16 ans, les journées s'étalaient de 6 heures de matin à 8 heures du soir!

La paysanne

Travaux domestiques, travaux des champs: voilà à quoi se résumait la vie des paysannes au XIXe siècle. Seules la messe et les vêpres interrompaient le cours de cette kyrielle de travaux. A celle qui ne possédait pas de biens, il restait la ressource de s'engager comme journalière. Néanmoins, lors des récoltes, leur salaire était toujours inférieur de moitié à celui des hommes, engagés pour le même travail. D'autres femmes choisissaient de devenir domestiques de ferme. Des "marchés aux domestiques" se tenaient alors: ils permettaient aux riches paysans de choisir leur personnel.

Outre un salaire médiocre, ces femmes devaient parfois accepter d'être engrossée sans exiger du père qu'il pourvût aux besoins de l'enfant. En effet, le Code Civil français abolissait la recherche de toute paternité. Les hommes, non content de disposer (presque gratuitement) de leur main-d'oeuvre, disposaient aussi de leur corps, ce qui n'était pas tout à fait le cas avant la Révolution: sous l'Ancien Régime, la fille engrossée pouvait avoir recours auprès des tribunaux. "Il arrivait même, lorsque plusieurs hommes avaient eu des rapports avec elle vers l'époque de la conception, qu'ils fussent condamnés à pourvoir solidairement à ses dépenses".

Mais bientôt, vu le développement du machinisme agricole, les emplois de journalière et de servante devinrent rares. Une autre perspective se présentait alors: s'engager comme domestique dans une maison bourgeoise.

Les artisanes à domicile

Beaucoup de femmes exerçaient un artisannat. Leurs activités découlaient souvent directement de la vocation de leur région (agricole, maritime ou industrielle). Elles étaient alors occupées à fabriquer des paniers ou des filets de pêche, à tisser de la dentelle ou à confectionner des vêtements. Les conditions de ces femmes étaient pour elles aussi très rudes. Un rapport de 1840, issu d'une enquête sur la situation de l'industrie linière en Belgique, ordonnée par le Ministre de l'Intérieur de l'époque, mentionnait que "les tisserands et les fileuses en général n'ont plus assez pour se vêtir, ils payent difficilement leur loyer,

(...)". Logées dans des conditions sordides, ces femmes travaillaient de 5 h 30 du matin jusqu'à dix heures du soir. Le travail, ainsi pratiqué à outrance, usait les yeux.

Ces artisanats maintenaient la femme à la maison, précisément dans la cuisine, convertie pour la circonstance en atelier. Ne pouvant quitter ce champ clos, la femme était assurée de ne pas être accusée "d'esprit d'aventure ou de dévergondage".

La machine qui provoquait des "excitations génitales"

Certains hommes considérèrent d'un mauvais oeil l'introduction de la machine à coudre dans le foyer, machine qui facilitait pourtant le travail des femmes. En 1866, un mémoire de l'Académie de Médecine dénonça cette dangereuse machine "qui excite le délire hystérique" et occasionnait " une excitation génitale assez vive pour mettre (son utilisatrice) dans la nécessité de cesser momentanément tout travail... et d'avoir recours à des lotions d'eau froide".

Mais ce rapport médical n'émut guère les donneurs de travail à domicile, qui exigeaient un rendement de plus en plus grand, et de plus en plus mal payé: les emplois à domicile devenaient en effet de plus en plus menacés par l'apparition des fabriques, qui produisaient plus vite et à des prix moindres. Pour résister à la concurrence, les "maîtres-marchand", qui louaient alors les métiers et fournissaient les matières premières, exigeaient toujours plus. Plus question dès lors de rire ou de chanter, de perdre son temps avec son enfant. Les artisanes devaient travailler 12 heures d'affilée pour que l'entreprise fût tant soit peu rentable. Souvent les ouvrières "ne voulaient pas avouer le surmenage dont elles étaient victimes, comme elles ne voulaient pas avouer leur salaire de famine. Jusqu'à minuit, elles cousaient sans perdre un instant, car elles gagnaient dix centimes par corsage..."

Cependant, l'extension du machinisme finit par enlever à la femme les possibilités d'exécuter à domicile toutes les opérations qui avaient, jusqu'ici, été son domaine exclusif. Commença alors la régression progressive de l'artisanat et du travail à domicile, qui contribua largement à l'exode rural.

L'ouvrière

Abandonnant le travail à domicile devenu rare, les femmes se résolurent à prendre le chemin de l'usine, où l'attendait un salaire double. Néanmoins, ce salaire restait insuffisant et ne leur permettait pas de vivre.

En France, l'industrie textile employait les 3/4 des effectifs féminins. Différents secteurs de travail se formèrent: celui du coton, celui de la soie, et celui de la laine. Le coton, premier textile à être concerné par la révolution industrielle, impliquait l'opération du battage, tâche habituellement réservée aux femmes "parce qu'elles résistent mieux aux poussières". Ces travaux portaient sérieusement atteinte à la santé des travailleuses: la poussière dégagée par le coton irritait les voies respiratoires, le travail de la soie entraînait des fièvres putrides, des vomissements de sang, des phtisies tuberculeuses (ceci après quelques mois de travail).

En Angleterre aussi, l'industrie cotonnière employait beaucoup de femmes: une statistique de 1835 fait apparaître que 61 % des travailleurs de cette industrie étaient soit des femmes, soit des enfants de moins de 13 ans. L'exploitation des enfants au travail était telle qu'en 1830, Richard Oastler dénonçait avec indignation ce qu'il appelait "l'esclavage blanc", en désignant l'exemple du Yorkshire.

Les enfants étaient également contraints au travail en France et en Belgique. Ne pouvant rémunérer une nourrice pour surveiller ses enfants, la femme les amenait avec elle à la filature. Les employeurs se mirent alors à tirer profit de ces "crèches sauvages" qui se formaient, en demandant aux enfants des ouvrières d'exécuter de "très petits services". Les employeurs prétendaient alors "occuper" les enfants. Il faudra attendre 1841 pour qu'une législation interdise, en France, le travail des enfants de moins de huit ans.

Au fur et à mesure que l'on avance dans le siècle, les femmes s'implantèrent dans d'autres secteurs de l'industrie. Mais on leur proposa toujours des travaux adaptés à leur condition de femme, des tâches qui exigeaient beaucoup d'adresse, de patience, de dextérité. D'ailleurs, de l'avis de certains employeurs, la monotonie de leurs tâches satisfaisait parfaitement les ouvrières, puisqu'"elles aiment pouvoir penser à autre chose en travaillant, à ce qu'elles feront le soir pour dîner, à leurs tâches ménagères".

 

La position des syndicats

Au XIXe siècle, les syndicats n'étaient pas toujours du côté des travailleuses: en 1866, les délégués belges et français déclarèrent, lors du 1er Congrès de l'Internationale des Travailleurs, à Genève, que "la place de la femme est dans sa famille", et repoussèrent, avec force, le principe de l'égalité des salaires. Celle-ci aurait conduit, selon eux, à "obliger le père de famille à faire la cuisine, tandis que la femme et les enfants travaillent".

En effet, l'inégalité des salaires débouchait, à la fin du siècle, sur des disparités énormes: 6,85 francs par jour pour un homme, dans une fabrique de boutons, 2 francs pour une femme (1893), 1 200 francs par an pour une employée, 1 800 pour un employé accomplissant les mêmes tâches...

Les syndicats n'étaient pas féministes pour une raison de concurrence entre les femmes et les hommes. Là où on pouvait embaucher des femmes pour presque rien, ils craignaient le renvoi des hommes, ou une diminution de leurs salaires.

Les femmes condamnées au bas salaire

Comme on a pu le voir, le statut du travail féminin de cette époque restait très inférieur à celui de l'homme. Comme ils expliquent aujourd'hui la situation économique mondiale, et comme ils parviennent encore à justifier les inégalités, les économistes libéraux expliquaient cette situation par de prétendues lois économiques. Jean-Baptiste Say, Adam Smith, puis Sidney Webb dégageaient en effet trois lois qui fondaient, selon eux, la faiblesse des salaires féminins. D'abord, les femmes gagnaient moins que les hommes parce qu'elles produisaient moins. Ensuite, la valeur marchande de ce qu'elles produisaient était elle aussi moindre, puisque la majorité des femmes travaillaient dans des secteurs dont le produit restait peu prisé, comme la couture ou le nettoyage. Enfin, les femmes gagnaient moins que les hommes vu que la société considérait leur travail comme accessoire et qu'elles n'étaient pas chefs de famille. Ainsi, il apparaissait naturel que le salaire masculin fût doublement rémunéré.

Dès lors, deux modèles de travailleurs se profilaient à l'époque: la main-d'oeuvre masculine, caractérisée par la force, la qualification ou la compétence, et défendue par les syndicats, et la main-d'oeuvre féminine, connue pour son manque de qualification, dont l'activité était interrompue par le mariage et les grossesses, et peu syndiquée.

 

Le taux d'activité des femmes

En France, la taux d'activité des femmes passait de 30 % au début du XIXe siècle (contre 58 % pour les hommes), à un maximum de 36 % vers 1914 (67 % pour les hommes). Au Royaume-Uni, ce taux passait de 23 % en 1841 à un maximum de 42 % dès 1871. En ce qui concernait la Belgique, les femmes représentaient, en 1846, 33,9 % de la population active; en 1866, 35,4 %; et en 1900, 26,6 %.

Les femmes instruites

Seules quelques aristocrates ou bourgeoises purent s'émanciper... et se rebeller. L'une d'entre elles, Isabelle Gatti de Gamond, fonda, au prix de grandes difficultés, la première école moyenne officielle pour les filles. Bien que sa fondatrice fût désignée comme une dévergondée par les bien-pensants, l'école située à la rue du Marais à Bruxelles ne cessa de prospérer.

Ce fut vers 1880 que les universités de Bruxelles, de Gand et de Liège ouvrirent leurs portes aux filles. L'Université Catholique de Louvain attendit encore 40 ans.

Mais même instruites, les femmes ne pouvaient pas encore accéder aux fonctions publiques: Marie Popelin, pourtant pourvue de tous ses diplômes, se vit refuser, en 1889, le droit de prêter serment, "vu la nature et la mission de la femme". En France, Jeanne Chauvin, licenciée en philosophie et futur docteur en droit, eut besoin de l'intervention de Viviani et de Pointcaré au Parlement afin d'ouvrir la carrière d'avocate aux femmes. Elle y parvint le 1er décembre 1900 seulement.

Il était également impossible d'exercer la profession de médecin ou de pharmacienne. Ainsi, Isala Van Diest dut attendre un arrêté royal pour ouvrir son cabinet.

Les femmes et les droits politiques

La participation politique des femmes était pratiquement nulle, au XIXe siècle. Alors que les intellectuelles de la noblesse ou de la haute bourgeoisie et les femmes des classes laborieuses bénéficiaent, sous l'Ancien Régime, d'une grande liberté de droit et de fait, les femmes du XIXe siècle subissaient la subordination privée et l'incapacité civile, définie par le code misogyne de Napoléon (d'ailleurs comparable à d'autres pays).

Victor Hugo, déjà féministe, s'insurgeait contre l'exclusion des femmes des droits civils et politiques: "(...) dans la civilisation actuelle, il y a une esclave, elle s'appelle une mineure; cette mineure selon la loi, cette esclave selon la réalité, c'est la femme. L'homme a changé inégalement les deux plateaux du code, dont l'équilibre importe à la conscience humaine; l'homme a fait verser tous les droits de son côté et tous les devoirs du côté de la femme. De là un trouble profond. De là la servitude de la femme. Dans notre législation telle qu'elle est, la femme ne possède pas, elle n'este pas en justice, elle ne vote pas, elle ne compte pas, elle n'est pas. Il y a des citoyens, il n'y a pas de citoyennes. C'est là un état violent; il faut qu'il cesse." Il rédigea d'admirables vers à la gloire de la gent féminine, mais il ne fut guère écouté en ce siècle qui opprimait à la fois les femmes et le les hommes.

En 1880, Hubertine Auclert (française), tout aussi intrépide que les suffragettes, tenta de s'inscrire sur les listes électorales. Pour vaincre le barrage et tester la Justice, elle refusa de payer des impôts puisqu'elle ne votait pas. "Si Français ne signifie pas Française devant le droit, déclara-t-elle, Français ne peut signifier Française devant l'impôt." Mais sa tentative échoua: le Conseil d'Etat rejeta son interprétation.

Mais comment expliquer le retard des femmes en matière de participation politique? D'abord, les premières féministes optèrent pour une politique d'attente et d'opportunisme. En effet, l'Anglaise Mary Wollstonecraft par exemple, comme Germaine de Staël puis George Sand, crut devoir conditionner l'exercice des droits civiques à celui des droits civils. "Les femmes doivent-elles participer à la vie politique?" se demandait-elle. "Oui, un jour, je le crois avec vous, mais ce jour est-il proche? Non, je ne le crois pas, et pour que la condition des femmes soit ainsi transformée, il faut que la société soit transformée radicalement... Que la femme intervienne politiquement dès aujourd'hui?... J'ose répondre qu'il ne faut pas, parce que les conditions sociales sont telles que les femmes ne pourraient pas remplir honorablement et loyalement un mandat politique. La femme étant sous la tutelle et dans la dépendance de l'homme dans le mariage, il est absolument impossible qu'elle présente des garanties d'indépendance politique..." Néanmoins, cette stratégie d'attentisme, bien qu'elle réussit aux Anglaises, fut fatale en France.

Ensuite, les partis de l'époque craignaient que les femmes ne déstabilisassent le corps électoral et ne remissent en question ses acquis. En France, les radicaux et les républicains, les partis les plus influents à l'époque, soupçonnait le vote féminin, s'il entrait en vigueur, de favoriser la droite et les cléricaux. Ils savaient que la séparation de l'Eglise et de l'Etat n'aurait jamais eu lieu si les femmes avaient voté en 1905, et ils ne voulaient pas voir l'histoire faire un pas en arrière. Bref, les partis (de gauche surtout) estimaient que les femmes ne jouissaient pas encore de l'indépendance nécessaire en vue de voter librement.

Remarquons que les pays anglo-saxons furent ceux qui émancipèrent les femmes les premiers. Dès les années 1860 - 1870, les Anglaises purent disposer de leurs gains et ouvrir un compte bancaire. Dès 1882, elles gérèrent leurs biens et acquirent la pleine capacité civile. Les Américaines avaient fait de même autour de 1870. Enfin, l'Etat du Wyoming, au Far-West, fut le premier état à accorder le droit de vote aux femmes: il le fit en 1869.

 

Le XXe siècle

"Pour moi, la femme idéale, c'est la femme corrézienne, celle de l'ancien temps, dure à la peine, qui sert les hommes à table, ne s'assied jamais avec eux et ne parle pas."

Jacques CHIRAC, 1978.

Les métiers traditionnels féminins évoluèrent et se développèrent, comme celui de la couturière, de la blanchisseuse, ou de la demoiselle de magasin; d'autres disparurent, comme celui de la lingère.

Des petites blanchisseuses familiales existaient, mais les grandes maisons spécialisées ne tardèrent pas à s'ouvrir. Bien que leurs tâches ne fussent pas toujours faciles, les blanchisseuses virent leur travail (méticuleux), facilité par les machines. Très attachées à l'esprit de corporation, elles purent défendre au mieux leurs intérêts. Leurs associations se multiplièrent. Ainsi rassemblées, elles furent les premières à obtenir une réduction de deux heures de leur temps de travail. Elles avaient aussi des salaires particulièrement élevés. Quant aux lingères, elles ne furent remplacées par la machine à laver qu'au milieu du XXe siècle.

"Au bonheur des dames" d'Emile Zola attestait, dès le milieu du XIXe siècle, l'apparition des grands magasins. Ici aussi, le métier évolua. D'abord, les fortes pénalisations qui frappaient les demoiselles de magasin à la moindre erreur d'étiquetage ou de compte furent limitée en France par une loi de 1892: les amendes ne purent désormais dépasser le quart du salaire. Ensuite, les demoiselles de magasin conquirent légalement, dès 1905 en Belgique, le droit de s'asseoir et le congé dominical. Néanmoins, le salaire restait faible, et le mariage et la maternité continuait d'entraîner des renvois immédiats.

 

Bien que vendeuses et puéricultrices restassent des métiers qui faisaient appel à la "nature féminine" (faite traditionnellement de charme et de douceur), des métiers jusqu'ici réservés aux hommes commencèrent à être exercés par des femmes. Incitées par l'exemple de la duchesse de Bezès qui, en 1897, passa son permis de conduire, certaines femmes décidèrent de gagner leur vie en devenant "chauffeuses d'autotax". Il allait de soi que les gardes (masculins) s'empressaient de leur infliger une contravention lorsque l'une d'entre elles excédaient les 10 kilomètres heures réglementaire! Ce fut également au même moment qu'apparurent "les femmes-cochers".

En outre, l'exemple de Jeanne Chauvin fut suivi: en 1906, on dénombra en France 37 avocates inscrites au Barreau. Le nombre d'institutrices s'accrut également: au nombre de 70 000 en 1896 en France, elles furent 90 000 à exercer en 1911.

En 1906, Marie Curie devint professeur à la Sorbonne. Mais l'évolution des inscriptions des jeunes filles à l'université restait lente: en 1900, elles ne représentaient, en France toujours, que 2,4 % du total des étudiants, et 7 % seulement en 1913. En outre, les carrières intellectuelles restaient l'apanage des bourgeoises. Dès que les portes des bureaux leur furent ouvertes, beaucoup d'entre elles s'y engouffrèrent. L'employée, alors sans qualification spéciale, opéra une importante mutation de la femme hors du foyer. Bientôt, elles purent travailler dans l'administration des chemins de fer, des postes, dans les banques.

 

Les arrêtés-lois misogynes de la crise des années 30

Jusqu'en 1933, les femmes virent progresser leur lutte pour le droit au travail. Cependant, elles furent les premières victimes de la grande crise économique qui se produisit les années suivantes... En Belgique, leur ascension fut freinée par divers arrêtés-lois. Le 31 mai 1933, une réduction de 25 % des traitements des fonctionnaires épouses de fonctionnaires fut prévue. En 1934, un religieux, le Père Rutten, proposa une loi tendant à limiter le travail de la femme mariée dans les usines, les ateliers, sur les chantiers, dans les bureaux. En quelques lignes, voici les arguments que développait le religieux. Le travail ménager était, prétendait-il, plus adapté à l'organisme de la femme, à ses aptitudes, à ses inclinations naturelles et à sa noble mission d'éducatrice des enfants; la désorganisation de la famille, résultant du travail de la femme mariée, fondait les causes de la criminalité juvénile; trop de femmes mariées préféraient rester à l'usine pour pouvoir satisfaire des besoins exagérés de toilette, de déplacement ou de distraction; le bien-être d'un ménage ne dépendait, selon le Père, nullement de la somme d'argent dont elle disposait (sic!); la moralité des femmes mariées était loin d'être favorisée par le travail dans les ateliers et les bureaux, etc. L'arrêté royal du 8 décembre prévoyait, quant à lui, la limitation du pourcentage de la main-d'oeuvre féminine dans chaque branche d'industrie. Le Conseil des Ministres de l'époque prit même une décision visant à réserver aux hommes tous les emplois de l'Etat, y compris ceux de dactylographie, à l'exception du personnel chargé du nettoyage! Les parlementaires, d'autant plus misogynes que la Belgique comptait, en cette année 1935, plus de 300 000 chômeurs, n'en restèrent pas là: l'arrêté royal du 23 janvier 1935 diminua le traitement de base des institutrices. L'arrêté du 28 janvier réduisit le traitement initial des agents féminins de l'Etat, et annula leurs augmentations de traitement pour l'année suivante. Heureusement, ces arrêtés furent abrogés le 27 mai. Tous ces arrêtés poussèrent les femmes universitaires catholiques à se grouper en association.

 

Si seule une élite féminine exerçait la médecine ou le droit, les études relativement nouvelles d'assistante sociale attirèrent beaucoup de jeunes filles, ainsi que les facultés de pharmacie. En outre, de nombreuses écoles de puéricultrices spécialisées se créèrent.

En 1936, les femmes belges purent toucher elles-mêmes le mandat des allocations familiales. La même année, la loi sur les congés payés leur octroyèrent une semaine de repos (néanmoins très relatif).

Après la deuxième guerre mondiale, les femmes se libérèrent davantage: ce fut la période où elles furent plus nombreuses à exercer des métiers réservés jusque là aux hommes: magistrature, corps diplomatique, hautes fonctions publiques, professions libérales, journalisme, ... Ce fut aussi la période où les magazines féminins connurent un essor extraordinaire en Belgique. Néanmoins, la femme qui travaillait, traitée de "mauvaise mère" ou de "pauvre fille", servit de repoussoir dans beaucoup de journaux féminins. En effet, le modèle de la "femme au foyer", glorifié à partir des années 30, fut encore présenté dans les années 50 comme un véritable modèle de dignité. Ceci explique sans doute la régression du taux d'activité des femmes de 1930 à 1960. En 1960, ce taux était descendu jusqu'à 28 % en France, c'est-à-dire moins qu'au XIXe siècle. Au Royaume-Uni, le taux d'activité des femmes baissa jusqu'à 32 % entre les deux guerres, pour ne retrouver son niveau de 1871 qu'en 1961. En Belgique, les femmes représentaient 24 % de la population active en 1961. Ce ne fut qu'à partir de cette année que le taux d'activité des femmes augmenta de nouveau. Et depuis, il n'a jamais cessé de progresser, et progresse toujours, contrairement au taux d'activité des hommes qui, lui, ne cesse de diminuer.

Bien que le Traité de Rome avait affirmé l'égalité des salaires masculins et féminins 11 ans auparavant, les ouvrières de la Fabrique National d'Armes de Guerre à Hestal (Belgique) se mirent en grève en 1966, en vue de revendiquer l'application du principe "A salaire égal, travail égal". En effet, afin de légaliser l'inégalité salariale, la FN procédait jusque-là de la manière suivante: l'établissement d'une échelle des postes de travail différente, défavorable pour les femmes (voir La discrimination fondée sur le sexe dans l'évaluation des fonctions, développé dans le chapitre II: la situation des femmes au niveau de l'emploi, à la page 59). Cette technique est toujours utilisée aujourd'hui par certaines entreprises en vue de masquer les inégalités salariales. La différence horaire entre "femme-machine" et main d’oeuvre non qualifié se chiffrait alors, à la FN, à 30 % environ. La grève des ouvrières marqua l'histoire du travail féminin non seulement en Belgique, en Europe, mais aussi dans le monde industriel tout entier. Leur lutte dura douze semaines. Elles en sortirent néanmoins victorieuses.

Un second acquis apparut dans le domaine de l'emploi: dès 1969, les clauses permettant le licenciement des femmes en cas de mariage et de maternité furent interdites.

De nouveaux métiers apparurent: hôtesse de l'air (la Sabena recruta ses premières collaboratrices volantes dès 1947), speakerine radio, présentatrice à la télévision (1953) et hôtesse d'accueil (1958). Néanmoins, l'apparition des femmes dans le monde audio-visuel ne recueillit pas toujours l'approbation de toutes et tous: Janine Lambotte, devenue premier secrétaire de rédaction féminin du journal télévisé en 1961, fit connaissance avec les préjugés de quelques téléspectatrices. En écrivant à la Radio-Télévision Belge, elles s'indignaient qu'une femme (en l'occurrence Janine Lambotte), parlât de politique et se donnât des airs de diriger les journalistes (les vrais puisque mâles).

Enfin, les femmes restaient toujours confrontées au problème de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée: en 1963, les statistiques montraient qu'une femme consacrait, en moyenne, 6 h 45 de son dimanche aux tâches domestiques, et 3 à 4 heures quotidiennement. Les servantes se faisaient rares, les femmes de ménage coûtaient cher, et les grand-mères travaillaient, ou ne vivaient plus avec leurs enfants. Et comme les fils et les maris avaient autres choses à faire que passer l'aspirateur ou acheter quoi que ce soit pour remplir le frigo, après le bureau... on imagine combien cette conciliation était difficile. Elle l'est toujours aujourd'hui.

Le concept de l'émancipation juridique de la femme a été reconnu par la loi du 30 avril 1968 qui la résumait ainsi: "en droit, la femme est l'égale de l'homme." Désormais, les femmes cessèrent de devoir obéissance à leur époux et d'être mineures à vie. Mais cette loi n'entraîna pas de changements notables immédiats: pendant longtemps encore, les banques, par exemple, continuèrent d'exiger la signature de l'époux pour ouvrir un compte, et refusaient par là même de considérer le salaire féminin comme un bien propre réservé. Notons aussi qu'à l'époque, 60 % des femmes en Belgique travaillaient.

Parallèlement, l'échec au mariage n'est plus considéré comme un drame pour les femmes. Au lieu de "détruire" une vie, le divorce s'inscrit à partir de cette époque parmi les incidents de parcours sérieux mais non plus tragiques. Le travail, les formations professionnelles accélérées, les cours de rattrapage permettent alors de reprendre du poil de la bête. A ces femmes devenues solitaires par le divorce, il faut encore ajouter les célibataires de vocation ou non, elles aussi de plus en plus nombreuses. Remarquons que l'égalité des droits sur les biens matrimoniaux n'est inscrit dans le Code Civil que depuis 1976.

Les femmes devinrent également plus présentes dans le domaine syndical: en 1975, 2 561 femmes furent élues au sein des conseils d'entreprise. Les Comités de Sécurité et d'Hygiène comptèrent 6 877 femmes. Ce fut aussi en cette année 1975 que la CEE se conforma à l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes.

La participation des femmes à la vie politique: une participation effective, mais pas encore suffisante pour une égalité complète

En 1919, la moitié de la Belgique était toujours interdite de vote, à l'exception des veuves, non remariées, de militaires et de civils morts pour la Belgique, ainsi que des détenues politiques revenues des prisons allemandes. Néanmoins, l'ensemble de l'électorat féminin participait aux premières élections communales de l'après-guerre, ce qui consolida les positions catholiques en Wallonie, comme en Flandre. Au premier scrutin, 4 femmes devinrent bourgmestres, moyennant l'autorisation de leur mari.

Ce fut également en 1919 que le principe de l'éligibilité des femmes au Sénat et la Chambre fut acquis. Mais les citoyennes durent attendre 1948 avant de pouvoir se rendre aux urnes.

Pourtant, les Anglo-Saxonnes et les femmes de la plupart des grands pays belligérants devinrent citoyennes à part entière après la Première Guerre mondiale. Les Russes le devinrent en 1917, les Anglaises de plus de trente ans, payant un loyer ou diplômée, en 1918, puis sans restriction en 1928. Quant aux Américaines et aux Canadiennes, elles purent se rendre aux urnes en 1920. Atatürk, en dévoilant les Turques au même moment, leur donna accès aux urnes en 1934. Les Françaises durent attendre aussi longtemps que les Belges: elles n'acquirent le droit de vote qu'en 1944.

La première femme belge ministre apparut en 1964: Madame De Riemaecker-Legot prit en mains le département de la famille.

Mais après un parcours parsemé de tant d'acquis, sociaux et politiques, où en est aujourd'hui le travail des femmes? Les entreprises et les gouvernements ont-ils gardé des traces de cette misogynie d'autrefois? Nous tenterons d'apporter des éléments de réponses au cours du troisième chapitre de ce travail.

En conclusion

Au XVIIIe siècle, Jean-Jacques Rousseau avançait diverses arguments afin de maintenir les femmes dans la sphère privée. La Révolution industrielle en Grande-Bretagne marqua pourtant l'entrée des femmes dans le monde du travail: face au manque de main d'oeuvre masculine, les industriels du secteur textile firent appel à la main d'oeuvre féminine. Les Anglaises contribuèrent ainsi à soutenir le développement de ce secteur.

Au XIXe siècle, Napoléon Ier légiféra de manière à priver les femmes de tous leurs droits. Toutefois, c'est au cours de ce siècle que les Françaises entrèrent dans les usines textiles. A la fin de ce siècle, quelques bourgeoises revendiquèrent l'accès des femmes aux universités. Les femmes revendiquèrent également le droit de vote: les Anglaises l'obtinrent en 1928, les Françaises et les Belges vingt ans plus tard.

En tant que main-d'oeuvre de réserve, le taux d'activité féminin subit de fortes fluctuations au cours du XXe siècle. Lors de la crise économique des années 30, le rôle de la femme au foyer fut valorisé. Ce ne fut qu'à partir des années soixante que le taux d'activité féminin augmenta de nouveau, et que les femmes parvinrent peu à peu à conquérir leurs droits sociaux et économiques.

 

Chapitre III

La situation des femmes au niveau de l'emploi

Ce chapitre tentera de déterminer la position des femmes sur le marché du travail belge, et plus particulièrement de déterminer la présence des femmes dans le secteur privé, et leur position dans le secteur tertiaire. Il abordera également la durée de travail des femmes, ainsi que leurs rémunérations. De plus, il présentera les mesures gouvernementales belges concernant essentiellement les femmes: les emplois via les Agences locales pour l'emploi, l'interruption de carrière, le temps partiel. Enfin, il abordera la question de la présence des femmes aux postes à responsabilités ou de direction, ainsi que des femmes "cheffes" d'entreprise.

Comme nous le verrons, les femmes sont de plus en plus présentes sur le marché du travail. Elles sont de plus en plus nombreuses à travailler: leur taux d'emploi ne cesse d'augmenter, alors que celui des hommes a tendance à diminuer. Néanmoins, cet accroissement des emplois féminins voile plusieurs inégalités. Même si elles sont plus nombreuses qu'autrefois à travailler, les femmes gagnent toujours moins que les hommes. Cette inégalité trouve son origine dans le temps de travail presté par les femmes: en effet, elles forment la majorité des travailleurs à temps partiel. Elles sont moins nombreuses que les hommes à prester des heures supplémentaires, puisque moins nombreuses qu'eux à occuper des postes de direction.

Autre type d'inégalité: l'interruption de carrière. Légalement, tout travailleur, qu'il soit homme ou femme, a le droit d'interrompre sa carrière professionnelle. Or, les chiffres montrent que les femmes sont nettement plus nombreuses que les hommes à interrompre leur carrière, en raison de l'éducation des enfants dont elles ont la charge. L'interruption de carrière, au même titre que le temps partiel, diminuent donc leurs chances d'accéder aux postes de management.

 

Enfin, la durée du travail, les postes et fonctions qu'elles occupent, le temps partiel, l'interruption de carrière, le chômage: tout cela influencera leurs conditions d'accès à la retraite.

Description de la population active féminine

En 1996, les femmes représentaient 52 % de la population, et 44 % de la population active belge. Au 30 juin 1998, on comptait en Belgique, sur les 3 197 731 travailleurs assujettis à la sécurité sociale, 1 353 874 femmes: elles représentaient alors 42 % des travailleurs occupant un emploi. En 1996, le taux d'activité des femmes se situait entre 55 et 60 %. Mais le taux d'activité des femmes est parfois beaucoup plus élevé dans d'autres pays: en 1993 - 1994, il s'élevait à 77 % au Danemark, à 67 % aux USA, et à 65 % au Royaume-Uni.

Les années 80 ont en effet été marquées par une poursuite de la croissance des taux d'activité féminins, alors que les taux masculins ont tendance à diminuer. Comme dans d'autres pays, plusieurs facteurs explicatifs ont été avancés: Robert Tollet (1987), par exemple, indiquait la croissance des modes de consommation de plus en plus fondés sur l'acquisition de deux revenus par ménage. L'HIVA (Hoger Instituut van Arbeid) citait aussi la dénatalité, l'allongement des études, la tendance à se marier plus tard, le nombre croissant de personnes isolées ou vivant des types de relations qui impliquent une plus grande indépendance financière des deux conjoints, des changements sociaux résultant notamment de la deuxième vague d'émancipation des années septante. Néanmoins, ces facteurs restent à interpréter avec prudence.

Taux d'emploi et taux d'activité des femmes

Ce qui est certain, c'est que l'évolution des différents secteurs d'activités ont eu quelques répercussions sur le travail des femmes. En effet, les secteurs économiques ont évolué de

manière très contrastée. D'abord, l'appareil de production du monde industriel a connu d'importantes restructurations . Aux usines vieillies et aux modes de production désuets ont succédé des équipements de plus en plus performants. Ces équipements ont bien évidemment été orientés vers des secteurs en développement. Ces restructurations ont dès lors entraîné la mise en chômage d'une partie importante des travailleurs de l'industrie. De cette manière, entre 1974 et 1993, plus de 550 000 emplois ont ainsi disparu dans le secteur secondaire belge, et près d'un belge sur trois y a perdu son travail. En effet, ce secteur occupe essentiellement des hommes: en 1993, 835 024 hommes étaient ouvriers contre 295 384 femmes seulement (soit 26 % de la population ouvrière). Par contre, dans la même période, près de 700 000 emplois (dont 506 000 occupés par des femmes) ont été créés dans le secteur des services. Le secteur qui a connu l'évolution la plus forte a été celui des "institutions de crédit et assurances", dont l'emploi a presque doublé. Au sein du secteur tertiaire, le secteur public s'est accru sur la même période de 230 000 emplois, occupés quasi exclusivement par des femmes. Selon le rapport d'évaluation 1997 du Ministère belge de l'Emploi et du Travail, les emplois publics ainsi créés ont permis d'atténuer partiellement les conséquences des nombreuses pertes d'emplois dans l'industrie, et d'absorber une partie de la croissance de l'offre de travail féminin. Remarquons que ces créations d'emplois ont surtout été réalisées par le biais des différents programmes de soutien à l'emploi. Cette progression de l'emploi public a eu lieu jusqu'au milieu des années 80, avant de se maintenir au même niveau et de connaître plutôt une légère diminution.

Pour ce qui concerne le taux d'activité des femmes belges, celui-ci dépend beaucoup de leur niveau d'éducation. Pour les 25 - 50 ans, le taux d'activité des femmes était, en 1989, supérieur à 80 % dès que le niveau d'éducation dépassait le secondaire supérieure. Ces taux étaient aussi très proches des taux d'activité masculins. Par contre, ils devenaient beaucoup plus faibles lorsqu'il s'agissait de niveaux d'éducation inférieure, primaire, secondaire inférieur et secondaire supérieur. Il est donc évident, en termes d'offre, que le niveau d'éducation, plus que la situation familiale, déterminent l'attitude des femmes sur le marché du travail. En effet, les diminutions et les cessations d'activité sont des phénomènes propres à des niveaux d'éducation peu élevés qui ne peuvent vraisemblablement pas prétendre à des emplois fort intéressants.

En conclusion, bien que la main-d'oeuvre féminine a longtemps été (et est encore) considérée comme une main-d'oeuvre de réserve (à laquelle on peut faire appel en cas de besoin), l'emploi des femmes a connu un développement important depuis 1973. En tant que main-d'oeuvre de réserve, le taux d'activité des femmes subissait de fortes fluctuations depuis un siècle. Très élevé au début du siècle, il a nettement diminué au lendemain de la seconde guerre mondiale. Mais depuis, il n'a pas cessé de connaître une augmentation continue, et sa tendance aujourd'hui reste toujours orientée à la hausse.

Le chômage

 

La présence des femmes dans le chômage est restée plus importante que celle des hommes. Mais les hommes se sont révélés tout aussi dépendants que les femmes de leur environnement économique (en pleine mutation): si la restructuration de l'emploi industriel a entraîné le chômage de nombreuses femmes, elle n'a pas non plus épargné les hommes. Parallèlement, le développement de l'activité tertiaire n'a pas été suffisant pour résorber le chômage des adultes, principalement celui des femmes. En 1995, le chômage féminin issu du secteur tertiaire était deux fois plus élevé que celui des hommes.

Tableau 1 - Evolution du nombre de chômeurs complets indemnisés

Belgique - 1975/1997

Chiffres absolus

Source: ONEM, in MET, La politique fédérale de l'emploi - Rapport d'évaluation 1997, Bruxelles, 1997, p. 35.

En outre, malgré la conjoncture économique, on ne peut prétendre que la main-d'oeuvre peu qualifiée a moins de chances que la main-d'oeuvre hautement qualifiée de trouver un emploi. Si le taux d'emploi des travailleurs masculins faiblement instruits a diminué entre 1989 et 1994 en Belgique, en France et aux Pays-Bas, , il a augmenté en Allemagne. Par ailleurs, le taux d'emploi des travailleurs masculins hautement instruits a diminué sur la même période, en Belgique, en France et en Allemagne; il a seulement augmenté aux

 

Pays-Bas. En ce qui concerne les femmes, les taux d'emplois en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas ont plus augmenté pour les femmes ayant un niveau d'instruction peu élevé que pour celles ayant un niveau d'instruction élevé. En France, les taux d'emploi des femmes faiblement instruites ont moins diminué que ceux des femmes hautement instruites.

En 1989, les taux d'activité des femmes de 25 à 50 ans, issues de l'enseignement supérieur (de type court, de type long, de type universitaire) était en 1989, comme celui des hommes du même âge et du même niveau d'instruction, supérieur ou égal à 80 %. Toutefois, même si l'offre de travail des niveaux d'éducation les plus élevés est quasi identique pour les hommes et les femmes, il existe un phénomène de discrimination de la demande de travail. L'écart entre le taux d'emploi des femmes et celui des hommes témoignaient, en 1989 en Belgique, d'une situation plus mauvaise des femmes en matière de chômage. Pour les femmes, avoir un diplôme n'est donc pas, autant que pour les hommes, une garantie d'accès à l'emploi. A niveau d'éducation égal, le taux d'emploi des femmes est presque toujours plus faible que celui des hommes. La différence est d'autant plus grande que le niveau d'éducation est faible et que l'âge est élevé.

Causes du chômage des femmes (plus élevé que celui des hommes)

Le rapport d'évaluation 1997 du Ministère belge de l'Emploi et du Travail peut sans doute nous éclairer au sujet de ce chômage plus élevé chez les femmes que chez les hommes.

Selon le rapport, le chômage plus élevé des femmes proviendrait de la différence de perception entre le rôle du diplôme masculin et celui du diplôme féminin. Même si le secteur secondaire reste, aujourd'hui encore, un vecteur d'insertion important pour les hommes, il ne l'est pas pour les femmes. La grande majorité des femmes (86 %) sont occupées dans le secteur tertiaire. Or, dans le secteur des services, les exigences de qualification sont beaucoup plus difficiles à cerner que dans le secteur secondaire. Dans le secteur tertiaire, bien plus que dans le secteur secondaire, le diplôme joue un rôle de "signal" lors du recrutement, c'est-à-dire bien plus qu'un rôle de définition claire, précise et objective de la qualification requise. Plus le niveau du dernier diplôme obtenu est élevé, plus le signal sera favorable pour le ou la candidat(e). Cette différence de perception du rôle du diplôme se marque dans les taux de chômage masculin et féminin sur base du niveau d'instruction.

De cette manière, la liaison inverse entre taux de chômage et niveau d'instruction apparaît comme beaucoup moins implacable chez les hommes que chez les femmes. La qualification technique (supérieure mais aussi inférieure) offre des perspectives d'insertion satisfaisantes aux hommes, essentiellement dans le secteur secondaire, ce qui n'est pas du tout le cas pour les femmes. "La qualification professsionnelle est moins favorable en matière d'insertion pour les hommes mais reste toujours meilleure que pour les femmes" mentionne le rapport d'évalutation.

A travers les écarts importants de taux de chômage masculins et féminins des diplômés du technique et du professionnel, il apparaît que les chances d'insertion ne sont donc pas, à niveau d'instruction similaire, identiques pour tous. Le contenu de l'instruction des hommes serait, selon le rapport, différent de celui des femmes. Or, bien plus que le niveau d'instruction, c'est le contenu de l'instruction qui importe lors du recrutement. De cette manière, l'enseignement technique et le professionnel offrent des opportunités d'emplois aux hommes parce que ces diplômes et leur contenu répondent aux besoins de la demande de main-d'oeuvre dans le secteur secondaire. Toutefois, on constate aujourd'hui une raréfaction des métiers manuels: les options de l'enseignement technique et professionnel orientées vers ces métiers connaissent une baisse de population masculine depuis une vingtaine d'année. Qu'en est-il du côté des filles issues de l'enseignement technique ou professionnel? Leur diplôme répondent-ils aux besoins des entreprises? Les filles issues de l'enseignement technique ou professionnel postulent généralement dans le secteur tertiaire. Par exemple, plutôt que d'étudier l'électricité ou la mécanique, les filles de l'enseignement technique ou professionnel s'orienteront vers le secrétariat. Ces diplômées présentent un handicap dès leur entrée sur le marché du travail: leur diplôme est en effet peu valorisé sur le marché tertiaire. A cela, s'ajoute une concurrence bien plus forte sur le marché du travail féminin que sur le marché masculin, puisque l'offre de main-d'oeuvre féminine est en expansion permanente, contrairement à l'offre de main-d'oeuvre masculine, en réduction constante. Cette concurrence joue évidemment en faveur de l'insertion des femmes ayant un niveau de diplôme élevé aux dépens des autres femmes: même si on ne peut constater une réduction tendancielle de la demande de main-d'oeuvre peu qualifiée dans les pays industrialisés, le taux de chômage reste plus faible pour les femmes ayant un niveau d'instruction élevé que pour les femmes peu instruites.

Tableau 2 - Taux de chômage par sexe et par niveau d'études

Année 1996

Source: INS - Calculs du Ministère de l'Emploi et du Travail, in MET, op. cit., p. 140.

Néanmoins, le taux de chômage des femmes diplômées de l'enseignement supérieur est toujours plus élevé que celui des hommes détenant un diplôme de niveau similaire. Une fois encore, c'est sans doute parce que les garçons s'orientent vers des formations qui répondent aux besoins de l'industrie, et parce que les filles s'orientent toujours vers des formations qui les confinent dans le secteur tertiaire, où règne une forte concurrence entre les candidats. En France, les garçons sont majoritaires dans les classes préparatoires scientifiques et dans les écoles polytechniques.

Néanmoins, le taux de chômage des femmes diplômées de l'enseignement supérieur est toujours plus élevé que celui des hommes détenant un diplôme de niveau similaire. Une fois encore, c'est sans doute parce que les garçons s'orientent vers des formations qui répondent aux besoins de l'industrie, et parce que les filles s'orientent toujours vers des formations qui les confinent dans le secteur tertiaire, où règne une forte concurrence entre les candidats. En France, les garçons sont majoritaires dans les classes préparatoires scientifiques et dans les écoles polytechniques. Les filles, par contre, sont parfois majoritaires dans les écoles de commerce, les écoles littéraires, ce qui les orientent vers le secteur de l'éducation, de l'administration ou les institutions de crédit ou d'assurances. En Belgique aussi, même si le niveau d'instruction des femmes est globalement équivalent à celui des hommes, particulièrement en ce qui concerne les jeunes générations, la répartition selon les filières est différente. Danièle Meulders et Valérie Vander Stricht avaient constaté, dans leur rapport, que les femmes avaient plutôt des diplômes d'enseignement normal et supérieur non universitaire de type court, tandis que les hommes étaient plutôt diplômés de l'enseignement non universitaire de type long ou universitaire. Elles avaient également constaté qu'au sein des différentes filières, les filles s'orientaient moins vers les branches scientifiques.

Un article du Nouvel Observateur montrait d'ailleurs comment les femmes étaient orientées au cours de leurs études. Même si on leur dit de s'orienter toutes directions, les filles entendent parler à tout moment du "travail des femmes" et de ses problèmes spécifiques. Elles ne sont pas comme tout le monde (donc comme les hommes): elles font partie du groupe "femmes". Elles auront donc un destin de femmes! De cette manière, pour concilier vie familiale et vie professionnelle, elles préfèrent être secrétaire ou institutrices plutôt qu'ingénieurs.

Enfin, notons que les femmes représentent 91 % des 129 362 exclusions pour chômage de longue durée qui ont eu lieu en Belgique entre 1986 et 1995: elles sont en effet plus nombreuses que les hommes à rester plus de deux ans au chômage.

 

Tableau 3 - Chômeurs belges complètement indemnisés demandeurs d'emploi, et suspendus pour durée anormalement longue du chômage par sexe et par année

Source: ONEM, in MET, op. cit., p. 93.

L'arrêté royal belge du 25 novembre 1991 portant sur la réglementation du chômage a prévu un système de suspension de chômeurs de longue durée. La mesure se limite à la catégorie des cohabitants et a pour effet la perte des allocations de chômage pour le chômeur concerné. Toutefois, le chômeur suspendu peut percevoir des allocations de chômage en cas de modification du revenu de son ménage, de sa situation familiale. Comme l'indique le tableau ci-dessus, cette mesure frappe surtout les femmes. Selon le rapport d'évaluation du Ministère belge de l'Emploi et du Travail, son but était "d'instaurer une mesure de suspension du chômage de ceux qui étaient depuis longtemps au chômage et dont il était admis qu'ils n'étaient plus disposés à travailler."

Le 3 juillet 1998, le Conseil des Ministres a approuvé l'avant-projet de loi sur un plan d'action belge pour l'emploi, qui étend la mesure de suspension de chômeurs de longue durée aux invalides, handicapés, mini mexés (minimum de salaire), ... Désormais, ces personnes, comme les femmes aux chômage, devront subir les visites d'inspecteurs sociaux dénoncées (sans doute à juste titre) comme humiliantes et dégradantes à l'égard des chômeur-ses. Jugez plutôt: afin de vérifier que la chômeuse n'est pas co-habitante, l'inspecteur-rice social-e se permet de fouiller la manne à linge à la recherche de vêtements masculins, d'interroger les enfants afin de savoir si leur maman n'a pas "un ami qui loge à la maison". De plus, les inspecteurs sociaux sont autorisés à mener leur traque aux chômeurs co-habitants de 6 heures du matin jusque 20 heures...

Répartition des hommes et des femmes dans les secteurs d'activités

Les statistiques sociales de 1998 révèlent que les femmes belges se concentrent effectivement dans le secteur tertiaire, et plus précisément:

- dans le commerce de détail (en tant que travailleuses intellectuelles),

- dans l'hôtellerie et la restauration (en tant que travailleuses manuelles),

- dans les activités financières (en tant que travailleuses intellectuelles),

- dans les services fournis aux entreprises, autres que les activités immobilières, la location sans opérateur, les activités informatiques, la recherche et le développement (en tant que travailleuses intellectuelles);

- et enfin, dans l'administration publique, l'éducation, la santé et l'action sociale (toujours en tant que travailleuses intellectuelles).

 

Les hommes, quant à eux, se concentrent surtout dans le secteur secondaire, en tant que travailleurs manuels.

Il apparaît donc que sur les 1 870 594 travailleurs (assujettis à la sécurité sociale au 30 juin 1998), 878 120 d'entre eux sont des travailleurs manuels, soit 47 % d'entre eux. Sur les 1 327 137 travailleuses (assujettis à la sécurité sociale), 361 400 d'entre elles sont des travailleuses manuelles, soit 27 % d'entre elles. Cela signifie que 73 % des femmes qui travaillent en Belgique exécutent des tâches intellectuelles, contre 53 % des hommes seulement!

La présence des femmes belges dans le secteur tertiaire privé

Toutefois, ces chiffres ne font pas apparaître la division du travail qui existe toujours. Les hommes qui travaillent en Belgique sont encore fort présents dans le secteur secondaire: 37 % des hommes qui travaillent dans notre pays sont employés dans ce secteur. Il s'agit essentiellement de travailleurs manuels: le pourcentage de travailleurs manuels dans le secteur secondaire s'élève à 74 %. Les femmes, de leur côté, travaillent essentiellement dans le secteur des services: 87 % des femmes qui travaillent en Belgique sont employées dans le secteur tertiaire. Cela qui ne signifie pas que ce secteur soit monopolisés par les femmes: en effet, 50 % des travailleurs de ce secteur sont des hommes. 77 % des femmes de ce secteur d'activités sont des travailleuses intellectuelles. Enfin, 48 % des femmes qui travaillent en Belgique sont employées dans le secteur privé. Bref, 82 % des travailleurs du secteur secondaire sont des hommes, et 50 % des travailleurs du secteur tertiaire sont des femmes. Il semble dès lors que les femmes se trouvent entre deux extrêmes: d'une part, entre un nombre important d'hommes travaillant dans les usines, les ateliers, sur les chantiers, et d'autre part une population masculine importante occupant des postes d'employés ou de direction.

Il est également important de souligner le rôle que la société continue d'attribuer à la femme: celui d'être disponible à la maison, et moins au travail. En effet, le travail de la femme n'est-il pas, en Belgique, qu'un travail d'appoint? La condition féminine sur le marché du travail est étroitement liée à l'ampleur du rôle que la société lui confère: la femme demeure la seule à devoir prendre en charge l'éducation de ses enfants et l'entretien du ménage. Le travail de l'homme est une obligation. Il est "choix" pour les femmes. Si elles choisissent de travailler, la femme devra continuer à assurer son rôle domestique. M. Vleminckx, dans son ouvrage "Participation des femmes au marché du travail: oui, mais pas n'importe comment! - Aperçu économique trimestriel n° 1", souligne: "le travail des femmes est considéré par beaucoup, hommes et femmes, comme un travail d'appoint (appoint en cas de pénurie de main-d'oeuvre, appoint quand le mari est au chômage, appoint dans la cause à l'équipement matériel du ménage). L'idée que le travail constitue un besoin et un droit universel pour les femmes n'est pas encore acquise." Voilà donc en quoi consiste l'inégalité fondamentale entre le travail des hommes et celui des femmes. "Vous voulez travaillez?" s'interroge depuis longtemps la société, comme si ce droit au travail n'était pas légitime pour les femmes. "Bon, très bien, répond-elle à toutes celles qui veulent leur indépendance, mais débrouillez-vous! Tirez votre plan pour assurer à la fois le boulot, l'éducation des enfants, et les tâches ménagères!" Comme elle ne pousse pas les hommes à évoluer, à changer, elle n'encourage pas toujours les parents à conduire les enfants dans les services de garde. En Hollande, par exemple, on accepte mal que les enfants soient gardés par des services d'accueil: les effets de telles organisations sur le bien-être psychologique des enfants sont beaucoup discutés aux Pays-Bas. Face à ces schémas imposés (les mamans peuvent travailler mais DOIVENT faire le ménage, tandis que les papas n'ont pas à se soucier des tâches familiales et domestiques), les filles sont incitées à s'orienter vers des filières qui mènent à des emplois leur permettant davantage de disponibilité pour les enfants et le travail ménager, comme le commerce, les services, la santé, l'administration, l'enseignement. La procréation continue donc à influencer très fortement l'orientation scolaire et le choix de la profession. Elle provoque toujours une discrimination. Comme l'écrit Béatrice Majnoni d'Intignano dans "Femmes, si vous saviez...", "les filles intériorisent, avec un réalisme précoce et par une sage auto-sélection, leur futur compromis de femme: vie de famille et vie professionnelle. Elles renoncent aux filières les plus prestigieuses, trop gourmandes en temps." L'auteur ajoute également: "Leur choix renforce la concentration des hommes dans l'industrie et les femmes dans l'éducation et l'administration. Il accentue la division de la société et l'éloignement des hommes de la vie familiale." C'est tout à fait le cas en Belgique, pourtant à l'aube du XXIe siècle...

La rémunération

Que stipule la législation?

Comme ce travail l'a déjà indiqué, le principe de "l'égalité de salaire pour un travail égal" avait été arrêté par l'article 119 du Traité de Rome, depuis mars 1957. Mais cette législation européenne en faveur de l'égalité salariale traduisait plus la crainte d'une concurrence déloyale qu'une volonté réelle de mettre fin aux inégalités de traitement entre les femmes et les hommes: voter l'égalité salariale, c'était surtout protéger le travail des hommes. En effet, à cette époque, les écarts des salaires entre les hommes et les femmes étaient extraordinairement importants dans certains états de l'Union Européenne.

En Belgique, il a fallu attendre la loi du 4 août 1978 pour que ces directives de la CEE soient transposées dans la législation belge. Bien que tous les aspects du travail y soient abordés, les négociations salariales relèvent de la concertation sociale. De cette manière, les partenaires sociaux ont repris le principe de l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale dans la convention collective de travail n° 25, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 9 décembre 1975. Néanmoins, cette convention collective de travail n'a pas apporté de solution au problème de la discrimination dans les systèmes d'évaluation des fonctions utilisés, et aucune étude ne s'est penchée sur cette question. Par cet "oubli", cette convention collective de travail a laissé la porte ouverte à des pratiques discriminatoires.

Dans la pratique

La discrimination est évidemment interdite par la loi. Cependant, les écarts des salaires existe toujours. Dans l'industrie belge, les femmes ne perçoivent encore que 67 à 75 % des salaires de leurs collègues masculins. Dans le secteur des services, elles perçoivent entre 70 et 80 % des salaires de leurs collègues masculins.

Toutefois, certains progrès ont été enregistrés depuis 1978. Par ailleurs, les salaires des ouvrières et ceux des employées augmentent plus rapidement que ceux des ouvriers et des employés dans le secteur de l'industrie. Mais les femmes demeurent toujours moins payée que les hommes: il ne s'agit que d'un mouvement de rattrapage!

Comment expliquer ces inégalités salariales?

Une partie des écarts de salaires peuvent être expliqués de manière objective. D'abord par le modèle de carrière différent pour les hommes et pour les femmes: les femmes travaillent davantage à temps partiel, alternent plus souvent des périodes d'activité avec des périodes d'inactivité, passent plus souvent d'un emploi à temps plein à un emploi à temps partiel, et vice versa.

Ensuite par le phénomène de la ségrégation: les femmes travaillent dans un nombre limité de secteurs, et dans des secteurs où sont pratiqués de bas salaires.

Malgré tout, ces faits objectifs ne parviennent pas à expliquer tous les écarts de salaires. Même dans les cas où les hommes et les femmes ont une formation similaire et une ancienneté aussi grandes dans les mêmes fonctions, des différences sont encore relevées: elles ne peuvent être que le fruit de la discrimination. D'où l'intérêt pour la formation du salaire, dans laquelle la classification (ou l'évaluation) des fonctions joue un rôle important.

Mais avant de nous attarder plus longuement sur la classification ou l'évaluation des fonctions, base de la rétribution, passons en revue les différentes théories qui expliquent elles aussi l'existence des écarts de salaires entre les hommes et les femmes.

D'abord, nous distinguons la théorie du "human capital", selon laquelle les écarts de salaires entre les femmes et les hommes sont la conséquence des différences de formation, d'expérience et d'ancienneté. Les femmes investiraient moins dans la formation car leur participation au processus du travail est moins intensive. Néanmoins, des études belges et étrangères révèlent que cette théorie ne fournit qu'une explication très fragmentaire. En effet, le degré de formation des femmes s'est considérablement élevé et le niveau de leur expérience professionnelle se rapproche de plus en plus de celui des hommes. Malgré cela, les écarts de salaires moyens restent constants.

Ensuite, des explications sociologiques avancent que le marché du travail discriminé est le grand responsable des écarts de salaires. En d'autres termes, les hommes et les femmes travaillent dans des parties du marché différentes. A ce propos, il convient d'opérer une distinction entre "ségrégation horizontale" et "ségrégation verticale".

D'une part, on parle de "discrimination horizontale" dans le sens où les femmes se concentrent dans les soins de santé, l'enseignement, la distribution, le nettoyage, alors que les hommes prédominent dans d'autres branches d'activité et professions (ou fonctions). Elles travaillent dans des branches d'activité mal rémunérées. Leur rémunération reste donc, en moyenne, inférieure à celle des hommes.

D'autre part, on entend par "ségrégation verticale" le fait que les hommes et les femmes se situent à des niveaux de fonction différents.

 

Un lien existe entre ces deux types de ségrégations. Le niveau de fonction moyen des professions traditionnellement féminines est inférieur à celui des professions traditionnellement masculines, et le pourcentage de femmes occupant des fonctions bien rémunérées est très faible.

En outre, on distingue une théorie très proche de celle du "marché du travail discriminé": la théorie du double marché du travail, qui divise le marché du travail en plusieurs compartiments. Cette théorie distingue deux segments séparés par des frontières structurelles. Dans le segment supérieur, les emplois se caractérisent par la sécurité d'emploi, des salaires élevés, et des possibilités de promotion. Le segment inférieur (ou secondaire), en revanche, regroupe des emplois où il n'y a ni sécurité d'emploi, ni salaires élevés, ni possibilité de promotion.

Cette "structure duale" traverse les fonctions et le groupe de travailleurs. Or, les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes dans le segment secondaire du marché du travail.

On distingue également la théorie du "crowding effect": celle-ci explique la baisse des salaires par le fait que trop de femmes se présentent pour un nombre peu important d'emplois. Ceci correspond au phénomène que les femmes se retrouvent dans un nombre limité de secteurs et de fonctions.

 

La discrimination fondée sur le sexe dans l'évaluation des fonctions

Enfin, les écarts de salaires peuvent s'expliquer par la discrimination commise dans l'évaluation (ou la classification) des fonctions. Cette théorie stipule qu'une évaluation plus faible serait donnée aux fonctions essentiellement "féminines". Cette évaluation plus faible provient du fait que l'on a longtemps estimé (et que l'on estime parfois encore) le travail rémunéré de la femme comme un salaire d'appoint. De cette manière, son travail ne doit pas être rétribué de la même façon que celui de l'homme.

Selon ce raisonnement, la rétribution ne tient donc pas compte du travail effectué, mais de celui qui l'exécute. Les systèmes d'évaluation des fonctions ne sont donc pas sexuellement neutres.

Il convient de distinguer deux types de discrimination fondée sur le sexe. Tout d'abord, on distingue la discrimination directe: dans ce cas, la personne est traitée différemment parce qu'elle est un homme ou une femme. Pour illustrer ce cas, on peut citer un exemple connu, d'ailleurs réprimé par la loi: une offre d'emploi stipule que seuls les candidats masculins entrent en ligne de compte.

Ensuite, on distingue la discrimination indirecte, beaucoup plus subtile que la première. En effet, il existe dans ce cas des mécanismes cachés qui entraînent des avantages ou des inconvénients selon le sexe. On parle par exemple de discrimination indirecte le fait qu'une entreprise offre des possibilités de formation uniquement aux travailleurs à temps plein, alors que les travailleurs à temps partiel sont presque exclusivement des femmes.

Au niveau de l'évaluation des fonctions, la discrimination directe fondée sur le sexe est facile à décrire: les fonctions où prédominent les femmes sont moins bien évaluées que les fonctions occupées surtout par les hommes. Néanmoins, la discrimination indirecte est aussi plus complexe au niveau de la classification des fonctions: ici, ce sont les préjugés et les stéréotypes qui constituent les mécanismes cachés faussant l'évaluation.

Quelques exemples de préjugés et stéréotypes faussant l'évaluation

Dans les fonctions typiquement masculines, les efforts physiques vont entrer en ligne de compte plus aisément que dans le cas des fonctions féminines. Pour un ouvrier dans le secteur du bâtiment, on reconnaîtra immédiatement qu'il effectue un travail physiquement lourd. Toutefois, on perdra parfois de vue qu'une infirmière est souvent amenée à déployer une grande force physique pour soulever des patients. Les hommes, en effet, ne sont pas les seuls à exercer des emplois où la force physique est exigée: dans le rapport d'activités 1996 - 1997 de la Cellule Actions Positives du Ministère belge de l'Emploi et du Travail, une enquête réalisée auprès du personnel d'une maison de repos et de soins révèle le problème des douleurs de dos dont souffraient les travailleuses. Ce problème provenait justement du fait que les travailleuses devaient soulever plusieurs fois par jour des personnes n'ayant plus aucune force. Certaines d'entre elles étaient tellement épuisées qu'elles avaient été obligées de demander une interruption de carrière ou un horaire à temps partiel, ce qui diminuait davantage leur salaire déjà si faible!

Les fonctions féminines sont aussi évaluées plus faiblement pour d'autres raisons. Les critères propres aux fonctions masculines, comme la responsabilité, le pouvoir de décision, la formation, etc., obtiennent facilement des scores plus élevés que les aptitudes à la communication, l'empathie, la précision et la dextérité, qui sont, quant à elles, des aptitudes typiques des fonctions féminines. Sans doute est-ce pour cette raison que les salaires sont si bas dans les maisons de retraite (dont le personnel est essentiellement composé de femmes!). En effet, l'enquête précitée révélait également que la majorité du personnel de la maison de repos et de soins se composait de personnes d'un certain âge, ayant suivi une formation où l'accent était surtout mis sur... l'aspect relationnel de la profession. Ceci est un exemple évident que l'aptitude à la communication, à la sociabilité n'est pas une aptitude entraînant une rémunération élevée.

Mais pourquoi les aptitudes typiques des fonctions féminines obtiennent-elles des scores plus bas que les aptitudes typiques des fonctions masculines? Parce que l'on considère que ces aptitudes sont inhérentes (voire innées) aux femmes: elles ne doivent donc pas être évaluées comme des caractéristiques requises pour une fonction.

Tous ces préjugés et ces stéréotypes peuvent exercer une influence sur le choix, la description et l'interprétation des critères sur lesquels repose l'évaluation de fonctions. De cette manière, une femme et un homme peuvent être rétribués de façon inégale même s'ils exercent un travail de valeur égale, ou occupent une fonction identique.

Les préjugés et les stéréotypes influencent les critères sur lesquels reposent la classification ou évaluation des fonctions qui détermine la formation du salaire.

La durée du travail

Les femmes travaillent moins que les hommes. En 1995, les hommes belges prestaient habituellement 38,8 heures par semaine dans le secteur de l'industrie. Les femmes de ce secteur, quant à elle, prestaient habituellement 35,9 heures par semaine. Dans le secteur des services, la durée du travail habituelle des hommes s'élevaient à 38 heures par semaine, celle des femmes à 31,3 heures par semaine. Les hommes belges travaillent donc souvent plus longtemps que les femmes. Leur durée du travail diminuent sensiblement: alors qu'ils étaient, en 1988, 43,9 % à travailler 37 - 38 heures par semaine, ils étaient, en 1996, 42,9 % à travailler tout autant. Ils sont sensiblement plus nombreux à travailler 11 - 20 heures, 31 - 32 heures, 35 - 36 heures. Selon le rapport d'évaluation 1997 du Ministère belge de l'Emploi et du Travail, "cela indique probablement une plus grande flexibilité". Les femmes, par contre, présentent une tendance plus nette à la réduction du temps de travail. Elles sont moins nombreuses qu'autrefois à travailler 37 - 38 heures, 39 - 40 heures, 41 heures et plus par semaine. Toutefois, elles sont plus nombreuses à travailler 11 - 20 heures, 21 - 30 heures, 31 - 32 heures et 33 - 34 heures par semaine.

Tableau 4 - Nombre moyen d'heures prestées habituellement par semaine par groupe professionnel

Travailleurs à temps plein - Salariés

Source: EUROSTAT in MET, La politique fédérale de l'emploi - Rapport d'évaluation 1997, Bruxelles, 1997, p. 60.

Enfin, elles sont deux fois moins nombreuses que les hommes à travailler plus de 39 heures par semaine. Lorsqu'on compare la durée de travail hebdomadaire habituelle des femmes et des hommes avec le nombre moyen d'heures prestées habituellement par semaine par les différents groupes professionnels, on s'aperçoit que les femmes sont (au moins!) deux fois moins nombreuses que les hommes à exercer une fonction de dirigeant ou de cadre supérieur. En effet, le nombre moyen d'heures prestées habituellement par semaine par ce groupe professionnel s'élève à 40,6 heures. Or, 22 % des hommes en 1995 travaillaient 39 - 40 h/semaine, contre 11,8 des femmes; 14,6 des hommes travaillaient 41 h et +/semaine, contre 7,9 % des femmes.

Répartition de la durée du travail hebdomadaire habituelle

Emploi à temps plein et à temps partiel - En % de l'emploi total - 1996

Source: EUROSTAT, in MET, La politique fédérale de l'emploi - Rapport d'évaluation 1997, Bruxelles, 1997, p. 61.

Les graphiques ci-dessus montrent que les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à travailler moins de 30 heures par semaine. Les femmes sont donc bel et bien les plus concernées par le temps partiel; ce thème sera développé en détails ci-après.

Le temps partiel

En 1994, 28,3 % des femmes travaillaient à temps partiel en Belgique, et 88 % des travailleurs à mi-temps étaient des femmes. Le pourcentage augmentait encore en 1995: 29,8 % des femmes travaillaient alors à mi-temps, alors que les hommes n'était que 2,8 % à avoir un part-time. Néanmoins, il est vrai que le pourcentage augmente aussi pour les hommes, mais toujours dans des proportions moindres.

Le tableau ci-dessous montre en effet que le temps partiel a connu une augmentation constante, tant pour les femmes que pour les hommes belges. En 1975, le temps partiel ne concernait pourtant que 200 000 personnes.

Tableau 5 - Le temps partiel (chiffres absolus)

BAUS (Monique), Hommes-femmes, in La Libre Belgique, supplément "Tremplin pour l'emploi, le journal de l'opération", n° 31, 7 octobre 1997, p. 10.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le temps partiel est plus développé dans le secteur privé que dans le secteur public. Le rapport d'évaluation 1997 du Ministère belge de l'Emploi et du Travail fournit les pourcentages suivants: le taux de travail à temps partiel dans le secteur privé s'élève à 16,3 % et à14,8 % dans le secteur public. Le taux de femmes dans le travail à temps partiel demeure très élevé dans les deux secteurs, mais celui du secteur public est plus faible que celui du secteur privé: en 1996, 28,8 % des femmes belges du secteur public travaillaient à temps partiel, contre 36,2 % dans le secteur privé.

Comme il est réparti de façon inégale entre les femmes et les hommes, le temps partiel est réparti de façon tout aussi inégale entre les secteurs d'activités. En réalité, il frappe davantage les secteurs dits "féminins" que les autres secteurs. Les taux d'activité à temps partiel les plus élevés sont donc ceux du secteur tertiaire, un secteur typiquement féminin. D'abord, on distingue le secteur horeca où plus de la moitié des femmes et un tiers des hommes sont occupés à temps partiel. Mais excepté le secteur horeca, il n'y a aucun secteur où le taux de travail à temps partiel masculin s'élève à plus de 5 %. Ensuite, les femmes atteignent des pourcentages dépassant les 30 % dans les secteurs du commerce de gros et de détail, les services publics (enseignement et soins de santé), et dans les banques et assurances. Toutefois, ces pourcentages ne se rapportent qu'aux secteurs dans leur ensemble. Dès lors, lorsqu'on divise les secteurs en sous-secteurs, on obtient pour les femmes un taux de +/- 60 % dans les sous-secteurs suivants: hôtels et restaurants, commerce de détail et enseignement.

Dès lors, faut-il parler d'un processus d'exclusion des femmes du marché du travail? "Les femmes ont toujours travailler" déclarait Adida Vanheerswinghels, chercheuse à l'ULB . "La différence aujourd'hui, c'est qu'elles se maintiennent sur le marché du travail". D'une part, on peut comprendre que le temps partiel soit très présent dans le secteur du nettoyage, de l'hôtellerie et de la restauration, et celui de la santé: les tâches qui y sont effectuées sont souvent trop pénibles, tant physiquement que mentalement pour y être exercées à temps plein. Néanmoins, la main-d'oeuvre à temps partiel est surtout une main-d'oeuvre très flexible. Il arrive donc parfois qu'une travailleuse à temps partiel occupée dans la restauration ait par exemple deux journées de sept heures, une journée de quatre heures et bénéficie de deux journées de récupération la même semaine (ou bien endéans les semaines suivantes!). Bien qu'elle exécute des travaux pénibles, elle est donc parfois amenée à travailler une journée complète. L'argument selon lequel on développe le temps partiel là où les travaux sont pénibles n'est donc pas fondé: l'employeur, disposant d'une main-d'oeuvre flexible, en fait ce qu'il veut.

D'autre part, il y a, comme le disait A. Vanheerswynghels, une volonté de la part du gouvernement belge de résorber le chômage. Le revenu des femmes n'étant qu'un revenu d'appoint, et un peu plus de la moitié des chômeurs étant des femmes, il semble que les "petits boulots", les "demi-emplois", proposés par les gouvernements successifs pour diminuer les chiffres du chômage, et répondre à la demande de flexibilité du travail formulée par les entreprises, visent, essentiellement, les FEMMES.

Evolution du temps partiel

Tout se passe comme si le patronat et les politiques tenaient aux femmes le discours suivant: "il n'y a pas de travail pour tout le monde, il faut donc le partager. Nous n'avons plus d'emplois à temps plein à vous offrir; il faut donc vous contenter d'emplois à temps partiel (ou pas d'emploi du tout: retournez donc au foyer!)". Toutefois, ce genre de discours est bien souvent tenu par des intellectuels, des sociologues qui ont un emploi à temps plein et à durée indéterminée. Dans ces circonstances, il est facile de parler de l'emploi des autres, quand on ne parle pas du sien...

De 1961 à 1974

En 1961, les femmes belges ne sont que 5,6 % à travailler à mi-temps. Au milieu des années 70, les femmes continuent d'être sollicitées par les entreprises. Comme durant toute période de plein emploi, les employeurs veulent à cette époque attirer les femmes restées au foyer afin de s'adjoindre une main-d'oeuvre supplémentaire. Mais le temps partiel commence ensuite à se développer: de plus en plus, le "part-time" occupe des femmes, et se développe dans des secteurs déjà féminisés. Les femmes qui travaillent à mi-temps sont alors essentiellement employées dans le secteur tertiaire: caissières, femmes de ménage, enseignants, employées de bureau. En 1974, dans le secteur des grands magasins, un tiers des effectifs sont des travailleurs à temps partiel.

En outre, on constate que dans les secteurs féminisés, le patronat utilise de plus en plus souvent une main-d'oeuvre au rabais, sans stabilité d'emploi, pouvant être embauchée ou renvoyée selon les chiffres d'affaires et les commandes de l'entreprise.

 

De 1974 à aujourd'hui

La crise économique ne cesse de s'approfondir. Comme dans les années 30, les femmes sont de plus en plus considérées comme une main-d'oeuvre de réserve. Dès lors, on remet l'accent, dès les années 80, sur le rôle de la femme au foyer. Ainsi, le travail à temps partiel est promotionné comme un moyen idéal pour concilier vie professionnelle et vie familiale. Mais persuader les femmes de la priorité de leur responsabilité familiale ne devient-il pas dès lors un moyen d'obtenir une main-d'oeuvre plus flexible?

 

Patronat et gouvernement, main dans la main pour le temps partiel

Le temps partiel a toujours été une initiative du patronat, que ce soit en période de plein emploi (le temps partiel sert dans ce cas à attirer sur le marché du travail une nouvelle main-d'oeuvre) ou en période de crise (le temps partiel se substitue alors au temps plein). Néanmoins, pour que le temps partiel ait pu se développer avec une telle ampleur, il a fallu qu'un cadre légal le soutienne.

En 1977, la FEB (Fédération des Entreprises Belges) s'oppose à la réduction du temps de travail légal qui entraînerait, selon elle, une augmentation des coûts salariaux et une perte de rentabilité. Elle se prononce plutôt pour le développement du travail à temps partiel, soi-disant pour créer des emplois, et répondre aux aspirations des femmes. De toute évidence, ces arguments sont faux. D'abord, le rôle des entreprises n'est pas de créer des emplois; prétendre le contraire serait avancer que les entreprises sont charitables. Les entreprises existent pour créer des bénéfices, pas pour oeuvrer socialement. En outre, est-il possible de croire en la charité des riches? Ensuite, les entreprises se préoccupent plus souvent des tendances du marché que du bien-être ou des aspirations des travailleurs (elles ne s'en soucient que dans la mesure où cela est rentable). Dans le cas du travail à temps partiel, c'est plus le besoin de flexibilité du travail que les aspirations des travailleurs qui motivent les employeurs à développer cette forme d'emplois. En effet, il faut, pour être concurrentiel, s'adapter sans cesse au marché, caractérisé par la mondialisation. Bref, la FEB se positionne en faveur du temps partiel pour ne pas accroître les coûts des entreprises.

Par la suite, les gouvernements appuieront cette position, et en 1979, la FEB et le gouvernement belges soutiennent que certaines catégories de la population aspirent au travail à temps partiel. Toutefois, les sondages révèlent que les travailleurs veulent une réduction générale du temps de travail.

Les syndicats, bien qu'ils affirment leur opposition de principe, se laissent convaincre: ils parlent "d'adapter la législation pour que les travailleurs à temps partiel soient, toutes proportions gardées, sur pied d'égalité avec les travailleurs à temps plein" . C'est donc dans ce contexte qu'une loi et un arrêté royal belges sont promulgués en 1981 concernant l'ajustement du droit au travail à temps partiel.

Dans les services publics aussi, l'emploi à temps partiel est encouragé: il s'est notamment répandu dans ce secteur par l'embauche de temporaires à temps partiel et par l'introduction des pauses-carrière à mi-temps. De telles embauches permettent de cacher la perte réelle d'emplois à temps plein.

Pour répondre à la demande des employeurs, des incitants financiers et sociaux se multiplient en Belgique, afin que les travailleurs acceptent ou soient contraints d'accepter un travail à temps partiel:

- la couverture sociale des travailleurs à temps partiel est améliorée en matière d'allocations familiales et d'assurance-maladie invalidité;

- des allocations de chômage (réduites) sont octroyées aux travailleurs à temps partiel "volontaires" qui perdent leur emploi.

Toutefois, malgré ces incitants, les femmes manifestent peu d'enthousiasme pour le travail à temps partiel. Le gouvernement belge met alors en place, en 1981, un système de travail à temps partiel "forcé": les demandeurs d'emploi inscrits sont obligés d'accepter un travail à temps partiel considéré comme "involontaire" et reçoivent une indemnité complémentaire de chômage lorsqu'ils ne dépassent pas un salaire de référence.

Ce type de contrat (revenu du temps partiel + indemnité) s'est généralisé et a entraîné une diminution des offres à temps plein. De cette manière, en 1992, 199 000 personnes étaient des travailleurs à temps partiel "involontaire". Il est compréhensible que 85 % de ces personnes étaient des femmes: le temps partiel se développant dans les secteurs "féminins", les femmes au chômage ont plus de chance de trouver un emploi à temps partiel qu'un homme au chômage s'orientant vers des secteurs "masculins", où le temps partiel est peu développé.

Après avoir donné, le gouvernement belge reprend

Mais peu à peu, ces avantages sociaux octroyés aux travailleuses sont supprimés. Dès 1992, les mesures régressives se multiplient. De nombreuses femmes co-habitantes travaillant involontairement à temps partiel sont exclues de chômage. De cette manière, 115 083 "travailleurs à temps partiel avec maintien des droits" (appellation qui désigne les travailleurs à temps partiel involontaire) sont recensés. Parmi ces travailleurs à temps partiel "avec maintien des droits", une partie d'entre eux reçoivent un petit supplément afin que leur revenu ne soit pas inférieur à ce qu'il serait s'ils étaient au chômage.

Toutefois, le temps partiel ne représente qu'une partie de l'offensive contre le droit au travail salarié des femmes. D'autres mesures ont entraîné la dégradation de leur situation économique, comme les exclusions du droit aux allocations de chômage pour chômage de longue durée des travailleuses co-habitantes. En perdant leurs droits individuels à la sécurité sociale, ces femmes dépendent, comme les femmes au foyer, de leur conjoint.

Le temps partiel: les inconvénients (pour les travailleurs) sont plus forts que les avantages

Une brochure éditée par le Ministère belge de l'Emploi et du Travail, intitulée "Temps partiel: les avantages sont plus forts que les inconvénients", cherche à convaincre les travailleurs d'accepter le temps partiel comme un bénéfice pour eux-mêmes.

En réalité, ce sont plutôt les gouvernements et les entreprises qui en retirent des avantages. Et les inconvénients pour les travailleurs sont souvent plus forts que les avantages.

Voyons d'abord ce que le gouvernement belge en a retiré comme bénéfice. Premièrement, il est évident que le temps partiel permet de masquer l'ampleur réelle du chômage: en effet, c'est le nombre de chômeurs complètement indemnisés qui est publié et médiatisé. Deuxièmement, cette politique permet aussi de renvoyer les femmes partiellement ou totalement au foyer (il y a ainsi moins de chômage), d'économiser dans le domaine de la sécurité sociale (exclusion du chômage, suppression des compléments de chômage entraînant la suppression, pour la pension, des périodes assimilées au temps plein), et même de réduire les dépenses en matière d'équipements collectifs comme les crèches, les garderies, ...

Ensuite, le développement du temps partiel obéit surtout à une logique du marché (et non à une demande des salariées). Pour les entreprises, le temps partiel permet de disposer d'une main-d'oeuvre flexible de réserve.

 

Les sous-emplois offerts par les Agences Locales pour l'Emploi

Les entreprises bénéficient de certains avantages lorsqu'elles emploient des chômeurs. Ces avantages proviennent d'une mesure prise par le gouvernement belge, dite "d'activation des allocations de chômage". Concernant principalement les chômeurs de longue durée, les chômeurs peu qualifiés et les mini-mexés, elle permet à ces personnes d'être engagées, via des ALE (Agences Locales pour l'Emploi), par des entreprises pour des fonctions qui ne sont généralement pas ou plus exercées (exemple: emballeur aux caisses, livreur à domicile, surveillance de parking, ...). Mais les particuliers peuvent également recourir à cette mesure: de cette manière, 76,9 % des employeurs via les ALE étaient, en 1996, des personnes physiques. La même année, 54,01 % des activités prestées concernait l'aide à domicile de nature ménagère, 3,84 % l'entretien du jardin, 1,10 % l'accompagnement d'enfants et de malades, 0,07 % des formalités administratives et 40,98 % des activités mixtes.

Dans le cadre de cette mesure, il est plus avantageux pour l'entreprise de prendre deux mi-temps au lieu d'un temps plein: en plus d'une exonération des cotisations patronales à la sécurité sociale, il bénéficie d'une prime s'élevant à 17 500 BEF (soit 433, 81 euros) par mois pour un temps partiel et à 22 000 BEF (soit 545,37 euros) par mois pour un 4/5. S'il prenait un temps plein, l'employeur ne recevrait qu'une prime de 22 000 BEF (somme inférieure à 2 X 17 500 BEF). De plus, les entreprises ne sont pas obligées de former ces chômeurs engagés, ni de les engager définitivement au terme de 3 ans.

Or, 82,5 % des personnes qui prestaient des activités en ALE étaient, en 1996, des femmes. La même année, ces travailleurs prestaient en moyenne 24,5 heures par mois. En effet, le chômeur ne peut, selon la réglementation, travailler plus de 45 heures par mois. Même si la valeur des chèques-ALE varient de 200 à 300 BEF (soit de 4,96 à 7,44 euros), le chômeur ne perçoit que 150 BEF (soit 3,72 euros).

Cette mesure a été introduite en 1987, afin de "satisfaire", selon le rapport d'évaluation 1997 du Ministère de l'Emploi et du Travail, "la demande d'emploi de la part des chômeurs de longue durée et des mini-mexés (...)". Rappelons que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à rester au chômage plus de deux ans.

Tableau 6 - Chômeurs complets indemnisés demandeurs d'emploi et suspendus pour durée anormalement longue du chômage par sexe et par année

Source: ONEM, cité par MET, La politique fédérale de l'emploi - Rapport d'activités 1997, Bruxelles, 1997, p. 93.

On peut comprendre que les organisations de travailleurs belges ne soient pas entièrement satisfaites du système. Comme on l'imagine, un emploi dans le système ALE peut difficilement être considéré comme un emploi à part entière. En outre, les organisations des travailleurs craignent la création d'un marché du travail à deux vitesses. D'une part, on crée pour une partie de la population active des emplois fixes, réguliers et stables, qui relèvent des systèmes de négociation existants, pour lesquels des conventions collectives de travail fixent les conditions de travail et de rémunération: la protection du travailleur est ainsi garantie. Or, quelle partie de la population active peut compter obtenir de tels emplois, si les emplois précaires frappent surtout les femmes? Les femmes sont trop nombreuses à travailler à temps partiel, et trop nombreuses aussi à prester des activités en ALE. D'autre part, les systèmes ALE sont des circuits qui échappent au système de concertation, où on travaille à des tarifs minimums et où il n'y a pas de perspective d'augmentation salariale et de promotion.

Bien sûr, la mesure dite "d'activation des allocations de chômage" est une mesure prise pour tous les chômeurs de longue durée, qu'ils soient hommes ou femmes. Mais elle concerne surtout les femmes, vu que ce sont elles qui constituent la majorité des chômeurs de longue durée.

Tableau 7 - Répartition par sexe des travailleurs prestant des activités en ALE - Avril 1997

Source: ONEM cité par MET, op. cit, p. 166.

Il existe, au niveau du temps partiel, d'autres avantages pour les entreprises, autres que ceux formulés par le cadre juridique de la mesure "d'activation des allocations de chômage". Dans les grands magasins par exemple, la productivité des travailleurs à temps partiel aux heures de pointe est très élevée, pour un coût salarial moindre. De plus, les heures complémentaires des travailleurs à mi-temps (fréquemment exigées dans les grands magasins en période des fêtes) sont payées au tarif ordinaire (alors que les heures supplémentaires des travailleurs à temps plein sont surpayées). Le travail à temps partiel peut même être réduit à une demi-journée par semaine!

Toujours en ce qui concerne les grandes surfaces, la majorité des femmes doivent être disponibles de 9 à 20 h. Ainsi, même si elles ne sont payées que 4 heures par jour, l'employeur se réserve une tranche de disponibilité dont il ne paye que 4 heures. Pour cette raison, certains employeurs interdisent à leurs travailleurs à mi-temps d'avoir un autre travail. Enfin, une présence moins longue sur les lieux de travail entraîne aussi moins d'exigences pour les conditions de travail (et donc moins de mobilisation syndicale), et surtout une division parmi les travailleurs.

Inconvénients pour le-la travailleur-se à temps partiel

Il est facile de comprendre combien l'emploi à temps partiel va contribuer à dessiner les frontières de la segmentation sociale et de stratification professionnelle: le fait d'être à temps plein ou à temps partiel discrimine, distingue, classe les salariés.

D'abord, les emplois à temps partiel sont souvent occupés par des femmes peu qualifiées (caissières, femmes de ménage). Mais quelle autre perspective peuvent espérer les femmes peu qualifiées? Les postes à leur niveau se sont raréfiés ou sont monopolisés par des personnes surqualifiées. Il ne reste donc plus que le chômage ou les "petits boulots". Ces petits boulots sont, comme on l'a vu, parfois offerts par les ALE. Or, même si ce type d'emplois permet aux chômeurs de sortir de leur isolement, ils ne leur apportent pas de solutions durables.

Quoiqu'il en soit, qu'il s'agisse d'emploi via les ALE ou d'autres emplois, les emplois à temps partiel sont souvent caractérisé par:

- la précarité, vu les conditions de travail, le type d'emploi et le contrat de travail (alors qu'un temps plein favorise la stabilité de l'emploi);

- la non qualification, vu que les emplois à temps partiel sont souvent occupés par des travailleurs peu qualifiés, que la flexibilité du temps partiel (lorsqu'il est couplé avec le travail intérimaire) est telle qu'il est souvent impossible aux travailleurs de suivre régulièrement des cours ou des formations professionnelles, et que les employeurs ne sont pas obligés de former les travailleurs prestant des activités en ALE;

- le faible revenu (alors que le travailleur à temps plein est mieux payé et reçoit des primes).

Rappelons également que les travailleurs à temps partiel reçoivent des prestations sociales réduites en matière de chômage et de pension.

La possibilité d'accéder à un poste à responsabilité ou de bénéficier d'une promotion est également exclue. Bien entendu, les peu qualifiées n'ont pas de chances, dès le départ, d'accéder à des postes de direction: de telles postes exigent aujourd'hui des qualifications très élevées. Néanmoins, si toutes les femmes, même très qualifiées (graduées ou universitaires) prenaient un temps partiel sous prétexte d'élever leurs enfants, elles n'auraient pas, même qualifiées, de chances égales aux hommes d'atteindre un poste à responsabilités. A mon sens, ce qu'il faut craindre, c'est le développement excessif du temps partiel; s'il se développe davantage, il ne concernera plus essentiellement les "petits boulots", mais également les postes dits d'un niveau supérieur, ce qui est déjà vrai dans certains cas (exemple: employées de bureau, enseignant). Les emplois à temps partiel ne résulte pas toujours de la volonté des employeurs: certaines femmes, occupant des emplois à temps plein, introduisent une demande auprès de leur employeur afin d'obtenir un "4/5" ou un mi-temps (cas de l'interruption de carrière à temps partiel, étudié plus loin). Ce sont toujours les femmes qui font de telles demandes, rarement les hommes. A partir de ce fait, on peut mesurer tout le poids des mentalités: à la femme le devoir de s'occuper plus des enfants, à l'homme le droit de s'investir davantage dans l'entreprise, et donc de travailler plus. Comme on peut le voir, les exigences des entreprises en matière de flexibilité du travail ne suffisent pas à expliquer à elles seules le fait que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à occuper un emploi à temps partiel: les mentalités jouent un rôle important. Les deux combinés contribuent à éloigner la femme des postes de décision.

Cet inconvénient de l'emploi à temps partiel n'est pas le seul: il en existe tout une série d'autres. La publicité pour le temps partiel (notamment la brochure éditée par le MET) formule les soi-disant avantages de ce type d'emploi, alors que la réalité est souvent bien différentes.

 

* INS, Statistiques sociales, Enquêtes sur les forces de travail 1994, Bruxelles, Ministère des Affaires Economique, 1995, p. 73.

En conclusion, le temps partiel divise les femmes et les hommes, mais oriente également les moins qualifiés vers un travail de seconde zone.

En outre, le temps partiel ne résout pas la double journée de la femme (temps de travail salarié + temps de travail domestique). Le temps partiel ne lui permet pas davantage de temps libre, car la répartition des tâches entre femmes et hommes a peu changé. Et même lorsque la femme a des loisirs, ceux-ci répondent souvent au besoin impératif de disponibilité des femmes, c'est-à-dire qu'ils sont souvent compatibles avec le travail domestique: ils peuvent facilement être abandonnés et repris, exigent un minimum de matériel et de concentration (exemples: tricoter, regarder la TV). Les loisirs des hommes sont au contraire le plus souvent incompatibles avec le travail domestique (pêche, sport). C'est ainsi qu'une étude du CRIOC, publiée en 1990, faisait apparaître que les femmes travaillaient au total 33,8 % de temps de plus que les hommes.

Enfin, le travail à temps partiel ne permet pas de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Nous avons vu que les horaires pratiqués dans le cas des mi-temps étaient souvent particuliers (en raison de la flexibilité exigée par l'employeur). Or, les responsabilités familiales, assumées principalement par les femmes, exigent en réalité un temps structuré d'une manière constante et rigide. Les heures de biberon, de la maternelle, de l'école, des activités parascolaires (tennis, musique, judo, ...) déterminent pour tous les enfants et leur famille les rythmes de la vie quotidienne, la possibilité d'être et de vivre ensemble. Si les hommes acceptent plus facilement des conditions de travail flexible, c'est parce qu'ils se déchargent plus facilement que les femmes du travail familial (exigeant quant à lui de la régularité). Par contre, il est difficilement possible pour une femme (sur qui repose la plus grande partie de l'organisation familiale) de travailler subitement 10 h/jour ou 46 h/semaine pendant 12 semaines consécutives!

 

Les mesures liées à la diminution du coût de la main-d'oeuvre

Dans le rapport d'évaluation 1997 du Ministère belge de l'Emploi et du Travail, se distinguent diverses mesures visant la réduction du coût de la main-d'oeuvre:

- le Plan +1, le Plan +2, le Plan +3,

- le Plan avantage à l'embauche.

En quoi ces mesures concernent-elles les femmes? Certaines d'entre elles visent l'embauche de chômeurs complètement indemnisés par des indépendants et des sociétés: c'est le cas du Plan +1, du Plan +2, du Plan +3, ainsi que le Plan avantage à l'embauche. Or, nous avons vu qu'un nombre important chômeurs complètement indemnisés étaient des femmes.

Le Plan +1, le Plan +2, le Plan +3

Le Plan +1, le Plan +2, le Plan +3 ont pour objectif d'encourager les indépendants ou les sociétés à engager un premier, un deuxième ou un troisième membre du personnel. Un indépendant ou une société qui engage un chômeur complètement indemnisé comme premier, deuxième ou troisième travailleur, bénéficie donc d'une réduction des cotisations patronales de sécurité sociale.

C'est en vue d'encourager la croissance de l'emploi dans les PME que le Plan +2 et le Plan +3 ont été ajoutés au Plan +1. En effet, selon le rapport d'évaluation 1997 du MET, "ces mesures sont nées de la conviction que les PME peuvent apporter une contribution importante dans la création d'emploi".

Pour l'année 1996, 61 277 demandes de réduction de cotisations patronales ont été introduites. La même année, le Plan entraînait une diminution de la perception des cotisations patronales pour un montant estimé par l'ONSS à 2,17 milliards de BEF (53 792 894,88 euros).

Le Plan avantage à l'embauche

L'objectif de ce plan consiste à stimuler l'embauche de chômeurs de longue durée, ainsi que d'autres demandeurs d'emploi difficiles à placer. Comme les plans précédant, cette mesure accorde une réduction des cotisations patronales de sécurité sociale aux employeurs. Cette mesure concerne particulièrement les chômeuses puisque les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à se trouver au chômage plus de deux ans.

Toutefois, 52 % des personnes qui ont été recrutées en 1997 dans le cadre du Plan avantage à l'embauche étaient des hommes, et 48 % des femmes. Les chômeurs complètement indemnisés ou minimexés depuis 12 mois au moins représentaient 56 % des engagements, tandis que les chômeurs complètement indemnisés ou minimexés depuis 24 mois représentaient 44 % des engagements.

30 % de ces personnes engagées avaient entre 20 et 25 ans, 25 % avaient entre 25 et 30 ans. Les chômeurs de plus de 40 ans représentaient, quant à eux, 13 % de la population bénéficiaire. Comme on peut le voir, les jeunes (les moins de 30 ans) formaient le groupe bénéficiaire majoritaire, alors que cette réglementation visait la mise au travail de chômeurs de longue durée. C'est donc partiellement que cette mesure atteint l'objectif initial.

Il faut également ajouter qu'un système spécifique avait été élaboré dans le cadre du Plan avantage à l'embauche pour les entreprises d'insertion et les sociétés à finalité sociale recrutant des demandeurs d'emploi particulièrement difficiles à placer. Néanmoins, dans tous les cas, le pourcentage de la réduction des cotisations patronales est dégressif dans le temps, la durée et le montant de cette réduction variant selon la situation des demandeurs d'emploi. Enfin, la diminution de la perception des cotisations patronales entraînée par cette mesure avait été estimée, en 1996, à 3,96 milliards de BEF (98 165 835,81 euros).

L'interruption de carrière

Introduite en 1985 en Belgique, cette mesure permet aux travailleurs de suspendre leur activité professionnelle, ou de réduire leurs prestations de travail, pour n'importe quelle raison. Le travailleur qui interrompt sa carrière bénéficie d'une allocation et garde ses droits en matière de sécurité sociale. Dans le cas de la suspension, ils sont protégés contre le licenciement. Cette mesure est définie comme une mesure pour l'emploi vu que les travailleurs qui interrompent ou réduisent leurs prestations de travail doivent, à quelques exceptions près, être obligatoirement remplacés par un chômeur indemnisé.

Cette mesure s'applique tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Néanmoins, la convention collective n°56, conclue au sein du Conseil National du Travail, a prévu un droit à l'interruption de carrière pour 1 % du personnel pour les secteurs ou les entreprises où il n'existait pas de convention collective spécifique en matière d'interruption de carrière. Récemment, ce droit a été étendu à 3 % (ce droit a été appliqué dès le 1er janvier 1999).

Lorsqu'on ne tient compte que des bénéficiaires percevant effectivement des allocations d'interruption de carrière, on dénombre, pour l'année 1997, 56 149 travailleurs bénéficiaires de la mesure. Il ressort également que la proportion de femmes parmi le nombre total de bénéficiaires se situe autour des 85 %. En observant la répartition des femmes selon la catégorie d'âge, il apparaît que l'éducation des enfants constitue une des principales raisons de l'interruption de carrière.

Tableau 8 - Bénéficiaires de l'interruption de carrière par classe d'âge en décembre 1996 - %

Source: ONEM, cité par MET, op. cit, p. 96.

La majorité des bénéficiaires se situe donc dans la classe d'âge de 25 à 40 ans, âge où les femmes ont effectivement de jeunes enfants. Néanmoins, le nombre de femmes dans les catégories d'âge supérieure a fortement augmenté: cette donnée peut indiquer que les femmes plus âgées considèrent de plus en plus l'interruption de carrière comme une transition progressive vers la pension.

Les quelques 56 000 travailleurs en interruption de carrière sont presque tous remplacés par des chômeurs occupés à temps plein ou à mi-temps. En effet, une enquête réalisée par l'ONEM en 1995 a montré que l'obligation de remplacement était relativement bien respectée. Dans 83 % des cas, le remplacement s'était effectué de façon correcte.

En 1996, le coût annuel moyen d'un travailleur en interruption de carrière s'élevait à un peu plus de 143 000 BEF (soit 3 544,88 euros), alors que celui d'un chômeur était deux fois plus élevé (289 000 BEF soit7 164,12 euros). L'interruption de carrière représente donc une économie au niveau du budget de l'assurance chômage.

Toutefois, des réductions en matière de cotisations de sécurité sociale ont été décidées en 1997 pour les remplaçants du secteur privé. Auparavant déjà, lorsqu'un employeur remplaçait une personne en interruption de carrière par un chômeur qui entrait en ligne de compte du Plan d'embauche des jeunes ou du Plan avantage à l'embauche, il pouvait bénéficier d'une dispense de cotisations de sécurité sociale. Lorsqu'une dispense spécifique a été prévue dans le cadre de l'interruption de carrière, cette dispense s'est généralisée. Dès lors, même si l'Etat économise sur les allocations de chômage, il subit une perte de cotisations patronales: cette diminution de cotisations patronales porte atteinte à l'équilibre établi par le paiement des allocations d'interruption de carrière et l'économie réalisée sur les allocations de chômage.

Depuis le 1er octobre 1998, Miet Smet, la ex-Ministre de l'Emploi et du Travail, avait décidé d'accroître les incitants à l'interruption de carrière. Les raisons qui l'avaient incitée à prendre ces mesures étaient "certaines mutations sociales récentes", telles que l'augmentation des familles monoparentales, le besoin croissant de soins à octroyer aux personnes âgées, les besoins en matière de formation permanente, et bien évidemment le chômage persistant.

Depuis l'année dernière, l'indemnité mensuelle pour l'interruption de carrière a donc été portée à 20 000 BEF (soit 495,79 euros) par mois au lieu de 12 000 BEF (soit 297,47 euros) pour le congé parental de trois mois à temps plein, et celui de six mois à temps partiel. L'ex-Ministre de l'Emploi et du Travail a également élargi le droit à l'interruption de carrière à de nouvelles catégories de personnes: les travailleurs à temps partiel involontaires, les jeunes en stage d'attente, les minimexés et les intérimaires entrent désormais en ligne de compte pour le remplacement du travailleur en interruption de carrière. Et comme il est déjà indiqué ci-dessus, le droit à l'interruption de carrière a été étendu à 3 % des travailleurs (au lieu de 1 %) dans le secteur privé.

L'interruption de carrière: une affaire de femmes

Mais quel "genre" cette mesure vise-t-elle? Le genre féminin, essentiellement. Depuis sa création, les utilisateurs principaux de l'interruption de carrière sont des femmes, alors que le système avait été conçu comme une mesure sexuellement "neutre", visant autant les femmes que les hommes. Il présente certains avantages au gouvernement: ce qui est versé au bénéficiaire de l'interruption de carrière est équivalent à ce qui n'est plus payé au chômeur qui le remplace. L'interruption de carrière peut également être utilisée comme un moyen de transition vers une activité d'indépendant: de cette manière, des postes de travail se libèrent définitivement. Cette mesure peut être considérée comme une mesure de résorption du chômage: l'obligation de remplacement est, rappelons-le, largement respectée (seulement 1 % des employeurs n'avaient jamais engagé de remplaçant).

Toutefois, le système est vivement critiqué pour sa tendance à la sélectivité: la mesure n'est pas une mesure sexuellement neutre, même si du point de vue légal, il n'est fait aucune différence entre les utilisateurs potentiels en fonction de leur sexe. Dans la réalité, l'interruption de carrière n'est utilisée que par les femmes, et surtout par celles qui font partie d'un ménage disposant de revenus suffisants. En 1992, 85 % des personnes en interruption de carrière étaient des femmes, dont les 2/3 étaient âgées de 25 à 40 ans. De cette manière, la sélectivité du système ne confirmerait-il pas les femmes dans leurs rôles traditionnels? Jusqu'ici, le profil moyen du bénéficiaire de l'interruption de carrière est une femme avec des enfants vivant dans un ménage à deux revenus. Mais l'augmentation de l'indemnité mensuelle, passée de 12 à 20 000 BEF, ne vise-t-elle pas les familles à revenus plus modestes, et plus particulièrement les femmes faisant partie d'un ménage à plus faibles revenus?

L'interruption de carrière: une mesure dangeureuse

Je considère pour ma part que l'interruption de carrière est une mesure dangereuse pour les femmes. D'abord parce qu'il est toujours très difficile pour un travailleur de regagner son poste de travail après plusieurs années d'éloignement. Le Ministère de l'Emploi et du Travail réplique à ce niveau que pour pallier cet inconvénient, il encourage plutôt l'interruption de carrière à temps partiel (4/5, 1/2, 1/3, 1/4 temps). Soit. Mais que le Ministère de l'Emploi et du Travail n'aille pas jusqu'à affirmer l'aberration suivante: "on peut imaginer qu'en l'absence d'un tel système, le public visé, à savoir les femmes ayant des jeunes enfants à charge, se seraient de toute façon retirées partiellement et momentanément du marché du travail" peut-on en effet lire dans le rapport d'évaluation 1997 du MET. Or, la journaliste britannique Polly Toynbee, du Guardian, rappelle que là où le congé parental (pouvant être envisagé dans le cadre de l'interruption de carrière) n'est pas rémunéré, seules les mères percevant de très hauts revenus le prennent, jamais les mères percevant de bas revenus, jamais les pères. Dans un article consacré au congé parental, elle cite l'exemple du congé de maternité supplémentaire non rémunéré: très peu de mères anglaises en bénéficient, bien que cela fasse des années qu'il représente un droit au Royaume-Uni. Dès lors, les femmes d'aujourd'hui sont-elles prêtes à renoncer à leur autonomie financière sous prétexte qu'elles ont des enfants à élever? Voilà une curieuse manière de se figurer les femmes du XXIe siècle: si cela est vrai aujourd'hui, cela ne le sera plus demain...

En outre, un autre risque se profile à l'horizon. En effet, les incitants à l'interruption de carrière (la hausse de l'indemnité, l'élargissement de la durée pour assister un membre de la famille malade, ...) perdureront-ils? Nous avons vu qu'en ce qui concerne le temps partiel, lorsque les incitants ont commencé à bien fonctionner, les avantages sociaux octroyés aux travailleuses à temps partiel ont progressivement été supprimés. Comment ne pas imaginer le même scénario pour l'interruption de carrière? Lorsque les incitants auront bien fonctionné, le gouvernement pourrait supprimer les allocations d'interruption aux ménages percevant des revenus dits "suffisants", et maintenir ces indemnités seulement pour les personnes isolées ou les familles à un seul revenu. Dans ce sens, la mesure d'interruption de carrière, additionnée à celle entraînant la suppression des allocations de chômage pour les cohabitantes, représente un éloignement des femmes de leurs droits économiques et sociaux. Les femmes, comme les hommes, ont le droit de travailler à temps plein et de percevoir un revenu suffisant pour le maintien de leur autonomie financière.

Le congé-éducation payé

Le système belge du congé-éducation payé a pour objectif la promotion sociale des travailleurs engagés à temps plein dans le secteur privé. Il permet donc à ces travailleurs de suivre certaines formations professionnelles et/ou générales.

Selon le rapport d'évaluation 1997 du MET, "la législation escomptait que cet encouragement à suivre des cours et le relèvement du niveau d'études moyen qui en résulterait aurait un effet positif sur l'économie et un effet sur l'emploi grâce à une embauche compensatoire. Le régime du congé-éducation payé peut également constituer un outil de correction de certaines inégalités sociales pour des travailleurs qui n'ont pas pu faire des études."

Le congé-éducation permet donc au travailleur de s'absenter du travail tout en continuant de bénéficier d'une rémunération normale, comme s'il était au travail. Il va de soi que le travailleur perd son droit de congé s'il manque d'assiduité au cours. En outre, les formations professionnelles suivies doivent avoir un lien avec l'activité ou les perspectives professionnelles du travailleur. L'employeur, de son côté, est tenu de rémunérer le travailleur normalement, mais n'en supportent pas le coût puisqu'il obtient du Ministère fédéral de l'Emploi et du Travail le remboursement des rémunérations ainsi que les cotisations sociales y afférentes.

En 1994 - 1995, le nombre de bénéficiaires du congé-éducation s'élevait à 36 050. Parmi ces bénéficiaires, on comptait 11 748 ouvrier(ère)s et 24 302 employé(e)s, mais surtout 28 214 hommes, et seulement 7 836 femmes. Le congé-éducation payé est donc une mesure dont bénéficient surtout les hommes (qui représentaient dès lors 78 % des bénéficiaires en 1994 - 1995).

Selon le rapport d'évaluation 1997 du MET, l'âge des bénéficiaires varie peu d'année scolaire en année scolaire. Les travailleurs-étudiants entre 20 et 30 ans représentent la majorité des utilisateurs du congé-éducation payé. Le MET a également noté une augmentation assez significative du nombre de bénéficiaires de plus de 40 ans: ces travailleurs sont pour la plupart des travailleurs engagés dans la vie syndicale de l'entreprise, et suivent essentiellement les formations générales organisées par les organisations syndicales ou par les établissements de formation reconnues par celles-ci.

Il existe également une grande variation de demandeurs en fonction des secteurs d'activité des employeurs. Toutefois, pour l'année 1993 - 1994, plus de 30 % des fonds du congé-éducation payé étaient versés aux employeurs relevant de la commission paritaire du secteur métallurgique (un secteur essentiellement masculin).

Les cours de promotion portent en général sur des cours de langues, d'électricité, d'informatique, de secrétariat et de mécanique. Les formations sectorielles et la formation continue des Classes moyennes concernent, quant à elles, essentiellement des cours directement liés à la profession ou à l'activité de l'entreprise.

Finalement, il s'est avéré que le régime du congé-éducation payé n'était pas en soi un instrument de résorption du chômage. En effet, il y a eu peu d'embauche compensatoire pour pallier les absences des travailleurs en congé-éducation payé. En général, sauf pour certaines ASBL, toute perturbation de l'organisation du travail dans l'entreprise est évitée par la planification collective des absences. Néanmoins, le régime du congé-éducation payé peut permettre aux travailleurs peu scolarisés de garder leur emploi par l'obtention d'une qualification acquise aux cours du soir. Il peut également permettre à certains travailleurs menacés par la fermeture de leur entreprise de retrouver un emploi dans un autre secteur d'activités grâce à leurs nouvelles qualifications, ou encore d'exercer une activité indépendante.

Bref, le congé-éducation payé profite surtout aux hommes dont les emplois ou les secteurs d'activités sont menacés; il contribue essentiellement à maintenir l'emploi des hommes. Cette mesure est bel et bien discriminatoire: elle ne s'adresse en effet qu'aux travailleurs à temps plein. Or, la majorité des travailleurs à temps partiel sont des femmes. Il faudrait donc, pour que la mesure soit plus égalitaire, sexuellement neutre, qu'elle s'adresse également aux travailleurs à temps partiel.

L'accès des femmes aux postes de direction

Les syndicats: "des appareils monopolisés par les mâles d'âge mur"

Un article du quotidien belge Le Soir, paru le 30 novembre 1998, nous donne un bref aperçu sur l'évolution de la CSC (Confédération des Syndicats Chrétiens): "La CSC se féminise et se rajeunit. Pour se donner du punch, elle ouvre à la base un appareil monopolisé par les mâles d'âge mûr. Tous les quatre ans, la CSC tient congrès pour moduler sa ligne, ressouder ses composantes, se redonner du punch. (...) La semaine dernière, il a planché sur le syndicalisme de base, base du syndicalisme. (...) La base a gagné: désormais les militants devront composer au moins la moitié des instances (congrès, conseil général, comités régionaux, etc.) (...) A terme, le "la" syndical-e ne sera plus donné par l'archétype de l'ouvrier ou de l'employé masculin, d'âge moyen. Les femmes, les jeunes, les sans-emploi et les immigrés devront être mieux représentés dans chaque instance."

Comme on le voit, les dirigeants syndicaux belges sont encore presque exclusivement masculins. Une étude conduite en 1993 par deux chercheuses de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), Mary Braithwort et Catherine Byrne (avec la contribution du Réseau Européen d'Expertes "Les femmes dans la prise de décision"), a montré que la participation des femmes à la prise de décision au sein des structures et organes syndicaux demeure insuffisante, tant au niveau national qu'européen. Le niveau de représentation des femmes est particulièrement faible aux plus hauts échelons de la hiérarchie syndicale: ce sont essentiellement les hommes qui occupent les postes de dirigeants à plein temps, en tant que délégués aux congrès, au sein des comités exécutifs, des comités chargés des négociations collectives et des autres comités permanents, d'orientation ou consultatifs les plus influents. De cette manière, il est rare de trouver au sein d'une structure de prise de décision un nombre d'hommes et de femmes avoisinant la proportion parmi les adhérents. Ce manque féminin au sein des postes-clefs de la vie syndicale s'explique probablement par l'absence quasi-totale de politiques, de stratégies, ou d'objectifs visant à garantir une représentation adéquate des femmes dans les négociations collectives: en Europe en effet, les organisations syndicales ne sont pas toujours dotées d'un système assurant la représentation des femmes. En outre, en menant cette étude, les deux chercheuses se sont heurtées à la difficulté d'obtenir des informations sur la participation des femmes dans les groupes chargés des négociations collectives. Pour cette raison, le pourcentage de femmes parmi les membres de la FGTB (Fédération Générale des Travailleurs de Belgique), affiliée à la CES, était inconnu en 1993, de même que le pourcentage de femmes parmi les délégués affiliés au congrès. L'étude nous informe néanmoins qu'il n'y avait pas de femmes sur les 25 secrétaires générales et/ou présidents de la FGTB. Enfin, en 1993, la FGTB faisait partie des organisations syndicales affiliées à la CES ne pratiquant aucun système assurant la représentation des femmes.

Bref, en Belgique, comme dans tous les Etats membres, les femmes ont tendance à être sous-représentées. L'étude de M. Braithwort et C. Byrne, publiée en 1995, nous renseigne également sur la situation des femmes dans les autres organisations affiliées à la CES. Sur les 27 centrales nationales affiliées à la CES, deux seulement comprenaient une proportion de déléguées au congrès équivalente ou supérieure à la proportion de femmes syndiquées. Seulement 126 secrétaires généraux et/ou présidents des 1 009 syndicats affiliés étaient des femmes. Le pourcentage moyen de femmes membres de comités exécutifs nationaux, dans le cas des 30 centrales, s'élevait à 15 %. Sur les 30 principaux leaders des confédérations nationales, deux seulement étaient de sexe féminin. Les femmes sont considérablement absentes des importantes négociations collectives. Néanmoins, un point positif émergeait du rapport des deux chercheuses: "Les femmes réalisent de meilleurs scores en tant que cadres d'organisations syndicales au niveau national et européen qu'en tant que représentantes syndicales."

Les femmes dans la prise de décision au sein des organismes financiers

Une étude à ce sujet a été effectuée en 1996 par le Wissenschaftszentrum Berlin für Socialforschung (WZB), en Allemagne, sous la direction du Dr Sigrid Quack, et en collaboration avec le Réseau Européen d'Expertes "Les femmes dans la prise de décision". Cette étude a indiqué qu'en Europe, la proportion des femmes parmi les employés qualifiés des banques est considérablement plus élevée que la proportion des femmes au niveau de la direction. En 1998, en Belgique, 49 % des travailleurs intellectuels occupés dans le secteur des "Activités financières" étaient des femmes, alors que 5 % de femmes seulement occupaient la même année un poste dans le monde de la haute finance. Dès lors, la nomination d'une femme au sein du comité de direction d'une grande banque ne peut que créer la surprise: cela est si rare! Cela a été le cas en 1998 lors de la nomination de Rosa Van Elegem au sein du comité de direction de la Générale de Banque. Jusqu'ici en effet, une seule grande banque belge comptait une femme au sein de son comité: il s'agissait du Crédit Communal.

L'étude menée sous la direction du Dr Sigrid Quack a également révélé que selon le pays et le type d'organisation, l'accès à la direction dépend de différents critères (capital social, ancienneté, performance, ...). La sélection effectuée au cours des carrières de direction fait également appel à différents mécanismes (réseaux, hiérarchie, compétition). En outre, les résultats de cette étude indiquent que certains cadres institutionnels favorisent des systèmes de promotion des managers aboutissant à une plus ou moins grande égalité entre les sexes. Il en résulte une plus grande variété entre les différents pays en ce qui concerne la proportion de femmes au niveau des cadres inférieurs et moyens par rapport aux cadres supérieurs.

Cette étude indique enfin que les règles de recrutement des cadres supérieures diffèrent de manière significative des règles appliquées aux autres niveaux de direction. Dans la majorité des pays, le niveau supérieur de direction est gouverné par des groupes de pairs et des réseaux élitaires; l'accès à ces groupes est parfois politisé. De cette manière, les cadres supérieurs sont recrutés sur base de critères informels et implicites, ainsi que sur base de procédures par lesquelles les membres (en grande partie des hommes) de ces groupes fermés ont tendance à reproduire l'homogénéité de leur groupe en termes d'intérêts et d'attitudes communs.

Les femmes cadres

En Belgique, seul un cadre supérieur sur huit est une femme, et seul un poste de direction sur 150 est détenu par un individu de sexe (devinez!)... féminin. Il est facile d'imaginer la conséquence directe d'un tel fait: en moyenne, un économiste gagne 49 % de plus que sa collègue féminine. Pour expliquer ce phénomène, on avance souvent le fait que les femmes, qui consacrent une part de leur temps et de leur énergie à leur famille, sont perçues comme risquant d'être moins disponibles pour leur travail. Martine Van Den Poel, doyenne adjointe de l'Insead, une école internationale de management installée à Fontainebleau (France), note quant à elle un autre "point faible": "Les femmes font également l'objet d'une carence évidente en matière de formation, notamment au sein même de l'entreprise. Sur les 4 000 personnes qui participent à nos programmes de formation continue, seules 6 % sont des femmes. Il s'agit d'ailleurs essentiellement d'Américaines et de Scandinaves, qui sont plus avancées dans leur processus d'émancipation de la femme dans la vie professionnelle."

Toutefois, les entreprises, malgré le principe d'égalité, refuseraient-elle encore systématiquement d'embaucher une femme lorsqu'il s'agit d'un poste réquérant de la poigne, de l'autorité? Genovefa Etienne écrit, dans un article du magazine PME, qu'une femme, même qualifiée, reste une femme. Pour s'imposer, elle doit toujours en faire plus (certains prétendraient même qu'elles en feraient trop, par peur d'être prises pour des faibles... ou pour des femmes!) et mieux qu'un homme. Les employeurs seraient donc plus exigeants à l'égard d'une femme que d'un homme. Si un homme se trompe, on dit: "Il s'est trompé." Si elle se trompe, on dit "C'est une femme."(!)

De plus, les femmes qui travaillent, assumant le triple rôle de travailleuse, de mère et d'épouse, devraient sacrifier une partie de leur vie personnelle pour réussir. Il est certain que les retraits temporaires de la vie professionnelle diminuent fortement les chances d'avancement et les avantages financiers liés à l'ancienneté; ils restent aussi (faut-il le rappeler?) un sacrifice rarement consenti par les hommes, dont le rôle de père au foyer est peu valorisé. De ce fait, les femmes seraient contraintes de choisir entre une promotion exigeant un travail de douze heures par jour, et un emploi moins prestigieux, mais qui laisse du temps libre: bien souvent, ce serait ce dernier que les femmes choisiraient.

Les explications avancées par Genovefa Etienne ne sont pas fausses. Le Directeur Général d'un groupe important du secteur des services sociaux fournis aux entreprises, interviewé dans le cadre de cette étude, confirme effectivement le double (voire triple) rôle que les femmes ont à jouer: "celui de mère et de celui de femme active". "Lorsqu'elles ont à choisir, elles choisissent souvent celui de mère. Et celles qui ont accédé le plus vite au sommet de la hiérarchie sont souvent des femmes célibataires. Mais le fait qu'elles soient rares à occuper des postes de direction n'a rien à voir avec leurs capacités." En outre, ce directeur a affirmé ne pas avoir connaissance d'employeurs qui refusent d'attribuer un poste à responsabilités à une femme. Le fait qu'une femme doit être célibataire pour réussir ne doit pas non plus être sous-estimé.

Par exemple, aux Etats-Unis, 90 % des hommes cadres dirigeants ont des enfants, contre seulement 35 % des femmes exerçant les mêmes fonctions. Bref, aux préjugés que doivent encore vaincre les ambitieuses (le manque de disponibilité, mais aussi l'absentéisme, le manque de capacité d'abstraction), s'ajoute la difficile conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, sujet spécifiquement féminin puisqu'on ne demande jamais aux hommes comment, eux, parviennent à concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Parfois, c'est l'époux qui fait obstacle à l'ambition de la femme. Si elle veut réussir professionnellement, il vaut mieux que la femme soit soutenue par son mari: une étude effectuée par Peter York, au Royaume-Uni, a révélé que les femmes qui réussissaient étaient effectivement celles qui bénéficiaient du soutien de leur conjoint. Cette étude britannique avait également l'intérêt de démonter les préjugés qui poursuivent les femmes "cheffes". On pourrait s'imaginer en effet qu'une femme, pour faire aussi bien qu'un homme, devrait devenir un homme, faire la "dure" et la "masculine" comme eux. "Faux" semblait révéler l'étude de York: les femmes qui réussissent sont généralement aimables, maternelles, gaies, et sûres d'elles-mêmes. En outre, les femmes interrogées ne considéraient pas leur milieu professionnel comme un champ de bataille: ce sont leurs qualités féminines qui semblaient les avoir aidées à accéder aux hautes fonctions. Il est inutile, donc, selon York, d'être agressive avec ses collègues masculins pour parvenir au succès professionnel.

Monique Chalude, sociologue et partner dans une société de conseil où elle dirige le département "Carrières de femmes", donne, dans un article du Marie-Claire de mars 1998, un résumé intéressant des facteurs influençant négativement la carrière des femmes vers les postes de direction. D'abord, elle énonce la ségrégation horizontale et verticale des emplois qui concentrent les femmes dans un nombre limité de secteurs et de professions. Ensuite, elle distingue la façon dont les entreprises sont organisées: elles sont créées par et pour les hommes avec un système hiérarchique inspiré par l'armée, des normes qui ne correspondent ni à l'attente, ni aux besoins des femmes. De plus, les preneurs de décisions sont essentiellement des hommes qui se sentent plus en confiance avec ceux qui leur ressemblent. Pour cette raison, l'image du manager reste assimilée à un profil masculin. Le troisième facteur est le préjugé d'indisponibilité: celui-ci peut être réel à un moment donné de la vie de certaines femmes, mais pas à d'autres. En effet, on n'accouche pas toute sa vie et les enfants grandissent! De plus, des études ont prouvé qu'à qualification égale, et corrigé des congés de maternité, l'absentéisme féminin n'est pas supérieur à celui des hommes. Enfin, beaucoup de postes ne sont pas proposés aux femmes parce qu'on s'imagine, sans même les consulter, qu'elles ne conviendront pas ou qu'elles refuseront un parcours professionnel exigeant des expériences diverses et une mobilité géographique.

Les différences entre les hommes et les femmes manager

Bien qu'elles soient encore minoritaires dans les fonctions dirigeantes, les femmes occupent de plus en plus de postes clés au sein des entreprises. On peut en retrouver à la tête des universités, de quelques maisons d'édition ou de grands journaux. Parfois, elles exercent la fonction de directeur des ressources humaines dans de grandes sociétés. Toutefois, il s'agit trop souvent de fonctions de responsabilités, pas de pouvoir. Bien que le pourcentage de femmes ait nettement augmenté dans l'encadrement moyen, les femmes continuent de se heurter au plafond de verre (le fameux "glass ceiling"), qui les empêchent d'accéder à la direction, et donc au pouvoir réel. Pourquoi? Certains avancent que le pouvoir est, depuis des millénaires, une affirmation des valeurs masculines (force physique, domination directe, volonté d'acquisition et d'omniprésence). De cette manière, lorsque les femmes l'exercent, elles participent à une compétition où les règles ont été faites par et pour les hommes. Mais surtout, un poste de chef est fort exigeant en temps: un cadre doit être disponible à tous les instants, accepter les 12 heures de travail par jour, six jours sur sept, plusieurs années de suite pour obtenir la confiance de ses supérieurs et prétendre accéder aux fonctions de pouvoir. Or, beaucoup de femmes refusent de tout sacrifier pour le travail. Certains disent même que les femmes ne sont pas, comme les hommes, des "battantes". Selon Genovefa Etienne, l'homme considère de son côté le pouvoir comme un objectif en soi: lorsqu'il ne l'a pas, il se sent perdu. Se sentirait-il perdu parce que cela trouble son identité? Certains avancent en effet que l'identité masculine est fondée sur le pouvoir. Les hommes recherchant le pouvoir vont donc se battre pour l'avoir. "Je connais des jeunes cadres qui tueraient père et mère pour avancer davantage dans leur carrière professionnelle" déclarait une responsable de recrutement au sein d'une société belge du secteur de la grande distribution, également interviewée dans le cadre de ce travail. Selon G. Etienne, la femme donnerait le sentiment d'exister en dehors du pouvoir: son objectif premier, lorsqu'elle est chef d'entreprise, est d'assurer un bon fonctionnement de de son entreprise, et le pouvoir représente pour elle un moyen d'atteindre ce but. Bref, les femmes aimeraient aussi le pouvoir, mais pas de la même façon que les hommes. Mais les femmes dans les entreprises n'entrent-elles pas dans la course au pouvoir justement parce qu'elles le détiennent déjà dans la sphère familiale? On oublie bien souvent que les femmes au foyer sont parfois tyranniques avec leur proches (enfants, époux) justement parce qu'elles n'ont aucun pouvoir à l'extérieur... On avance aussi que les hommes se montrent aussi plus agressifs, plus dominateurs, plus jaloux de leur pouvoir et peu enclins à le partager. Serait-ce pour cette raison que les chefs travaillent tellement? Déléguer certaines tâches, ne serait-ce pas perdre une partie de son pouvoir? Quant à la femme, serait-elle plus disposée que l'homme à partager le pouvoir? "Je ne suis pas autoritaire, bien au contraire, déclarait Carine Howell (Administrateur de la SPRL De Greef P-Médailles, qui occupe quatre employés et dix ouvriers) à Genovefa Etienne, je leur fais confiance et leur laisse beaucoup d'initiatives (...)."

Il semble également, d'après l'article de G. Etienne, que les motivations des femmes pour accéder au pouvoir ne soient pas les mêmes que celles des hommes. Les femmes mettent en avant l'intérêt du travail, l'élargissement des responsabilités, la possibilité d'apprendre autre chose. Bien souvent, le salaire vient en dernier.

Enfin, les hommes et les femmes manager ne s'imposent pas de la même manière et n'ont pas les mêmes attitudes. Par exemple, il arrive parfois que les hommes reprochent aux femmes de manquer de confiance en elles. En réunion, elles attirent l'attention en demandant la parole. Ensuite, elles suggèrent au lieu d'imposer leurs idées. Les femmes sont en effet respectueuses d'une culture collectiviste: elles obéissent à des règles implicites qui favorisent la relance du débat. Les hommes, ne fonctionnant pas de la même manière, vont interpréter cette attitude comme un signe de faiblesse. En outre, beaucoup de femmes disposent d'un pouvoir informel qui, plus tard, ne correspond plus à leur position hiérarchique, c'est-à-dire à leur pouvoir formel. Au cours de sa carrière, la femme manager accumule silencieusement contacts et connaissances, si bien qu'en restant à la même position hiérarchique, elle devient progressivement une menace pour son supérieur direct. Celui-ci n'aura donc d'autre choix que de la gêner...

Des hommes qui ont tout abandonné pour la carrière de Madame: ça existe!

Eh oui! Il existe, en Belgique, et plus précisément à Bruxelles, un "club" qui regroupe plusieurs dizaines d'hommes qui ont tout abandonné (carrière, pays, habitudes) pour suivre leur femme pour cause de belle promotion à l'étranger. Créé en 1993, ce club se nomme "Stuts" et compte 78 membres. Parmi ceux-ci, on peut trouver des hommes qui ne travaillent pas, des hommes qui s'occupent de leurs enfants et qui sont, en quelque sorte, des "hommes au foyer", des hommes à qui il est interdit de travailler, notamment parce qu'ils n'appartiennent pas à l'UEE, et enfin des hommes qui, ayant épousé une femme plus jeune qu'eux, ont choisi une retraite prématurée. Ces hommes sont britanniques, américains, scandinaves, allemands et se retrouvent deux fois par semaine (une matinée pour examiner des problèmes sociaux, une autre pour prendre un petit déjeuner au Mac Donald de Kraainem). Un soir par mois, une grande réunion au golf est organisée pour faire le point sur les affaires du Club... Vous pouvez adhérer au "Stuts" sous trois conditions: avoir quitté votre job au profit de celui de votre épouse (à condition qu'elle assure une fonction exécutive), l'avoir fait sans complexe et parler anglais.

Les femmes "cheffes" d'entreprise

"Une femme manager doit avoir les capacités de son métier, qui sont les mêmes que celles d'un homme" expliquait Martine Van Den Peol, doyenne adjointe de l'Insead. "Mais les femmes disposent d'atouts supplémentaires dans un monde de l'entreprise qui se voue désormais à la flexibilité, à l'innovation et au travail en équipe. Par leur éducation, et par leur nature, on constate que les femmes pratiquent un leadership plus participatif, plus relationnel."

Un rapport de l'OCDE, faisant la synthèse d'une conférence organisée par la même organisation en 1998, "Femmes Entrepreneurs à la tête de PME: une nouvelle force pour l'innovation et la création d'emploi", révèlent qu'en 1992, on comptait, en Belgique, 28,7 % de femmes parmi les employeurs et les personnes travaillant à leur compte. Toutefois, le rapport insiste sur les difficultés liées aux données statistiques: les statistiques officielles ne permettent pas en effet, dans aucun pays, de connaître exactement le nombre de femmes chefs d'entreprise (les chiffres fondés sur des analyses d'échantillon ou des sondages sont souvent incomplets). Comme toujours, l'OCDE ne manque pas, dans ce rapport, de formuler ses traditionnelles recommandations à l'égard des pouvoirs publics, notamment au sujet des moyens qui favoriseraient la collecte de ces données statistiques. Ces données sont non seulement indispensables à l'OCDE pour mesurer le véritable impact économique des entreprises dirigées par des femmes, mais elles contribuent également à améliorer la crédibilité de ces entreprises. Lors de la conférence, Laura Henderson (Américaine), membre de la National Foundation for Women Business Owners (NFWBO), s'était exprimée à ce sujet de la manière suivante: "Le manque de crédibilité représente le plus grand obstacle à l'accès aux marchés et aux informations commerciales, aux relations d'affaires et à la position des femmes dans le milieu des entreprises... Au sein d'un groupe de femmes chefs d'entreprise, nous avons décidé que si nous voulions qu'on nous prenne au sérieux, il nous fallait des données et des statistiques qui rendent pleinement compte de ce que nous faisions. Nous avons créé notre propre organisation pour faire connaître quelle était la contribution réelle des femmes à l'économie. En 1992, cet organisme, the National Foundation for Women Business Owners (NFWBO) a publié sa première étude, qui a été la première étude fiable sur les entreprises dirigées par des femmes aux Etats-Unis. (...) On connaît aujourd'hui, grâce à elle, l'apport des femmes à la santé et à la stabilité de l'économie. Moyennant quoi, le gouvernement fédéral des Etats-Unis s'est fixé pour objectif d'accorder aux entreprises dirigées par des femmes 5 % des marchés fédéraux. Les entreprises se sont empressées de confier à des femmes des tâches de vendeurs. L'accès au crédit a aussi changé. (...) Le rapport a eu aussi d'importantes répercussions sur l'accès des femmes à l'information, à la formation et aux réseaux (...)" C'est par ailleurs grâce à cette étude que nous apprenons que le nombre d'entreprises appartenant à des femmes, aux Etats-Unis, s'élevait en 1996 en 7 950 000, que ce nombre évolue annuellement, depuis 1996, de + 6,6 %, que le nombre d'emplois générés par ces entreprises s'élevait à 18 540 000 en 1996 (et évolue annuellement de + 12,2 %), et enfin que le chiffre d'affaires générés par ces entreprises progresse annuellement de + 14,5 %.

Nous apprenons également qu'aux Etats-Unis, le nombre d'entreprises créées et dirigées par des femmes a augmenté deux fois plus vite que celui des entreprises créées et dirigées par des hommes au cours des dix dernières années. D'après la NFWBO, un quart des emplois du secteur privé sont le fait d'entreprises dirigées par une femme.

Mais il n'y a pas qu'aux Etats-Unis que le développement des entreprises féminines est manifeste. Le sentiment qu'il est légitime, pour une femme, de participer à la gestion à un plus haut niveau d'une entreprise familiale est un sentiment qui grandit de plus en plus en Asie et en Amérique latine. Lors de la conférence de l'OCDE, Rajni Aggarwal (Indienne) a signalé que d'après le recensement de 1991, 10 % des entreprises indiennes sont dirigées par des femmes. Selon elle, ce pourcentage pourrait doubler d'ici à l'an 2000.

Malgré l'insuffisance de statistiques, le rapport a formulé plusieurs remarques quant aux spécificités des entreprises appartenant à des femmes:

- dans tous les pays de l'OCDE, la grande majorité des entreprises dirigées par des femmes sont des entreprises de services. Un sondage, ayant porté sur un échantillon de 17 000 femmes de plusieurs pays européens (Espagne et Portugal exclus), a montré qu'environ 5 millions de femmes exercent une activité non salariée. Près de 46 % de ces femmes sont des détaillantes, 12 % tiennent un salon de coiffure ou d'esthétique, 10 % exercent une profession libérale (médecin, avocate, etc.), 9 % sont des artisanes et 1 % seulement travaillent dans le secteur manufacturier;

- aux Etats-Unis, environ 75 % des entreprises appartenant à des femmes n'ont pas de salarié-es: ce pourcentage est comparable à celui de l'ensemble des entreprises américaines. Moins de 1 % des entreprises féminines ont un chiffre d'affaires égal ou supérieur à 1 million de dollars (2 % de l'ensemble des firmes américaines ont un chiffre d'affaires supérieur à 1 million de dollars). Les études montrent également une prépondérance des entreprises de petite taille. Parmi les entreprises qui ont des salariés, environ la moitié emploient moins de 10 personnes;

- les femmes entrepreneurs s'orientant vers des activités jugées proches des tâches domestiques rencontrent moins de problèmes que les autres;

- des recherches menées aux Etats-Unis (par le NFWBO) et au Canada ont révélé que 75 % des sociétés appartenant à des femmes se maintiennent en activité plus de 3 ans, contre 60 % des sociétés appartenant à des hommes.

Les entreprises féminines en Europe

Dans la majorité des Etats membres, un tiers des nouvelles entreprises sont créées par une femme. Au total, 18 millions de femmes exercent en Europe une activité liée à la gestion d'entreprises. En 1996, 15 % de la main-d'oeuvre européenne était composée de travailleurs indépendants. Toutefois, on constate des disparités importantes entre le Nord et le Sud: en Grèce, un tiers de la population active était indépendante, alors qu'au Danemark et en Allemagne, le travail indépendant concernait moins de 10 % de la population active (et ce pourcentage était encore moins élevé chez les femmes). Tandis que les femmes indépendantes du Sud s'orientent essentiellement vers l'agriculture, les femmes indépendantes du Nord s'orientent surtout vers le secteur des services. Toutefois, la tendance à l'expansion du secteur des services se manifeste de façon claire dans toute l'Europe.

Les études sur la création d'entreprises par les femmes en Europe (1994) estiment que le nombre d'indépendantes pourraient être deux fois plus élevé. Outre l'emploi indépendant, ces études portent aussi bien sur les entreprises comprenant une seule personne que les entreprises employant plus de 500 travailleur-ses. Elles portent également sur les femmes co-propriétaires d'entreprises familiales. D'une part, ces études ont mis en évidence le fait que la majorité des femmes entrepreneurs en Europe dirigent de très petites entreprises, employant moins de 10 personnes, bien que l'on retrouve de plus en plus de femmes à la tête de grandes entreprises. D'autre part, il semble que les femmes préfèrent gérer leur entreprise en partenariat avec une autre personne, et plutôt un homme qu'une femme. Enfin, d'après une étude sur les femmes entrepreneurs menée par le Dr Jill Venus en 1997 (University of Wales), il semble aussi que le désir d'être son propre employeur soit une motivation plus forte que celle de gagner de l'argent lorsque les femmes décident de créer leur propre entreprise.

On peut distinguer deux types d'entrepreneurs. Le premier réunit les critères suivants: le goût de la compétition, l'estime de soi, l'esprit d'indépendance, la volonté de prendre des risques, l'engagement à poursuivre la réalisation d'une initiative. Tous ces critères sont généralement considérés comme des critères essentiels pour réussir dans le monde des affaires. Les entreprises créées et dirigées par des personnes qui réunissent ces critères identifient et exploitent de nouveaux marchés, cherchent à réaliser des bénéfices, et à assurer leur croissance. Toutefois, la création d'entreprises peut être considérée comme un moyen d'échapper au chômage. C'est sous cet angle qu'apparaît un second type d'entrepreneurs: la priorité de ceux ou celles-ci est d'assurer leur propre emploi et leur survie économique, et éventuellement celle d'une ou deux autres personnes. La majorité des créatrices d'entreprises en Europe appartiennent à ce second type, bien qu'elles réunissent également de plus en plus les caractéristiques du premier type.

Les caractéristiques des entreprises créées et dirigées par des femmes

En 1994, Elisabeth Muir a étudié un échantillon de 57 femmes entrepreneurs issues de diverses régions européennes. De son étude, il est ressorti que:

- quatre entreprises sur cinq employaient jusqu'à 100 femmes et avaient un chiffre d'affaires d'un à 50 millions d'euros;

- bien que ces femmes estimaient qu'il ne puisse pas exister un style de management spécifiquement féminin ou une culture d'entreprise féminine, l'étude a démontré qu'elles pratiquaient toutes des styles de leadership participatif et non-hiérarchique;

- 12 % des entreprises n'employaient que des femmes, un tiers employait une main-d'oeuvre à plus de 75 % féminine;

- dans 70 % des entreprises, jusqu'à 40 % du personnel travaillaient sur base de temps partiel flexible;

- enfin, contrairement à ce que l'on aurait pu croire, les femmes entrepreneurs avaient déclaré n'accorder aucune importance au concept d'égalité des chances ou à l'avancement des carrières féminines. Leur politique de recrutement reposait sur la philosophie suivante: trouver et garder le meilleur personnel qui soit.

Candida Brush (Américaine) déclarait, lors de la conférence organisée par l'OCDE en 1998, à propos du caractère spécifique des femmes entrepreneurs: "(...) Les études de la Banque mondiale et de l'ONU, ainsi que les études empiriques faites dans les différents pays, font clairement apparaître que la ségrégation au travail existe dans presque tous les pays de l'OCDE et dans de nombreux pays peu développés. Les femmes n'ont pas les mêmes chances à l'égard du travail. Elles abordent la création d'une entreprise avec un vécu professionnel différent et se lancent par conséquent dans des projets différents. Elles ont une expérience du travail dans d'autres secteurs que leurs homologues masculins, ce qui leur complique assez la tâche lorsqu'elles veulent créer une entreprise dans un secteur qu'elles ne connaissent pas. Tenues par la société d'assumer leur rôle de femme et de mère de famille, elles se voient généralement obligées d'endosser une plus grande part de responsabilités dans la tenue du ménage, les soins à donner aux enfants et aux personnes âgées ou handicapées, autant de tâches qui peuvent être une charge pour la femme qui veut gérer harmonieusement ces responsabilités tout en s'efforçant de développer son entreprise. S'agissant de la vie péri-professionnelle, on constate que, dans certains pays, les femmes sont assez mal acceptées dans les activités qui s'organisent en marge du travail (par exemple dans les cocktails) et sont exclues des réseaux tissés à cette occasion, ce qui les prive de quantité d'informations. Ainsi, les structures sociales et les modes de socialisation des femmes influent sur le capital humain et social qui est le leur au moment où elles créent leur entreprise."

En outre, selon Sherrye Henry (Américaine), oratrice également lors de la conférence, "la formation doit être aisément accessible et bon marché et elle ne doit pas prendre trop de temps." En effet, les femmes ont généralement une petite entreprise à faible rentabilité et ont moins de temps que les hommes à consacrer à sa gestion. Pour apprendre et se former, elles recherchent plutôt des moyens peu coûteux et rapides.

La croissance des entreprises européennes dirigées par des femmes

Le rapport de l'Europs, "Emploi Now. La création d'entreprise par les femmes - Mesures d'appui à la création, la consolidation et la croissance d'entreprises dirigées par des femmes" (1998) avance que la croissance de l'emploi, dans l'Union Européenne, est davantage due aux PME qu'aux grandes entreprises. Or, les entreprises dirigées par des femmes sont souvent des petites et moyennes entreprises. Les femmes créent aussi près d'un tiers des entreprises dans de nombreux Etats membres. "Il existe donc un potentiel d'emploi considérable non seulement pour les femmes entrepreneurs, mais également pour d'autres femmes et pour les collectivités locales où leurs entreprises exercent leurs activités." Le rapport avance que les entreprises dirigées par des femmes ont tendance à engager plutôt des femmes, parce qu'elles ont tendance à utiliser des modèles d'organisation du travail flexibles (le temps partiel, par exemple), ce qui renforcent, selon le rapport, les perspectives d'emploi pour d'autres femmes.

D'une part, les PME sont prédominantes dans le secteur des services, qui est considéré comme la source la plus importante d'emplois futurs. Parmi les secteurs à fort potentiel de croissance, on distingue la santé, les services de soins et le tourisme, secteurs depuis longtemps très féminisés. D'autre part, les petites entreprises sont peut-être moins affectées par la globalisation de l'économie et par la concurrence internationale, étant donné qu'elles sont bien installée dans leur milieu local ou régional.

Une étude française, effectuée en 1994 - 1995, a évalué les performances économiques de 22 000 entreprises en France. Il est ressorti de cette étude que les femmes entrepreneurs et les entreprises dirigées par femmes enregistrent des résultats nettement meilleurs par rapport à l'entreprise française moyenne. Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont procédé de la manière suivante: ils ont analysé les 500 meilleures entreprises dans trois catégories d'entreprises (petites, moyennes et grandes). Ils ont ensuite comparé, pour chaque catégorie, les performances de ces entreprises avec celles des meilleures entreprises de femmes (notons que dans ce cas, seulement 300 entreprises dirigées par des femmes étaient jugées meilleures). En 1994 - 1995, les taux de croissance moyen était de 6 et 6,6 % pour les petites et moyennes entreprises, alors que les entreprises féminines enregistraient respectivement des résultats de 7,8 % et de 16,9 %. La situation n'était inversée que pour les grandes entreprises, avec une moyenne de 5,4 % contre 3,4 % pour les entreprises de femmes. Au niveau de la rentabilité, la comparaison révélait d'excellents résultats pour les entreprises créées ou dirigées par des femmes. Les petites entreprises féminines avaient en effet enregistré un taux de 2,4 % en 1994 et de 3,1 % en 1995, contre une moyenne de 1,4 % et 1,7 %. L'écart était encore plus significatif dans la catégorie des moyennes entreprises. Les entreprises créées par des femmes avaient obtenu 3,2 % (1994 et 1995), alors que la moyenne était de 1,1 % en 1994 et de 0,6 % en 1995. En ce qui concernait les grandes entreprises, la rentabilité des entreprises féminines était deux fois supérieure au pourcentage moyen (en 1994, le pourcentage des entreprises féminines s'élevait à 2,8 % contre une moyenne de 1,4 %; en 1995, à 2,9 % contre une moyenne de 1,5 %). Comme l'avait déjà constaté Elisabeth Muir en 1994, ces femmes "cheffes" niaient, pour la plupart, avoir un style de gestion féminine. Mais de nouveau, l'étude française a montré qu'une grande partie d'entre elles emploie un nombre plus élevé de femmes à des postes supérieurs (probablement parce que ces entreprises emploient beaucoup de femmes. Toutefois, des secteurs très "féminisés" où les dirigeants sont presqu'exclusivement des hommes demeurent aujourd'hui encore une réalité, comme le secteur de l'administration publique par exemple). En outre, ces entreprises utilisent, d'après l'étude française, des styles de gestion participatifs et font preuve d'une grande créativité lorsqu'il s'agit d'organisation du travail flexible et adapté à la vie familiale.

Les difficultés rencontrées par les entreprises féminines

Malgré toutes ces données positives, il faut savoir que les PME sont confrontées à de nombreux risques, et bon nombre d'entreprises sont vouées à l'échec. Au cours des trois premières années, 35 à 40 % ferment leurs portes. 60 % cessent leurs activités dans les huit à dix ans qui suivent leur démarrage. Aucune donnée au niveau européen ne compare la durée d'existence des entreprises dirigées par des femmes avec celles dirigées par des hommes, bien que les études américaines du NFWBO ont indiqué que 75 % des entreprises appartenant à des femmes se maintiennent en activité plus de 3 ans, contre 60 % des entreprises appartenant à des hommes. Cepandant, les entreprises féminines sont souvent confrontées à des risques et des difficultés plus importantes. La phase de démarrage et de développement sont souvent, dans le cas des PME, confrontées à un accès limité aux capitaux. Les PME sont en effet, dans la plupart des cas, financées par les banques, qui ont tendance à appliquer des taux d'intérêt plus élevés, et qui proposent souvent des conditions moins favorables pour les petits emprunts. Ces emprunts exigeant un travail administratif identique à celui des gros emprunts, ils sont néanmoins moins rentables, ce qui explique les difficultés d'accès aux capitaux. En outre, dans l'esprit du banquier, les petites entreprises offrent peu de visibilité et de perspectives de développement. Bref, bien que tous les créateurs d'entreprise (hommes ou femmes) se heurtent à de gros problèmes de financement, il semble que les femmes aient plus de difficultés à les résoudre. Malgré les obstacles communs aux hommes et aux femmes à la recherche des financements, les femmes rencontrent des difficultés particulières en ce qui concerne la réunion des fonds propres au moment du démarrage et l'accès au financement.

D'abord, la majorité des femmes créent de très petites entreprises dans le secteur des services et du commerce de détail, secteurs jugés plutôt précaires. En effet, le taux de défaillance des entreprises est, dans de nombreux pays de l'OCDE, assez important dans le commerce de détail. En outre, les femmes entrepreneurs opèrent en général sur des marchés de proximité. Dès lors, on peut comprendre que l'octroi de petits prêts à des petits détaillant-es locaux ne constitue pas une priorité pour les banques. Il en est de même pour les entreprises qui opèrent dans le secteur des services de proximité comme la garde des enfants et d'autres personnes à charge. Un bon nombre de banques axent leurs services sur les besoins des grandes entreprises, et ne répondent pas toujours aux besoins des secteurs économiques et des petites entreprises vers lesquels s'orientent les créatrices d'entreprise.

Ensuite, ils s'avère que les créatrices disposent de moins de fonds propres que les créateurs: elles possèdent moins d'épargne ou perçoivent une rémunération inférieure dans les emplois qu'elles occupaient avant de créer une entreprise.

Les femmes, dans l'ensemble, sollicitent également moins de crédit que les hommes. Les banquiers ont aussi tendance à assimiler leurs crédits à des prêts personnels. Comme les femmes sous-estiment parfois leurs besoins financiers ou répugnent à emprunter des sommes importantes, les banques et les autres organismes ont tendance à considérer que leurs entreprises sont vulnérables.

Les femmes rencontrent également, de manière fréquente, des problèmes aigus en matière d'information et de relations publiques. Fotini Legaki (Grecque) a souligné lors de la conférence de l'OCDE de 1998 combien il était difficile pour une femme de nouer des relations personnelles solides avec son banquier. Elle a aussi fait remarqué que les dirigeantes de PME étaient souvent mal informées de l'existence de nouveaux instruments financiers (crédits-bail, affacturage, capital-risque, etc.). Dina Lavoie (Canadienne) a indiqué, de son côté, que rares étaient les femmes qui réussissaient à bénéficier des subventions officielles, le plus souvent parce qu'elles étaient informées trop tard de leur existence. Il faut également remarquer qu'on ne demande jamais à une femme de siéger dans les commissions des banques de développement qui accordent des prêts aux entreprises. En outre, les formalités qu'exige toute transaction bancaire constitue une énorme perte de temps pour une petite entreprise. De cette manière, Naoko Banno (Japonnaise) a signalé lors de la conférence que les difficultés de la procédure avaient empêché son entreprise de bénéficier d'une subvention pour le développement d'un logiciel.

Enfin, comme les femmes sont arrivées plus tardivement que les hommes sur le marché du travail de certains secteurs, elles ont souvent moins d'expérience professionnelle, en particulier en matière de direction ou d'encadrement, ainsi qu'en matière d'accès au financement.

Certains organismes financiers ont réagi à ces phénomènes et ont mis en place des mécanismes de crédit spécifiquement destinés aux femmes. Certains de ces mécanismes ont d'ailleurs obtenu des résultats très positifs. François Beaudoin (Canadien) a indiqué lors de la conférence de l'OCDE que "50 % des créations, souvent des micro-entreprises, sont en fait dues à des femmes. La Banque fédérale du Canada prévoit qu'ici à dix ans, compte tenu du rythme de créations d'entreprises par des femmes, il y aura au Canada égalité entre le nombre d'entreprises dirigées par des hommes et par des femmes. Il y a là un gisement de clientèle important qui devrait intéresser tous les établissements financiers." Il n'est donc pas surprenant que la Banque fédérale de développement du Canada ait mis en place des dispositifs associant prêts, formation et activités de conseil pour les femmes dirigeantes d'entreprise. En 1995, la Banque a lancé le programme Step-up, un programme de tutorat de créatrices d'entreprise par des entrepreneurs plus expérimentés. Depuis lors, plus de 500 tutorats ont été mis en place. Ces tutorats ont d'ailleurs donné de bons résultats. Mr Beaudoin a également précisé que la BDC accordait 30 % de ses prêts à des femmes ou des entreprises comptant au moins une femme parmi ses actionnaires majoritaires. La banque a par ailleurs constaté que les pertes étaient moindres sur les prêts accordés aux femmes...

Mais outre tous ces obstacles financiers, les femmes se heurtent à d'autres obstacles qui leur sont spécifiques, dus à la persistance de pratiques discriminatoires et à leurs responsabilités familiales: les femmes demeurent les seules à devoir trouver un équilibre entre leur activité professionnelle et leurs responsabilités familiales (on ne demande jamais aux hommes comment ils parviennent à concilier les deux). Or, le sentiment généré lors de la conférence de l'OCDE a été qu'apporter des solutions aux entreprises dirigées par des femmes (au point de vue financier, certainement, mais quand songera-t-on à apporter des solutions au niveau des responsabilités familiales?) serait profitable à l'ensemble des petites entreprises.

En conclusion

Les femmes sont de plus en plus nombreuses à travailler et à vouloir travailler. Les taux d'activité des femmes, tout comme le taux d'emploi, connaît depuis plusieurs années une progression continue. Cela est sans doute à la nécessité, pour un ménage, de vivre aujourd'hui sur base de deux revenus. La dénatalité, la tendance à se marier plus tard, le nombre croissant de personnes isolées, des unions libres, jouent également un rôle. Mais surtout, l'évolution du secteur des services a contribué (et contribue toujours) à promouvoir l'emploi des femmes.

Les femmes demeurent la population la plus touchée par le chômage. Seraient-elles dès lors les principales responsables de ce fléau? Selon Béatrice Majnoni d'Intignano, économiste, le soupçon doit être écarté. En effet, dans les pays où les femmes travaillent peu, comme par exemple l'Italie et l'Espagne, le taux d'activité global est faible et le taux de chômage important. En outre, les travaux économétriques de l'OCDE énoncent que l'activité des femmes est créatrice d'emplois au niveau global sous l'effet de trois facteurs: elle génère de la valeur ajoutée, elle provoque des emplois induits de services domestiques et d'écoles maternelles, de restructuration et d'hôtellerie, et enfin, les femmes créent elles-mêmes de petites entreprises, denses en emploi et d'un type nouveau.

Les femmes restent prédominantes dans la population touchée par le chômage de longue durée. Elles sont aussi plus souvent exclues que les hommes du chômage. Cela s'explique d'une part par le fait que le secteur des services, vers lequel s'orientent souvent les femmes, est un secteur où les exigences de qualification sont beaucoup plus difficiles à cerner que dans le secteur secondaire. Dans ce secteur, plus le niveau du dernier diplôme obtenu est élevé, plus le-la candidat-e a des chances de trouver un emploi. La conséquence qui en résulte est la "surqualification": de plus en plus de personnes très qualifiées occupent des postes dont les exigeances pourraient tout à fait être satisfaites par des personnes moins qualifiées. Un rapport du Conseil supérieur de l'Emploi, publié en avril 1999, fait d'ailleurs état de cette surqualification: les moins diplômés se voient dérober un poste pour lequel ils auraient parfaitement convenu, les candidats très diplômés et sélectionnés se démotivent... Dans le secteur secondaire par contre (secteur vers lequel s'oriente les hommes), la qualification technique (supérieure mais aussi inférieure) offre des perspectives d'insertion satisfaisantes aux hommes, d'autant plus que les métiers manuels, de même que les métiers d'ingénieurs (tous deux monopolisés par les hommes) constituent des métiers rares dont les entreprises ont pourtant besoin. Enfin, le fait que les femmes soient plus nombreuses que les hommes à être au chômage plus de deux ans entraîne le fait qu'elles soient aussi plus nombreuses à être exclues du chômage (notamment lorsqu'elles ont le statut de cohabitantes).

Les femmes travaillent essentiellement dans le secteur des services. 48 % des femmes qui travaillent sont employées dans le secteur privé. Les femmes qui travaillent dans ce secteur sont essentiellement des travailleuses intellectuelles, alors que la tendance est inversée du côté masculin (les travailleurs manuels dans le secteur secondaire sont plus nombreux que les travailleurs intellectuels). Les secteurs qui occupent un personnel féminin sont: le commerce de détail, l'hôtellerie et la restauration, les activités financières, les services fournis aux entreprises (à l'exception des activités immobilières, informatiques, ...). Les hommes, quant à eux, se concentrent surtout dans le secteur secondaire (en tant que travailleurs manuels essentiellement).

Les femmes demeurent moins rémunérées que les hommes. Dans l'industrie, les femmes ne perçoivent que 67 à 75 % des salaires masculins. Dans le secteur des services, elles perçoivent entre 70 et 80 % des salaires de leurs collègues masculins. Les causes sont: la durée du travail (les femmes travaillent davantage que les hommes à temps partiel), le fait que les femmes travaillent dans des branches d'activités mal rémunérées, la discrimination fondée sur le sexe dans l'évaluation des fonctions, ...

Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel. La durée de travail des femmes est moins importante que celle des hommes. En 1995, 29,8 % des femmes travaillaient à temps partiel en Belgique; elles formaient la même année 88 % des travailleurs à temps partiel. A mon sens, le temps partiel s'est considérablement développé sous la pression de quatre éléments: le maintien massif des femmes sur le marché du travail, la volonté du gouvernement de réduire les chiffres du chômage, la demande de flexibilité du travail formulée par certains secteurs d'activités, et enfin la mentalité de notre société qui attribue à la femme la presque exclusivité des charges familiales et domestiques (les femmes doivent concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale, apparemment pas les hommes).

Les femmes sont prédominantes dans la population touchée par la précarité. En effet, le travail à temps partiel se caractérise encore bien souvent par la précarité. Rappelons que 82,5 % des personnes qui prestaient des activités en ALE étaient des femmes en 1996.

Or, il est connu que les emplois via les ALE peuvent difficilement être considérés comme des emplois à part entière.

Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à interrompre leur carrière. 85 % des bénéficiaires de l'interruption de carrière (mesure incluant le congé parental) étaient des femmes en 1997. Cette année-là, le nombre exact de bénéficiaires s'élevait à 56 149. Rappelons que l'interruption de carrière diminue les chances de promotion au sein de l'entreprise, et freine l'augmentation salariale (liée à l'ancienneté). A cela, il faut encore ajouter les inconvénients liés à l'interruption de carrière: la difficulté de regagner son poste après plusieurs mois ou plusieurs années d'absences, le manque de formation éventuel.

Les bénéficiaires du congé-éducation payé sont essentiellement des hommes. L'une des causes est que la mesure ne s'adresse qu'aux travailleurs à temps plein (les travailleurs à temps partiel, majoritairement des femmes, sont donc exclu-es).

Les dirigeants syndicaux sont presque exclusivement des hommes. De ce fait, les droits sociaux des femmes sont-ils défendus comme ils devraient l'être?

Les femmes sont peu présentes à la tête des postes de direction. En Belgique, seulement un cadre sur huit est une femme, et seul un poste de direction sur 150 est détenu par une femme. Les causes sont à rechercher dans les préjugés qui frappent les femmes dans le monde du travail: les femmes ne seraient pas suffisamment disponibles pour leur travail (à cause de son double rôle: femme active et mère de famille), ne seraient pas capables de mobilité géographique, seraient plus absentes que les hommes, ... En outre, les entreprises sont souvent créées et organisées par et pour des hommes, ce qui est loin de faciliter la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle.

Enfin, le problème lié au harcèlement sexuel sur le lieu de travail existe toujours de nos jours, et touche davantage les femmes que les hommes. Toutefois, ce thème n'a pas été abordé au cours de ce travail: le harcèlement sexuel est un sujet si délicat et si important qu'il pourrait faire l'objet d'un autre travail de fin d'étude.

Quoiqu'il en soit, "les femmes disposent d'atouts supplémentaires dans un monde de l'entreprise qui se voue désormais à la flexibilité, à l'innovation et au travail en équipe. Par leur éducation, et par leur nature, on constate que les femmes pratiquent un leadership plus participatif, plus relationnel, ce qui leur conférerait un avantage non négligeable pour s'intégrer et diriger les entreprises de demain, dominée par la notion de réseau." De plus, les études américaines (celles du NFWBO), ainsi que des études françaises, ont démontré que les entreprises créées ou dirigées par des femmes connaissaient une croissance souvent meilleure que la croissance moyenne des entreprises. Aux Etats-Unis comme en Europe, le nombre d'entreprises créées et dirigées par une femme s'accroît. Aux Etats-Unis, les études du NFWBO ont montré que les entreprises féminines connaissent une croissance stable, et sont même plus nombreuses que les entreprises dirigées par des hommes à se maintenir en activités plus de 3 ans. Le nombre d'emplois qu'elles génèrent augmentent d'années en années, de même que leur chiffre d'affaires. Les études françaises ont montré que les entreprises féminines connaissent un taux de croissance plus élevé que le taux de croissance moyen, que leur taux de rentabilité est également supérieur au taux de rentabilité moyen. Aux Etats-Unis comme en Europe, les entreprises féminines appartiennent essentiellement au secteur des services; il s'agit essentiellement de petites et moyennes entreprises. Rappelons qu'en 1992, il y avait en Belgique, selon l'OCDE, 28,7 % de femmes parmi les employeurs et les personnes travaillant à leur compte.

Chapitre IV

Vie professionnelle et vie familiale: inconciliables?

La vie familiale et la vie professionnelle seraient-elles inconciliables? Les mesures telles que l'interruption de carrière et le temps partiel permettent-ils de concilier les deux? Ou faut-il plutôt développer et améliorer les services d'accueil des enfants? Les hommes, face à l'évolution de la gent féminine, pariticipent-ils davantage aux tâches ménagères et à l'éducation des enfants? Toutes ces questions seront abordées au cours de ce chapitre.

Les structures d'accueil des enfants

"Le modèle familial change" titre un article du quotidien belge La Libre Belgique du 20 décembre 1996. "Les parents sont de plus en plus actifs; le concept de famille évolue et modifie les rapports avec les enfants." Comme on l'imagine, plusieurs facteurs ont entraîné cette situation. D'une part, le nombre de femmes actives ne cessent de croître, et d'autre part, le nombre de mariage régresse. Parallèlement, les années 90 se caractérisent par un "babyflop", contrairement aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, caractérisés par le "babyboom". Les femmes belges font en effet de moins en moins d'enfants, comme le montrent régulièrement les bilans de fécondité de l'Institut National de Statistiques. En 1995, 115 000 bébés seulement étaient nés en Belgique, ce qui donnait un taux de fécondité de 1,55 enfant par femme belge, soit un taux équivalent à celui du début des années 80. Or, ces années étaient qualifiées, par les démographes, des plus stériles depuis le babyboom des années 50. Cette chute de la natalité se constate partout ailleurs en Europe: le nombre de naissances, dans l'Union Européenne, est revenu en 1998 à son niveau de 1995, soit le niveau le plus bas depuis l'après-guerre. Faudrait-il donc renvoyer les femmes au foyer, sous prétexte qu'elles seraient ainsi plus fécondes? D'abord, quel que soit le taux d'activité des femmes, il ne faut pas s'attendre à un babyboom lors de ces prochaines années: selon Eurostat (Office Statistique des Communautés Européennes), les femmes nées lors du babyboom des années 60 sont en train de devenir quadragénaires, et celles de la génération suivante, nées entre 1965 et 1975, sont beaucoup moins nombreuses. C'est particulièrement le cas en Belgique: l'année 1975 s'était révélée particulièrement maigre dans le domaine des naissances. Dès lors, non seulement les jeunes de cette année-là sont peu nombreux, mais en plus ils ne sont pas prêts de faire des bébés: en moyenne, les femmes belges décident d'être mère à l'âge de 28 ans.

Ensuite, la crise a également joué un rôle: la crise a eu pour effet de diminuer le nombre d'enfants par femme, et il faut attendre un certain nombre d'années avant que les couples s'y adaptent et dépassent le sentiment d'insécurité économique pour procréer de nouveau.

Enfin, selon François de Singly, un sociologue spécialiste de la famille, notre société vit aujourd'hui un "mouvement d'individualisation" qui consiste en une plus grande réalisation de soi. Ce que l'on recherche, à travers cette individualisation, c'est à devenir soi-même. Le principe d'autonomie et de liberté, dans ce mouvement d'individualisation, est très grand. "C'est évidemment un principe de déstabilisation de l'institution (à savoir l'institution de la famille)" avance François de Singly. Le sociologue estime également que ce mouvement d'individualisation va continuer de se poursuivre. Cela aura pour conséquence que la vie privée sera moins facilement lisible, ce qui n'empêchera pas, toutefois, qu'une très grande importance lui sera accordée. "La fin du XXe et le début du XXIe siècle sont marqués par la mondialisation et en contrepartie par un très grand attachement à la réalisation de soi dans la vie privée". Dans l'interview qu'il accordait à un journaliste du quotidien français "Le Monde", il ajoutait: "Dès que les familles entrent dans la modernité, il y a individualisation et baisse immédiate du taux de natalité. (...) En Europe, on va vers un modèle qui n'est pas celui de l'enfant unique ou de l'absence d'enfant. Les adultes sont convaincus, c'est une nouveauté, que s'occuper des enfants, c'est bien pour les enfants, mais aussi pour eux. (...) Il n'y a donc pas de dévalorisation de la natalité et le besoin d'enfant ne disparaît pas de l'Occident. Les enquêtes montrent en revanche que les mères ne veulent pas qu'enfant signifie enfermement." François de Singly remarquait également que "les pays, notamment la France, où la natalité se maintient relativement mieux qu'ailleurs, sont ceux qui ont mis en place des politiques familiales dans le cadre de l'Etat-providence. Il ne s'agit pas des allocations familiales, mais par exemple, de la possibilité de scolariser les enfants dès l'âge de 3 ans. C'est aussi le cas des cantines scolaires. Si on supprimait celles-ci, ou si on changeait le rythme scolaire, l'école n'ayant plus lieu que le matin, on aurait ce qui s'est passé en Allemagne: une partie des femmes se spécialise dans les enfants, et les autres n'en font plus. L'école maternelle, les cantines, les centres de loisirs du mercredi, sont des supports absolus de la natalité. L'exemple italien est également intéressant: tout lemonde ou presque se marie, généralement à l'église, et il y a une chute monumentale de la natalité. Il y a des discours sur l'enfant, mais aucun sur ces supports. On voit le résultat." Le sociologue concluait donc que l'important n'était pas les allocations familiales, "mais le fait que les familles soient entourées d'institutions qui les déchargent d'une série de services." De Singly rassurait également: "les mères ne sont pas passées du dévouement à l'égoïsme, mais du rejet du modèle du dévouement absolu au dévouement à condition qu'elles ne soient pas écrasées elles-mêmes. Elles sont persuadées qu'elles sont meilleures mères si elles sont salariées, parce qu'elles existent en tant que personne. La force du raisonnement est la suivante: pour que mon enfant devienne une personne,il faut que je sois moi-même une personne."

En outre, faut-il rappeler que depuis la dépénalisation de la contraception, la maternité est devenue pour la femme un choix, et non plus un destin, un devoir ou même une fatalité? Yvonne Knibiehler, professeur d'université française, s'exprimait à ce sujet dans Le Monde du 23 mars 1999: selon elle, il faut repenser la maternité, prendre en compte le statut de "l'enfant désiré". "Les nouvelles techniques contraceptives donnent à la femme seule la responsabilité d'une naissance. Chaque mère impose la vie à son enfant, puisqu'elle aurait pu éviter de le mettre au monde. Cette liberté de décision fait apparaître un sujet-mère derrière le sujet-femme. Cet enfant ne demandait pas à naître, c'est moi qui l'ai voulu: je lui dois donc le meilleur." Or, une mère n'offre-t-elle pas ce meilleur à son enfant plus aisément en tant que salariée plutôt qu'en tant que femme au foyer?

Les crèches et les structures d'accueil des enfants: des supports de natalité

En Belgique, il existe des structures d'accueil pour les enfants. Bien qu'il soit large (crèches, prégardiennat, maisons communales d'Accueil de l'Enfance, les halte-garderies, les gardiennes indépendantes, les maisons d'enfants, ...), le réseau de structures d'accueil pour enfants ne permet pas encore de satisfaire toutes les demandes. En effet, on dénombre dans la Communauté française 75 000 demandes, alors que seules 21 000 places sont disponibles. Dès lors, lorsque les parents souhaitent bénéficier des services d'une crèche, on leur conseille vivement d'inscrire leur enfant sur une liste d'attente bien avant sa naissance (le nombre de demandes étant si important). Dans ce domaine, il existe donc de réels besoins, pas tous satisfaits. Il n'est pas facile non plus pour les puéricultrices de devoir rejeter les nombreuses demandes, parfaitement valables si l'on tient compte de l'intérêt de l'enfant.

Ces dernières années de nouvelles demandes sont apparues avec l'évolution de la société: il s'agit notamment de demandes de chômeurs suivant une formation ou de personnes plus ou moins contraintes de travailler au noir. Parallèlement toutefois, les organismes subsidiant ont imposé de plus en plus de critères à satisfaire (et aussi de plus en plus de paperasserie!), ce qui explique que les crèches soient amenées à accorder davantage de priorités à certaines demandes plutôt qu'à d'autres. Si la direction du lieu d'accueil applique à la lettre les règles actuelles, et veut obtenir les subsides (essentiels!), elle est souvent obligée de refuser l'enfant d'une mère seule et déprimée ou celui d'une femme qui survit par du travail en noir...

Le secteur de l'enfance est pourtant un secteur porteur d'emploi. En 1996, une recherche sur la problématique de l'emploi dans le domaine de l'économie sociale et du développement des services de proximité en région de Mons-Borinage a été menée par le Comité Subrégional de l'Emploi et de la Formation. Par "services de proximité", on entend non seulement les services offerts par les garderies, les crèches, mais aussi ceux offerts aux personnes malades, l'aide ménagère, le nettoyage, le repassage, etc. L'étude citée ci-dessus avait pour objectif d'analyser le potentiel d'emplois susceptibles d'être créés dans la région de Mons-Borinage par le développement des services de proximité. Elle estimait que le nombre d'emplois susceptibles d'être créés variait de 954 à 3 254 unités (en fonction des différentes contraintes pouvant être imposées sur le marché: subsides versés à l'employeur, subsides versés aux travailleurs, aucun subsides versés). Or, en juin 1994, l'arrondissement de Mons comptait 4 504 chômeurs complètement indemnisés (le Hainaut tout entier en comptait 19 341). Cela signifie-t-il que si les pouvoirs publics de la région se mettaient à financer la création d'emplois de proximité, ils pourraient résorber plus de la moitié du chômage de cette région? En tout cas, cette étude n'est pas la seule à confirmer le gisement d'emplois existant dans le domaine des services de proximité. Une étude publiée dans la revue mensuelle Economie et Statistique de l'INSEE (décembre 1998) laisse entendre que le gouvernement français peut, face à la chute du nombre de créations d'emplois, puiser à nouveau dans les emplois de proximité. Cette étude indique d'une part qu'en 1996, plus de 4 millions de ménages ont eu recours à une aide de proximité pour la vie quotidienne. D'autre part, elle mentionne que de 1991 à 1997, les emplois familiaux sont passés de 350 000 à 470 000, soit une augmentation de + 33 %, alors que, sur la même période, l'emploi salarié a stagné (+ 0,3 %). Un dossier de La Libre Entreprise du 30 avril 1999, consacré à l'économie sociale, souligne également le gisement d'emplois de ce secteur: "(...) de 1993 à 1996, l'effectif de ce secteur se serait accru de 7 % (+ 19 000 personnes), alors qu'il stagnait dans le secteur privé et qu'il se contractait de 26 000 dans le secteur public." L'article rappelle aussi qu'il appartient aux pouvoirs publics d'intervenir pour rendre les activités de ce secteur possibles et viables. En effet, les activités du secteur de l'économie sociale sont à forte intensité de main-d'oeuvre et à faibles gains de productivité potentiels, ce qui se traduit par un prix de revient relativement élevé. Parallèlement, le prix que les consommateurs sont disposés à payer pour ces services sont inférieurs. Pourtant, le développement des services dits de proximité permettrait d'une part d'augmenter l'emploi des femmes dans des secteurs déjà très féminisés (crèche, repassage, soins aux enfants ou aux personnes âgées) et d'autre part, d'augmenter le temps libre des femmes qui travaillent, le bien-être des parents et de la population. On imagine que le développement de ces services diminuerait le stress des femmes (mais aussi celui des jeunes pères ou des pères célibataires) engendré par la difficulté de concilier la vie familiale et la vie professionnelle. De plus, les services de proximité se créent également dans d'autres domaines: l'environnement, les logements sociaux, l'aménagement des centres urbains, etc. Bref, beaucoup pourraient en tirer profit.

Même si, jusqu'ici, des mesures concrètes n'ont pas encore été prises en matière de création d'emplois de proximité, l'accueil des enfants n'est néanmoins pas un sujet qui a laissé les partis politiques indifférents. Depuis quelques temps en effet, les responsables politiques belges ont formulé diverses propositions en matière d'accueil des enfants en dehors des heures de cours. Le PSC avait été le premier à rédiger une proposition de décret. Cette proposition se prononçait pour l'accueil des enfants au sein de l'école (le point de vue du PSC est d'utiliser les structures d'accueil qui existent déjà: l'école). Le PRL-FDF, de son côté, avait déposé en mai 1998 une proposition de décret instaurant un service universel communal d'accompagnement social pour tous les élèves fréquentant l'enseignement maternel et primaire. Enfin, Ecolo avait déposé, quant à lui, une proposition de décret en novembre 1998, se prononçant pour un accueil de qualité organisé en dehors du cadre strictement scolaire. Représentant un droit pour les enfants et une obligation de service public, l'accueil devrait, selon les Verts, s'organiser par quartier, en interréseaux, sous l'égide de l'ONE. Face aux divergences que présentent ces propositions successives (tant au point de vue de l'organisation, des objectifs et du financement), la Ministre de l'Education, L. Onkelinx (PS) a proposé une démarche en trois temps, cosignées par plusieurs ministres, dont le Ministre des Affaires Intérieures, Bernard Anselme (PS). La première étape de cette démarche consiste en un inventaire des besoins qui sera réalisé par les Universités de Liège et de Bruxelles; la seconde en l'établissement d'un programme "contrat commune-enfant" (ces contrats devraient intégrer le principe d'égalité entre tous les enfants, mettre en jeu des mécanismes de solidarité financière entre les communes et garantir des critères de qualité); et la troisième en l'expérimentation dans quelques communes sélectionnées. Ce plan PS (appelé "projet Anselme") a fait son chemin, puisque le gouvernement wallon l'a approuvé le 25 mars 1999, donnant ainsi son feu vert au lancement d'expériences pilotes dans 27 communes (qui seront aidées à raison de 50 millions). Toutefois, comme on l'imagine, ce projet a suscité des disputes politiques, vu que le PS et les PSC ne partagent pas le même point de vue au sujet de l'accueil des enfants (le PS estime que l'accueil doit faire l'objet d'une organisation collective et donc se faire en dehors de l'école, tandis que le PSC défend un accueil au sein même de l'école). Ces différends politiques, se fondant d'une part sur la défense d'un service public local, et d'autre part sur la défense de l'enseignement libre, n'ont d'ailleurs pas été effacés par l'approbation du projet par le gouvernement wallon. Que nos politiques se mettent d'accord: au-delà de leurs disputes, il y a le souci des parents pour un meilleur accueil de leurs enfants en dehors des heures scolaires. Ce ne sont pas non plus nos hommes politiques qui vont chercher leurs enfants à l'école tous les jours ... Affaire à suivre, donc.

Quelques exemples européens

 

En 1990, l'Allemagne disposait de crèches pour 17 % seulement des enfants de 0 à 3 ans, la grande majorité d'entre elles se trouvant du côté est. Il faut croire que ce pourcentage a encore diminué depuis lors: l'Allemagne ne compte aujourd'hui, pour les 2,4 millions d'enfants de moins de 3 ans, que 164 000 places de garderie (à peine 7 % des petits Allemands peuvent en bénéficier). Le choix entre travail et enfants est donc souvent conflictuel pour les Allemandes, bien que tout enfant de 3 à 6 ans ait droit, depuis 1996, à une place dans un jardin d'enfants.

La Grande-Bretagne, quant à elle, comptait en 1990 le taux le plus élevé de l'Union Européenne de mères chefs de famille (au même moment, le chômage des hommes dépassait celui des femmes). Néanmoins, c'est en Grande-Bretagne que le secteur public finance le moins les services destinés aux enfants. Bien que les enfants soient admis dès 4 ans à l'école primaire, les écoles maternelles existent là-bas en nombre très limité. Il n'est donc pas étonnant qu'en 1991, le nombre de mères de famille travaillant à temps partiel ait été plus élevé que celles travaillant à temps plein... Notons néanmoins le nombre croissant d'initiatives qui ont été mises en oeuvre ces dernières années dans le domaine de l'accueil des enfants, notamment dans le cadre du projet européen Fair Play, un projet en faveur de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, et par de nombreuses organisations comme: "Out of School Childcare Initiative", "Daycare Trust", "National

Childminding Association", "Parents at Work", "Employers for Childcare", "Maternity Alliance",

Contrairement au Royaume-Uni, la France comptait en 1994 un taux élevé de femmes mères de famille travaillant à temps plein. 1/5 environ des enfants en bas âge étaient accueillis par des services financés par le service public. Dans le cadre de leur retraite, les Françaises bénéficient, pour le temps consacré à l'éducation de leurs enfants, de 2 années de cotisation par enfant.

Enfin, le Danemark compte un taux très élevé de femmes actives (plus de 80 % des Danoises sont actives). Le taux de naissance hors mariage, comme celui des divorces, est très élevé. 50 % des petits Danois sont pris en charge par le secteur public, dans un système d'éducation et de garde des enfants plus cohérent que dans beaucoup d'autres pays membres de l'Union Européenne. Il existe aussi là-bas ce qu'ils appellent les "forest kindergardens", situés dans la forêt, où les enfants passent le plus clair de leur temps à jouer.

L'interruption de carrière et le temps partiel: des moyens pour concilier vie familiale et vie privée?

Comme nous l'avons déjà vu dans ce travail, la législation belge permet aux travailleur-ses d'interrompre leur carrière. Avant de s'étendre davantage sur l'interruption de carrière et le congé parental, rappelons que le congé de maternité s'étend en Belgique sur 15 semaines, dont sept maximum peuvent se prendre avant la date présumée de l'accouchement, une minimum doit être prise avant cette date.

Depuis le 1er janvier 1998, les travailleurs salariés, liés par un contrat de travail depuis un an au moins, peuvent demander à leur employeur de leur accorder un congé de trois mois en raison de la naissance, ou de l'adoption d'un enfant. Il s'agit du droit au congé parental: appliqué dans le cadre de la Convention Collective de Travail n° 64, il ne nécessite pas l'accord de l'employeur qui, de son côté, n'est pas tenu de remplacer le travailleur qui s'absente. Néanmoins, ce système ne prévoit aucune rémunération pour le travailleur.

Par contre, si le congé parental est envisagé dans le cadre d'une interruption de carrière, le travailleur perçoit une allocation d'interruption à charge de l'Onem (depuis 1998, cette allocation s'élève à 20 000 par mois). Rappelons que dans le cadre de l'interruption de carrière, l'employeur est tenu de remplacer le travailleur par un chômeur complètement indemnisé.

Mais le travailleur-se peut également réduire ses prestations de travail dans le cadre de l'interruption de carrière et aménager son temps de travail pour élever son enfant. Il peut donc passer d'un temps plein à 1/5 temps, à 1/2 temps, ou encore à 1/4 temps. Il peut aussi demander une interruption de carrière plus longue, voire un congé de plusieurs années. L'explication selon laquelle le temps partiel est une forme de travail qui permet de concilier vie familiale et vie privée semble se confirmer par le fait que le taux d'activité à temps partiel augmente effectivement avec le nombre d'enfants, qu'il se concentre principalement chez les femmes de 25 à 39 ans (période de la vie où les charges familiales sont généralement les plus importantes). Les femmes travaillent à temps partiel essentiellement pour des raisons familiales, tandis que les hommes travaillent à temps partiel surtout parce qu'ils n'ont pas trouvé d'emploi à temps complet ou pour d'autres raisons. Soit. Mais il ne faut surtout pas omettre les inconvénients du temps partiel et de l'interruption de carrière:

- d'abord, les horaires à temps partiel sont souvent mal adaptés aux heures où les enfants sont en dehors de l'école; le recours aux services des crèches et des garderies n'est donc pas totalement exclu. Il arrive aux crèches d'accueillir des enfants dont les parents travaillent dans l'horeca (secteur d'activités où le temps partiel est très répandu). Le point commun des parents qui conduisent leurs enfants à la crèche: "des horaires de travail décalés, parfois fixes, souvent instables et flexibles, partiels ou complets";

- ensuite, le temps partiel et les interruptions de carrière réduisent fortement les perspectives de promotion au sein de l'entreprise;

- la sécurité de l'emploi à temps partiel est moindre;

- une longue interruption de carrière peut entraîner des coûts de formation à la charge de l'employeur;

- et enfin, l'interruption de carrière étant une mesure qui concerne essentiellement les femmes, elle agit comme un signal négatif à l'égard des femmes lorsqu'elles se présentent sur le marché du travail. "Les employeurs préféreront toujours employer des hommes car ils craignent l'absentéisme féminin" déclarait Danièle Meulders sur Radio Contact - Mons (radio belge), le 7 avril 1999. Cette crainte est justifiée puisqu'un peu plus de 85 % des bénéficiaires de l'interruption sont des femmes...

En outre, privilégier le temps partiel et l'interruption de carrière comme un moyen de concilier vie familiale et vie professionnelle ne revient-il pas à estimer qu'en fin de compte, la vie professionnelle et la vie familiale sont justement inconciliables, vu qu'il faut se retirer partiellement ou totalement du marché du travail pour élever ses enfants? Et surtout, ces moyens permettent-ils aux hommes de remettre en question le rôle qu'ils ont à jouer en tant que pères? Certainement pas: si cela était le cas, on aurait autant d'hommes que de femmes à temps partiel ou en interruption de carrière. Néanmoins, les hommes seraient peut-être amenés à revoir leur rôle de père si le congé parental devait, comme en Suède, être pris par le père et la mère (la législation suédoise impose en effet que le congé parental soit pris par les deux parents). Bref, le temps partiel et l'interruption de carrière à la belge ne remettent pas en cause le rôle de l'homme et de la femme dans la société; ils confortent l'un et l'autre sexe dans leur rôle traditionnel respectif...

 

L'homme, exclu du processus d'évolution?

 

"Moi, mon papa, il me fait vraiment chier. Vraiment. Il m'embête. D'ailleurs, maintenant je vais lui dire tout ce que je veux. J'aime pas que tu t'occupes jamais de moi. (...) C'est un peu comme ça, sauf quand y'a des invités. Mais sinon, c'est comme si nous on était invisible pour toi, qu'y avait que ton travail qui était visible. (...) Je sais que tu as du très long travail mais essaye de penser un peu à moi."

Témoignage d'un enfant de 9 ans.

Le mouvement féminin existe depuis longtemps. Du moins, il a vu le jour lors de la Révolution française, lorsque Olympe de Gouges revendiquait en 1791 l'émancipation de la femme dans la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne. Toutefois, les Jacobins la guillotinèrent, histoire d'aviser les autres femmes de ne surtout pas remettre en cause la suprématie des hommes (et surtout de quelques uns) sur les autres... C'est après la Deuxième Guerre mondiale que le mouvement féminin connaît son apogée. Les femmes, toutes ensemble, remettent tout en cause: elles remettent en cause leurs rapports avec les hommes, mais aussi leurs rapports avec leur propre corps. En 1948, les femmes belges acquièrent le droit de vote. En 1966, les ouvrières de la FN à Herstal revendiquent une rémunération égale pour un travail égal. En 1973, la législation belge met fin à l'interdiction de la publicité et de la distribution des contraceptifs. Sur une trentaine d'années, les femmes obtiennent ce que les hommes leur avaient interdit pendant des siècles. C'était d'autant plus légitime pour elles de tout remettre en question qu'elles étaient victimes de la domination masculine (ou plutôt misogyno-phallocrato-machiste). Les jeunes femmes d'aujourd'hui ne vivent plus dès lors comme leur grand-mère, c'est une évidence. L'évolution des hommes est-elle tout aussi évidente? On parle aujourd'hui de l'émergence d'un "nouvel homme", d'un homme "moderne"; pourtant, beaucoup ont l'impression que ce nouvel homme n'existe que dans les publicités. "Combien de pères gardent l'enfant malade à la maison?" s'interroge Yvonne Knibiehler. "Combien font réciter les leçons tous les soirs? Combien ont la patience de dialoguer indéfiniment avec un adolescent en effervescence?"

En 1990, 79,7 % des Espagnols n'accomplissaient, selon leur conjointe, aucune tâche domestique. Selon les femmes britanniques, cette proportion d'hommes n'exécutant aucune tâche domestique s'élevait à 70 %. Cette situation est compréhensible dans la mesure où, au Royaume-Uni, les longs horaires de travail sont profondément enracinés dans la culture, et réduisent au maximum le rôle du père dans la famille. Des enquêtes menées en 1994 au Royaume-Uni ont révélé que plus de la moitié des pères britanniques travaillaient plus de 40 heures/semaine, alors que la moyenne travaillaient plus de 47 heures.

Notons enfin, pour conclure, que la productivité des Britanniques est faible. En ce qui concernait la Belgique et la France, les pourcentages s'élevaient respectivement à 61 et 60,7 %. Seuls les pays comme le Danemark, les Pays-Bas et l'Irlande obtenaient des pourcentages inférieures à 50 %... "Les hommes sont nombreux à reconnaître qu'ils devraient aider plus activement dans le ménage et dans l'éducation des enfants mais seuls quelques uns mettent cette pensée en pratique" admettent Michel E. Domsch et Désirée H. Ladwig, coordinateurs du Réseau Européen "Family & Work". Les coordinateurs européens poursuivent: "Le pourcentage des hommes qui travaillent à temps partiel ou qui profitent du congé parental d'éducation lors de la naissance des enfants est extrêmement faible." Toutes ces données nous ne incitent pas vraiment à penser que les hommes ont véritablement changé: le nouvel homme, actif dans l'éducation des enfants comme dans les tâches ménagères semble relever du mythe... Comment expliquer un tel phénomène? Les hommes seraient-ils incapables de se remettre en question? "Il est très difficile pour les hommes de se remettre en question, d'exprimer un doute sur ce qu'ils sont: exprimer un doute, c'est en effet manifester de la faiblesse. Or, la faiblesse, c'est souvent perçu comme quelque chose de féminin" déclare Roland Mayerl, un architecte français lié à un "Réseau Européen des hommes proféministes" (non, non, ce n'est pas une blague...), un réseau d'hommes qui remet justement en question la masculinité telle que nous avons l'habitude de la concevoir, fortement marquée par le pouvoir, la domination, et la violence.

Pas facile pour les hommes de changer (ou de s'adapter?)...

Un article du quotidien belge Le Soir du 5 mai 1998, énonçant les résultats du sondage "Noir Jaune Blues" radioscopant la famille belge francophone, affiche ce titre terrible:

"L'homme en profonde crise d'identité". "Sous les coups de boutoir de la révolution sexuelle et de l'individualisme, le rôle traditionnel de l'homme a volé en éclats. Tant dans sa famille que dans la société" annonce Martine Vandemeulebroucke. La journaliste nous dépeint ensuite le sort tristounet de ces pauvres hommes obligés "désormais de cohabiter avec la femme dans l'entreprise comme dans les files de chômage." Par ailleurs, l'image du "macho cavaleur" n'est plus valorisée. "Cette dégringolade du "mâle" fait mal, très mal" souligne M. Vandemeulebroucke. Ces malheureux (soit huit hommes sur dix) ressentiraient leur vie comme bien plus compliquée, et se sentiraient moins sur d'eux. 62 % des hommes sondés (dont on nous rapporte les impressions de manière si pathétique) pensent que l'image de l'homme est bien celle de l'homme en déclin (une opinion partagée surtout par les 35 - 60 ans). L'homme serait menacé, en perte de repères. 58 % des hommes n'apprécieraient pas l'indifférenciation des sexes, que ce soit dans la famille ou sur le marché du travail, et la considéreraient comme source d'angoisse. Pire: pour 28 % des hommes sondés, l'évolution du rôle de l'homme serait un mal... Bref, de quoi culpabiliser toute cette clique de méchantes féministes (qui ont pourtant libéré les femmes d'un joug séculaire...). Mais les femmes, apparemment, ne sont pas si méchantes, puisqu'elles concèdent (avec hauteur?) que leurs compagnons ont, il est vrai, progressé: 69 % d'entre elles accordent que les hommes prennent part aux tâches ménagères plus qu'avant (72 % des hommes affirment participer davantage aux tâches ménagères). Toutefois, 30 % seulement des femmes pensent que les hommes prennent davantage part à l'éducation de leurs enfants. Mais encore une fois, ce n'est pas la faute des hommes: selon la journaliste, ce chiffre reflète sans doute l'évolution des ménages monoparentaux où la femme se retrouve seule à éduquer les enfants, "le père ayant été évincé, de gré ou de force." M. Vandemeulebroucke termine finalement son article de la manière suivante: "Dans son livre "L'un est l'autre", Elisabeth Badinter écrivait (en 1986 déjà) que les femmes alternent avec aisance les rôles masculins et féminins sans ressentir cette "bisexualité" comme une menace pour leur identité. En revanche, seule "une minorité d'hommes réagit favorablement au nouveau modèle. Ils manifestent de différentes manières qu'ils n'ont pas envie d'être les jumeaux des femmes."

Comme on le voit, il est effectivement difficile pour l'homme de remettre en question ce qui fonde son identité. Les hommes refuseraient-ils de changer? Manifesteraient-ils de la mauvaise volonté dans ce sens? Selon Michel E. Domsch et Désirée H. Ladwig, il existe un fossé entre la bonne volonté des hommes à reconnaître l'importance des responsabilités familiales et la mise en pratique de cette bonne volonté. Ce fossé est dû en grande partie aux barrières rencontrées sur le lieu de travail de même qu'aux différences de rémunération. Il ne faut pas négliger les préjugés des employeurs et des collègues auxquels les hommes doivent faire face lorsqu'ils souhaitent une réduction du temps de travail parce qu'ils ont des enfants en bas âge, ou lorsqu'ils veulent bénéficier du congé parental. De plus, lorsqu'un couple décide que l'un des conjoints doit arrêter de travailler pour s'occuper des enfants, c'est bien souvent la femme qui renonce à une activité professionnelle, étant donné qu'elle gagne souvent moins qu'un homme. Une réduction générale du temps de travail devrait non seulement permettre un partage plus équitable du temps de travail entre les hommes et les femmes, mais il devrait aussi être mis à profit pour un meilleur équilibre entre le travail des hommes et la paternité.

Il n'est pas non plus facile à l'homme de changer pour d'autres raisons. Ne vivons-nous pas dans une société où la performance est recherchée dans tous les domaines? L'homme doit être de plus en plus performant dans l'entreprise, de plus en plus performant au lit: exigerait-on qu'il soit un père parfait? Face à ces exigences multiples de performance, il est facile de comprendre que l'homme soit conduit à un état d'insécurité et d'angoisse. Il serait réducteur de considérer la source de ces angoisses uniquement dans les revendications des femmes: ne trouvent-elles pas aussi leur source dans le monde de l'entreprise? Les rivalités, les luttes pour le pouvoir, la course aux profits ne sont-elles pas propices à des sentiments d'angoisses et d'insécurité? Il faut également se rappeler la crise économique qui frappe de plein fouet le secteur de l'industrie (un secteur employant beaucoup d'hommes). En plus d'une mutation culturelle (impliquant un bouleversement dans les rapports entre les hommes et les femmes), les hommes traversent également une mutation économique, particulièrement rude: n'oublions pas qu'entre 1974 et 1993, plus de 550 000 emplois ont disparu dans le secteur secondaire, et près d'un homme sur trois y a perdu son travail.

 

Causes essentielles de la mutation culturelle

 

L'entrée massive des épouses dans le monde du travail a bel et bien bouleversé les rôles traditionnels de l'homme et de la femme: elle a modifié la stricte définition des rôles masculins et féminins qui avaient prévalu pendant plus d'un siècle. Selon Arlene Skolnick (Américaine), cette entrée des femmes sur le marché du travail est la conséquence d'une mutation du marché dans le sens du tertiaire et de l'économie de l'information. La modernisation de la société, ainsi que l'introduction des systèmes éducatifs, mettent en péril les anciennes structures patriarcales de la vie familiale. Ce changement du statut des femmes et des enfants a amené les hommes à perdre certains privilèges et l'autorité légitime dont ils jouissaient autrefois. Cela explique sans doute le fait que 63 % des hommes sondés dans le cadre de l'enquête menée par Le Soir en 1998 aient le sentiment d'avoir moins d'autorité sur les enfants qu'avant (ce qui les perturbe aussi puisqu'ils traversent une "profonde crise d'identité"). Progressivement, nous sommes donc arrivés à une reconnaissance croissante des droits de la femme mais aussi des droits des enfants.

 

Comment les hommes réagissent-ils face au changement de statut des femmes et des enfants? A. Skolnick distingue trois formes de réactions des hommes. D'abord, elle distingue le désistement des pères au niveau des rôles familiaux: il s'agit ici de l'homme fuyant l'engagement, du père se soustrayant aux responsabilités envers son (ou ses) enfants. Pour illustrer ce type de comportement, Skolnick cite l'exemple des pères américains qui devraient verser une pension alimentaire à leurs enfants suite à un divorce, et qui néglige de le faire. Pour éviter ce genre de situation, de nouvelles lois doivent bien entendu être promulguées pour forcer ces pères démissionnaires à remplir leurs obligations. Le cadre légal du divorce ne doit pas favoriser l'effacement pur et simple du père de la vie de son enfant. Est-il normal que les textes légaux parlent de droit de visite plutôt que de "devoir de garde"? Est-il normal que des pères ne soient autorisés à voir leurs enfants que deux heures par semaine? "D'une manière générale, la sévérité la plus féroce pour les hommes s'accompagne de la plus grande indulgence pour les mères."

Ensuite, se profile le "nouveau" père. Ce type de père s'occupe davantage de ses enfants. Skolnick cite l'exemple des pères célibataires chefs de famille. Il faut savoir qu'aux Etats-Unis, en 1992, un ménage monoparental sur six était dirigé par un homme. Dans les années 80, de plus en plus d'articles sur la nouvelle paternité sont apparus dans la presse américaine: ces articles ont décrit une génération d'Américains plus impliqués que jamais dans l'éducation de leurs enfants. Il s'agit de pères restant à la maison avec leurs enfants, les langeant, les conduisant et allant les chercher à l'école. Ce nouvel intérêt que portaient les pères à leurs jeunes enfants a même eu des conséquences sur l'aménagement des toilettes publiques pour hommes dans les aéroports et les centres sportifs américains, où des tables à langer sont prévues. Est-ce ce type de nouveau père que l'on nous représente dans les publicités? Selon Adrienne Burgess (journaliste australienne), l'homme en train de langer, de faire la vaisselle et le nettoyage, ou encore l'homme seul avec son enfant est souvent présenté dans les publicités parce qu'il plaît aux femmes, "les études de marché ayant démontré qu'elles aiment voir les hommes échouer dans ces domaines"

Ces nouveaux pères n'existent pas seulement qu'aux Etats-Unis. Il en existe aussi en Belgique: Roland Mayerl, architecte (interviewé dans le cadre de cette étude) travaille chez lui, ce qui lui permet évidemment de s'occuper davantage de ses enfants. Mais cet investissement familial peut prendre des proportions démesurées: c'est le cas d'Alain (nom d'emprunt), très impliqué dans une association de défense du droit des pères, dans laquelle il milite depuis longtemps. A Isabelle Willot, journaliste du Soir, il confie: "Des enfants, j'en ai toujours voulu. Indépendamment de la mode du "nouveau père". Lorsque nous nous sommes mariés, ma femme et moi, nous avions le projet d'en avoir quatre. Au début, tout allait bien. C'est peu après la naissance de ma fille que les choses ont changé. Je n'ai toujours pas compris pourquoi nous nous sommes séparés. Ma femme est partie pour réfléchir. Six mois après, elle demandait le divorce et la garde du bébé. Je devais me contenter d'un droit de visite. Accepter de ne voir ma fille de 3 ans qu'un week-end sur deux. C'était inconcevable. Je ne pouvais tolérer de devenir ce père déchu de tous ces droits qui pourtant n'a pas commis de fautes." C'est au bout d'un combat de plusieurs années qu'Alain a obtenu un droit de visite "élargi". Alain a même accepté de gagner moins d'argent, de réorganiser sa vie, afin de pouvoir être toujours près de sa fille lorsqu'elle était chez lui. La loi de 1995, établissant l'exercice de l'autorité parentale par les deux parents a représenté une victoire pour son association.

"Auparavant, on assistait à un véritable assassinat social des pères, avec la complicité des juges, des flics. Et des féministes: le pire, c'est qu'elles ne savent pas ce qu'elles veulent. Le père est pas assez présent, ou trop présent lorsqu'il s'immisce dans le foyer. L'homme qui s'investit dans sa famille prend le pouvoir." Ce n'est pas fini. Pour Alain, il s'agit aussi d'un problème économique: on aurait dévalorisé le travail ménager pour "envoyer la femme au boulot." "Pour avoir plus de fric, on abandonne les enfants à la crèche. La mère, indépendante financièrement, peut chasser le père, fusionner avec l'enfant. On va droit vers l'horreur. Demain, la femme fabriquera des clones psychologiques." On comprend mieux à présent pourquoi l'épouse d'Alain a demandé le divorce. Bien entendu, il faut préserver l'enfant d'une "passion fusionnelle" avec sa mère pour lui assurer un bon développement, mais de là à sacrifier activité professionnelle et indépendance financière...

Néanmoins, tous les pères qui s'occupent de leurs enfants ne militent pas dans une association de défense du droit des pères: d'autres le font sans pour autant en parler ouvertement. Certains pères préfèrent même déclarer à leurs collègues, lorsqu'ils quittent le bureau à 16 h avec précipitation, qu'ils vont chercher la voiture au garage plutôt que d'avouer qu'ils vont chercher les enfants à l'école... "Mon époux adore s'occuper des enfants" déclarait une responsable de recrutement interviewée dans le cadre de cette étude.

 

Toutefois, il travaille dans un milieu professionnel très "masculinisé", où il est très mal perçu qu'un père déclare qu'il se dépêche de partir pour aller chercher les enfants à l'école."

Enfin, le troisième type de réaction que distingue A. Skolnick se traduit par la réaffirmation du patriarcat et des rôles traditionnels. Certains hommes pensent: "Elles sont plus féministes, donc il faut être plus machos."

Arlene Skolnick remarque également que les chercheurs ont tendance à n'éclairer qu'un seul paramètre du problème: ils cherchent en effet à déterminer les effets nocifs provenant de l'éloignement de la structure familiale traditionnelle, sans prendre en compte les facteurs qui permettent aux familles de bien fonctionner (il me semble souvent que Jean-Claude Kaufman ait cette fâcheuse tendance). Comme le rappelle l'auteur, c'est moins la morphologie de la famille qui importe que son bon fonctionnement. Ainsi, certaines études montrent que les mères sont capables d'élever, seules, des enfants bien équilibrés, tandis que d'autres montrent la relation entre l'absence du père et des problèmes divers de développement. Par exemple, les recherches ont longtemps mis en évidence l'absence du père comme un facteur de délinquance juvénile. Selon Serge Ginger, psychothérapeute, un toxicomane sur deux a souffert, durant son enfance, d'une lacune grave en terme d'autorité paternelle. L'absence du père, selon Christiane Olivier, empêche le garçon de s'identifier à son père. "Ne pouvons-nous constater, écrit-elle, "que, par crainte de ne pas faire partie des mâles, nos garçons n'hésitent pas à faire partie de bandes de garçons qui ne manifestent leur virilité que par leur courage à s'engager toujours plus loin dans la violence et la délinquance?" Ce n'est sans doute pas par hasard si, en Angleterre, le gouvernement de Tony Blair a mis au point des mesures visant à responsabiliser les parents, dans le cadre de la prévention et de la répression de la délinquance. Ces mesures se traduisent par des cours sur la fonction paternelle au cours desquelles des jeunes pères détenus apprennent à s'occuper d'un bébé, à comprendre les besoins d'un enfant (il existe aussi des structures pour apprendre aux mères à jouer et "à créer du lien", des visites organisées au commissariat où des enfants ayant eu affaire à la police visionnent un film effrayant sur la vie carcérale!)

 

A. Skolnick note aussi que les conséquences de l'implication des hommes dans la famille dépassent la question des effets sur les enfants. "On sait que la vie familiale influence le bien-être des hommes. On dispose d'un grand nombre de données qui montrent que le mariage est bénéfique pour l'homme et que le célibataire court plus de risques d'avoir des problèmes de santé et des problèmes psychologiques." En outre, il est établi que l'implication des hommes dans les familles est liée à la qualité de vie dans la société. L'anthropologue Michelle Rosaldo (1974) a observé que les sociétés les plus égalitaires étaient celles dans lesquelles les deux sexes prenaient part à la vie publique et privée et dans lesquelles les hommes participaient activement aux tâches du ménage.

 

La participation des hommes aux tâches ménagères

 

Au niveau des tâches ménagères, les hommes adoptent également diverses attitudes. Une étude effectuée en 1980 et relative à l'évolution du rôle des hommes dans les familles a mis en évidence quatre types d'hommes.

Parmi ces hommes, on distingue ce que les chercheurs de l'étude ont appelé les "progressistes" (13 %): il s'agit de jeunes mariés, possédant un niveau d'instruction élevé ainsi qu'un niveau de revenu au-dessus de la moyenne. Ces hommes sont très tolérants à l'égard des femmes qui travaillent à l'extérieur du foyer, et participent assez activement dans les tâches ménagères. Plus ou moins 90 % de ces hommes lavent la vaisselle, 70 % préparent les repas et 60 % font les achats de nourriture.

 

D'autres hommes, bien qu'ils aient adopté des attitudes de "progressistes", n'ont pourtant pas un comportement qui corresponde à ces attitudes: ils sont 33 % à tenir des discours sur la participation aux tâches familiales, sans toutefois les mettre véritablement en pratique. 50 % d'entre eux font la vaisselle et 20 % font les achats de nourriture.

 

Un troisième groupe d'hommes, les "ambivalents" (15 %), préféreraient que leur épouse demeure à la maison, mais acceptent à contre coeur que leurs femmes travaillent à l'extérieur à cause de pressions économiques et sociales. Environ 80 % de ces hommes lavent la vaisselle, 50 % préparent les repas et 60 % font les courses.

 

Enfin, on distingue les "traditionnalistes" (35 %): généralement plus âgés et moins instruits, ces hommes s'imaginent encore que la place de la femme est à la maison. Environ 30 % de ces hommes font la vaisselle et 10 % préparent les repas.

 

Conclusion

Faut-il encourager la paternité et la participation des hommes aux tâches ménagères, ou faut-il maintenir les rôles traditionnels de l'homme et de la femme? Comme nous le constatons, le modèle familial traditionnel est remis en question, d'une part depuis l'entrée des femmes sur le marché du travail, et d'autre part depuis le mouvement d'individualisation qui s'est produit. Les études anthropologiques de Wallace (1970) suggèrent qu'une mutation culturelle se poursuit accompagnée d'un processus (pénible) d'adaptation. Les stades précoces du changement sont les stades où les normes existantes sont ébranlées. Ces stades sont aussi caractérisés par des tensions individuelles et familiales. C'est à ce stade que les époux sont susceptibles de se quereller (ces tensions ne se traduisent-elles pas aujourd'hui par un nombre élevé de divorces?). Mais il peut aussi arriver que les problèmes personnels deviennent des problèmes publics (les structures d'accueil des enfants, comme nous l'avons vu au chapitre précédent, ont fait l'objet de diverses propositions émanant de partis politiques). Il s'ensuit une période de lutte culturelle, pendant laquelle les chefs religieux et politiques et les commentateurs débattent de la signification des changements et de l'émergence de mouvement sociaux. Certains plaident pour un retour aux formes anciennes (les machos?), d'autres s'engagent dans la nouveauté avec passion (des hommes "proféministes"?). Un nouveau consensus prend alors forme et réconcilie les anciennes valeurs culturelles et les nouvelles réalités.

Pour conclure, soulignons que la transformation de la vie des femmes s'est ancrée dans une mutation économique et sociale de longue durée: elle ne pourra sans doute plus être inversée. Pour A. Skolnick, la question qui se pose est de savoir comment les hommes et les institutions changeront afin de permettre une adaptation aux nouvelles réalités de la vie familiale.

En conclusion

Les structures d'accueil des enfants, bien qu'elles s'avèrent soutenir le travail des femmes et même la natalité, demeurent insuffisantes malgré le taux d'activité des femmes de plus en plus élevé. Quant aux hommes, le travail des femmes, tout comme la crise économique, les a entraîné vers une crise identitaire. Certains hommes fuient les responsabilités familiales (et les femmes aussi?), tandis que d'autres se réfugient dans les valeurs traditionnelles et réaffirment le patriarcat. D'autres enfin s'adaptent à la nouvelle situation familiale et participent aux tâches ménagères et à l'éducation des enfants.

 

Chapitre V

La sensibilisation vis-à-vis de l'égalité des chances

L'objet de ce travail est d'étudier la sensibilisation des sociétés du secteur tertiaire marchand vis-à-vis de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Mais que signifie "égalité des chances entre les hommes et les femmes"? A quel(s) concept(s) cette notion renvoie-t-elle? Bien souvent, les responsables des ressources humaines, comme le public ont une notion vague à l'égard de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Les uns croient que l'égalité des chances implique qu'il y ait autant d'hommes que de femmes dans chaque fonction de l'entreprise; d'autres pensent qu'appliquer l'égalité des chances, c'est ne faire aucune distinction entre les sexes. En réalité, pour permettre une véritable égalité des chances entre les femmes et les hommes, il s'agit d'une part de déterminer les différences entre les femmes et les hommes, et d'autre part gérer ces différences afin que l'un et l'autre sexe ait les mêmes chances (au niveau de la rémunération, de la formation, de promotion, ...) au sein de l'entreprise. Il ne s'agit donc pas d'ignorer les différences, mais de les prendre en compte pour une meilleure gestion des ressources humaines. Deux concepts permettent de le faire: le "mainstreaming" (ou l'intégration de la dimension de l'égalité des chances) et l'"idéologie de la différence" (ou la gestion de la diversité). Ce sont donc ces deux concepts qui seront développés au cours de ce chapitre.

Par la suite, j'étudierai dans quelle mesure les entreprises du secteur tertiaire marchand sont sensibles à l'un ou l'autre concept, sur base d'interviews réalisées dans le cadre de ce travail. Par ailleurs, je tenterai de déterminer comment mieux sensibiliser les entreprises vis-à-vis de l'égalité des chances.

Le mainstreaming

Certains employeurs se disent aveugles à la différence lors du recrutement, que cette différence soit ethnique, sexuelle ou sociale. Leur politique de recrutement est simplement basée sur la politique suivante: employer les meilleurs candidats qui soient, quel que soit leur sexe, leur nationalité, leur couleur de peau, etc. Dans un article sur la présence des minorités ethniques dans la presse britannique, Gary Younge, un journaliste noir du quotidien "The Guardian", explique comment ce type de politique se traduit dans le monde des médias. "Dans les médias, écrit-il, cela signifie habituellement recruter de bouche à oreille, à travers les réseaux informels: on recrute une personne dont on a entendu parler lors d'un dîner, quelqu'un qui a impressionné lors d'un voyage de presse, en encore quelqu'un qu'on a rencontré dans un pub. Le problème, avec ces réseaux, est qu'ils sont souvent non seulement sociaux, mais aussi culturels, raciaux et sexué. Bref, l'élite journalistique recrute un personnel à son image, et ce faisant renforce l'état actuel de celle-ci: blanche, masculine et bourgeoise."

Cet exemple illustre combien l'impact d'une politique de recrutement dite "neutre" peut être différent sur les candidats, selon qu'il s'agisse d'hommes, de femmes, de personnes de couleur, etc., alors que cette conséquence n'est ni prévue, ni envisagée.

Pour éviter ce type de conséquences négatives (mais non intentionnelles) à l'égard des hommes et des femmes, il existe un procédé: il s'agit de l'évaluation de l'impact selon une perspective de genre.

L'évaluation de l'impact selon une perspective de genre permet de prendre en compte la problématique hommes-femmes dans toutes les politiques et tous les programmes, afin d'analyser les conséquences respectives sur les hommes et les femmes. En février 1996, la Commission Européenne a adopté une Communication sur le "mainstreaming", à savoir l'intégration de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes dans l'ensemble des politiques et actions communautaires, comme première étape vers la concrétisation de l'engagement de l'Union Européenne vis-à-vis de l'intégration de l'égalité femmes-hommes au niveau communautaire. Dans un "document stratégique" de suivi de cette Communication, toute une série de mesures ont été formulées: l'évaluation de l'impact selon le genre figure parmi les prioritaires.

Le traité d'Amsterdam a formalisé cet engagement de l'Union Européenne vis-à-vis de l'intégration au niveau européen: il mentionne explicitement que "la Communauté cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes", parmi les tâches et les objectifs de la Communauté (articles 2 et 3 du TCE).

En outre, dans le prolongement de la Conférence de Pékin, l'évaluation de l'impact selon le genre a été adoptée par un certain nombre de gouvernements européens comme un instrument de mise en oeuvre de l'intégration.

Deux concepts de base: le sexe et le genre

Deux concepts de base sont au coeur de la stratégie d'intégration de la politique d'égalité entre les femmes et les hommes. Il s'agit du concept du "sexe" et celui du "genre". Le sexe fait référence aux différences biologiques existant entre les hommes et les femmes: ces différences sont universelles. Le genre, quant à lui, fait référence aux différences sociales entre les femmes et les hommes: ces différences sont acquises, varient au fil du temps et connaissent d'importantes variations, tant à l'intérieur des cultures qu'entre elles. Illustrons la distinction de ces deux concepts par un exemple: si seules les femmes peuvent donner la vie (différence biologiquement déterminée), la biologie ne déterminera pas qui élèvera les enfants (comportement sexué).

 

Egalité entre les femmes et les hommes

Par égalité entre les "genres", on désigne que tous les êtres humains sont libres de développer leurs aptitudes personnelles et de procéder à des choix sans être limités par des rôles de genre stricts. Par ailleurs, on indique dans le cadre de cette notion d'égalité que les différences de comportements ont la même valeur et la même faveur. Un traitement inégal et des mesures d'incitation (comme les "actions positives", terme que j'expliciterai plus loin) peuvent être nécessaires pour compenser la discrimination passée et présente.

Définition du mainstreaming

Comme je l'ai déjà indiqué, c'est la Communication de la Commission Européenne, adoptée en février 1996, qui a rendu explicite la stratégie de mainstreaming. Selon la définition qu'en donne la commission, le "mainstreaming" (ou l'intégration de la dimension de l'égalité des chances) est la prise en considération systématique des priorités et des besoins respectifs des femmes et des hommes dans toutes les politiques et actions communautaires.

 

Les différences entre les hommes et les femmes seront observées à travers divers critères.

Ces critères sont:

- la participation: il s'agit de la répartition du ou des groupes cibles de la population par sexe, de la représentation des femmes et des hommes aux postes de prise de décision;

- les ressources: parmi les ressources, on peut retrouver le temps, l'argent, le pouvoir politique et économique, les nouvelles technologies, les moyens de transports, l'éducation et la formation, le travail et la carrière professionnelle, les loisirs, l'espace, l'information;

- les normes et les valeurs: elles influencent le rôle des hommes et des femmes, la division du travail en fonction du sexe, les attitudes et comportements des femmes et des hommes. Elles influencent également les inégalités dans la valeur attachée aux hommes et aux femmes, ou aux caractéristiques masculines et féminines;

- les droits: ils concernent la discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, les droits de l'homme et l'accès à la justice dans un environnement juridique, politique ou socio-économique.

Comprendre ces différences et leurs implications au niveau des politiques forme ce qu'on appelle une "perspective de genre".

Pour illustrer cette analyse des différences à travers les critères cités ci-dessus, prenons l'exemple du temps de travail. Comment la réglementation pour le temps de travail peut-elle avoir un impact différent selon le genre? Lorsqu'on réglemente le temps de travail ou les droits et contraintes relatifs au travail à temps partiel, les différences entre les sexes relatives au temps consacré à un travail rémunéré et non rémunéré devraient être prises en compte. La plupart des travailleurs à temps partiel sont des femmes. Or, les femmes passent en moyenne deux tiers de leur temps de travail en activités non rémunérées, les hommes un tiers seulement. Ces différences se répercutent évidemment sur le taux d'activité par sexe (critère de participation) et sur la répartition des ressources (temps, revenus, possibilités de carrière). Les normes et les valeurs contribuent au choix des femmes et des hommes dans l'éducation et la carrière ainsi que dans la répartition interne des tâches et des responsabilités dans le ménage. Les différences au niveau des droits des travailleurs à temps plein et à temps partiel auront eux aussi des répercussions différentes sur les femmes et les hommes. Toutes ces différences devraient être prises en considération par les pouvoirs politiques lorsqu'ils réglementent le temps partiel, afin d'éviter leur renforcement au niveau du taux d'activité, de la répartition des ressources, des normes et des valeurs, et des droits. Bref, il faut tenir compte des différences pour supprimer les inégalités (les unes n'impliquant pas forcément les autres).

La stratégie conçue pour promouvoir la perspective de genre implique le recours à des mesures particulières visant à garantir que l'égalité est appliquée "horizontalement" et "verticalement": ces mesures "positives" prennent la forme d'"actions positives". Exemple: des actions positives doivent être menées pour encourager la déségrégation de l'emploi et permettre d'éliminer les rigidités du marché du travail. Même si les politiques de déségrégation ont permis d'élargir les choix professionnels des femmes, ces politiques doivent être complétées par une action positive visant à promouvoir la participation des hommes à des professions "féminines" (il s'agit ici d'éliminer la ségrégation hommes-femmes horizontale). En effet, la division actuelle du travail par sexe est un obstacle à la flexibilité du marché du travail et restreint le nombre de candidats potentiels pour tout poste vacant. En outre, le "plafond de verre" reste un obstacle à l'accès des femmes à des postes élevés (ségrégation femmes-hommes verticale). Avec la tendance démographique actuelle au vieillissement de la population et à une participation accrue des femmes à la main-d'oeuvre, les possibilités d'emploi dans le secteur des soins (enfants, personnes âgées) augmenteront probablement. Les mesures d'incitation (droits) pour promouvoir la participation des hommes au secteur des soins pourraient contribuer à répondre aux besoins croissant en main-d'oeuvre dans ce secteur. Cela pourrait représenter de nouvelles possibilités d'emploi à des hommes peu ou semi-qualifiés, tout en promouvant une plus grande égalité dans la répartition du travail entre les femmes et les hommes. Notons que ce type d'action positive a déjà été lancée en Norvège. L'idée sous-jacente est que de nouveaux modèles de rôles masculins et féminins auront un impact positif sur la socialisation hommes-femmes des garçons et des filles (les enfants auront une autre image de l'homme et de la femme). Cette action positive contribuerait dès lors à modifier les normes et valeurs existantes. Le problème des bas salaires (ressources) dans les professions "féminines" constitue également un obstacle au recrutement du personnel masculin pour occuper ces emplois. Mais si les hommes étaient mieux représentés dans ces professions, cela pourrait sans doute avoir un impact positif sur le niveau des salaires).

 

La mise en oeuvre du mainstreaming

Selon Dina Sensi (Université de Liège - Belgique), la mise en oeuvre du mainstreaming implique des "savoir-être" et des "savoirs-faire".

Les "savoirs-être" se traduisent d'abord par la capacité de se remettre en question dans les relations entre les hommes et les femmes. Il faut remettre en question le rôle des femmes et des hommes, leur place respective dans la société, etc. Bien entendu, ce travail sur soi n'est pas facile mais il est nécessaire pour s'engager dans le mainstreaming. Ensuite, "savoir-être", c'est être porteur d'une valeur: celle de l'égalité des chances. Evidemment, certaines personnes sont plus porteuses de cette valeur que d'autres: l'engagement des personnes dans le mainstreaming va donc dépendre du degré d'engagement de chacun par rapport à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Une première catégorie de personnes va empêcher le dialogue et vont manifester de la méfiance et de l'opposition: dans ce cas, la dimension d'égalité des chances sera vécue comme imposée. Un deuxième groupe de personnes va nécessiter un soutien, des consultations, des opérations de sensibilisation, un partenariat avec des experts en égalité des chances. Et enfin, on distingue un troisième groupe de personnes particulièrement convaincues de l'égalité des chances et s'organisant entre elles pour intégrer systématiquement cette notion à leurs préoccupations. Il est facile d'imaginer que plus il y aura de personnes convaincues, plus l'intégration de la dimension "égalité des chances" sera réussie. On distingue un dernier "savoir-être": celui d'admettre les différences et de changer le "combat". La perspective des genres oblige d'une part à considérer les femmes au même titre que les hommes, et d'autre part, à mettre des mots sur les différences existant entre les hommes et les femmes (différences qui, jusqu'ici, pouvaient être ignorées). Cela implique donc un changement dans le combat contre l'inégalité: ce dernier "savoir-être" implique qu'il faut rompre avec la logique habituelle du combat féministe consistant à victimiser les femmes dans leur ensemble.

Parmi les "savoirs-faire", on distingue d'abord celui qui implique une considération du mainstreaming comme un processus d'acculturation. En effet, il faut considérer le mainstreaming comme un véritable changement culturel (qui requiera du temps, de la maturation). Ensuite, un diagnostic de départ est nécessaire, c'est-à-dire qu'il faut procéder à une analyse de la "position" initiale des personnes, des organisations qui devront être impliquées si l'on veut mettre en oeuvre le mainstreaming. Certaines personnes, certaines organisations seront plus vite prêtes que d'autres à intégrer le mainstreaming: les stratégies à développer pour le mettre en oeuvre seront fonction de la position de ces personnes, de ces organisations vis-à-vis de l'égalité des chances. On peut se retrouver face à plusieurs situations. La première est celle où les personnes n'ont aucune connaissance ou aucune pratique en matière d'égalité des chances, parce que leurs préoccupations professionnelles ne les ont jamais incitées à s'interroger au sujet de l'égalité des chances. Pour ces personnes, s'interroger à ce sujet est inutile, elles pensent qu'il n'y a plus de problèmes de cet ordre dans notre société.

Une deuxième situation est celle où certains responsables (hommes et femmes) expriment une approbation de principe par rapport à l'égalité des chances. Ces personnes disposent de quelques connaissances en la matière, mais estiment qu'il appartient surtout aux femmes de démontrer qu'elles sont capables d'occuper des postes à responsabilités. Le concept de discriminations positives en faveur des femmes est refusé catégoriquement. La seule stratégie adoptée pour une meilleure égalité des chances est simplement l'ouverture des postes aux femmes qui le méritent. Enfin, une troisième situation peut se présenter: dans ce cas, on se trouve face à des spécialistes de la question, telles que, par exemple, des conseillères en égalité des chances. Ces personnes peuvent très bien maîtriser des connaissances en la matière, mais pas du tout en matière de mainstreaming et perspective des genres. Néanmoins, ces personnes se caractérisent souvent par un engagement fort dans le combat féministe. Il peut aussi arriver qu'elles soient stigmatisées et considérées comme les "empêcheuses de tourner en rond" par le reste de l'institution.

Le troisième "savoir-faire" consiste à sensibiliser et former les acteurs concernés. Cette sensibilisation et cette formation concernent autant l'institution dans sa globalité (on peut dès lors organiser des conférences, élaborer des briefings, etc. afin de changer la culture de l'institution) que les acteurs clés (il s'agit de déterminer les personnes directement responsables de la mise en oeuvre du mainstreaming: responsables des ressources humaines, responsables du service communication, etc.) et les experts en égalité des chances et en mainstreaming (ceux ou celles-ci seront chargés d'acquérir une expertise et d'assurer le pilotage de la mise en oeuvre du mainstreaming). Le quatrième "savoir-faire" consiste à se mettre en projet de changement: il s'agit ici de planifier une transformation d'envergure. C'est à ce stade que l'on définit les objectifs de changement, établit les priorités, développe les actions nécessaires, responsabilise les acteurs, établit le timing, fournit les ressources indispensables et assure le suivi et l'évaluation de l'action. Le cinquième "savoir-faire" consiste à changer ce qui existe déjà dans l'institution et à élaborer des projets en vue de construire autrement le futur. Le sixième "savoir-faire" consiste à créer un dispositif institutionnel du mainstreaming. Ce dispositif reflète la reconnaissance officielle de l'engagement de l'organisation dans le mainstreaming. Et enfin, le dernier "savoir-faire" consiste à formaliser et utiliser de manière systématique une démarche prenant en compte la dimension du genre.

 

Les actions positives

Comme on le voit, le concept de "mainstreaming" favorise les actions positives. En Belgique, la politique en matière d'égalité des chances entre femmes et hommes est inscrite dans différents lois et accords interprofessionnels.

Un arrêté royal du 14 juillet 1987 forme l'une des mesures législatives les plus importantes dans ce domaine. Cet arrêté royal règle les mesures relatives à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes dans le secteur privé. Il définit également les actions positives comme un instrument concret pour une politique d'égalité des chances. Toutefois, l'arrêté royal n'indique aucune obligation d'établir un plan d'égalité des chances, il représente plutôt un incitant pour les entreprises qui veulent élaborer un tel plan.

Néanmoins, un arrêté royal du 12 août 1993 relatif au rapport annuel sur l'égalité des chances obligera l'entreprise à rédiger, chaque année, un rapport sur l'égalité des chances (ce rapport réalise en fait un relevé dans le domaine de l'emploi masculin et féminin). Cette mesure, à caractère obligatoire mais ne prévoyant aucune sanction en cas de non respect de l'obligation, reste encore peu appliquée par les entreprises. Beaucoup d'entreprises méconnaissent en effet cette mesure: toute organisation souhaitant davantage d'informations au sujet du rapport annuel sur l'égalité des chances peut contacter la Cellule Actions Positives du Ministère de l'Emploi et du Travail.

En 1992, un arrêté royal relatif aux actions positives dans le cadre d'une restructuration va compléter l'arrêté royal du 29 août 1995: celui-ci oblige les entreprises en difficulté ou en restructuration à joindre au plan de restructuration un plan d'actions positives pour les travailleuses.

C'est dans le cadre de l'Accord interprofessionnel de 1989 - 1990 qu'une cellule d'accompagnement sera mise en place au sein du Service des Relations Collectives de Travail du Ministère de l'Emploi et du Travail: c'est la naissance de la Cellule Actions Positives. L'experte francophone chargée de développer les actions positives est Françoise Goffinet.

Mais qu'entend-on par "actions positives"? Il s'agit d'un ensemble cohérent de mesure visant à réaliser l'égalité de fait entre femmes et hommes, et ce dans tous les aspects du travail tels que le recrutement, les conditions de travail, la promotion, la formation et le régime de licenciement, ...

Deux catégories d'actions positives peuvent être distinguées:

- les actions positives axées sur des secteurs et des professions traditionnellement "masculins" où les femmes sont pour ainsi dire absentes é les actions positives contribuent dans ce cas à une plus grande présence des femmes;

- les actions positives axées sur des secteurs qui occupent traditionnellement beaucoup de femmes mais qui seront, à l'avenir, confrontés à une pénurie d'emplois é les actions positives visent dans ce cas à améliorer la qualité de vie dans l'entreprise.

Soulignons également que dans le cadre d'un plan "actions positives", il n'y a ni vainqueur, ni vaincu: les hommes, les femmes, l'employeur, tous en tirent avantage. Les actions positives doivent être perçues comme un instrument efficace pour augmenter les qualifications, l'efficacité, les perspectives de promotion de carrière et la motivation du personnel. Leur objectif est aussi d'améliorer de façon structurelle la position des femmes sur le marché du travail.

Les plans d'actions positives font aussi partie d'un processus très lent de changement de mentalité. Avant de pouvoir parler d'un véritable changement, il est souvent plus réaliste de parler en terme d'années qu'en terme de mois. Les délais sont encore plus longs lorsque l'on veut mettre en oeuvre les actions positives au niveau sectoriel...

Un plan d'actions positives comprend plusieurs étapes. La première étape est l'étape de l'engagement: les partenaires sociaux formulent une déclaration d'intention de l'entreprise, officialisant ainsi l'engagement qu'ils prennent de mettre en place les actions positives. La seconde étape est celle de l'analyse: cette analyse porte sur les données collectées au sujet de la situation de l'emploi et des conditions de travail des femmes et des hommes, la culture et les pratiques d'entreprise ou du secteur. La troisième étape consiste à élaborer le plan: les partenaires définissent clairement les mesures à prendre afin de promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes. La quatrième étape implique la mise en oeuvre du plan: lors de cette étape, le personnel est sensibilisé et informé, et des structures d'accompagnement sont mises en place. Et enfin, la dernière étape est celle du suivi et de l'évaluation: au cours de cette étape, le déroulement du plan est suivi, évalué et éventuellement corrigé.

Un exemple de réalisation concrète

Depuis la mise en place de la cellule Actions Positives, quelques centaines d'entreprises ont mis en oeuvre des actions positives (y compris les entreprises en restructuration). SDT Bell Alcatel figure parmi ces entreprises. Les actions positives au sein de SDT Bell Alcatel se sont traduites par plusieurs mesures définies.

Quelques une de ces mesures ont été prises au niveau de la communication interne et de la sensibilisation. Une brochure d'information sur les possibilités de carrière et de formation à l'intérieur de l'entreprise a été élaborée. Divers articles sur les activités du groupe de travail "actions positives" ont également paru dans chaque édition du journal d'entreprise, ainsi que des interviews de femmes exerçant des fonctions habituellement masculines. Le personnel a par ailleurs été informé sur le type de production de l'entreprise, dans le but de permettre aux travailleurs d'inscrire leurs tâches dans une chaîne de production globale.

Des modifications ont également été apportées dans les mécanismes de recrutement. Les procédures de sélection et d'embauche ont été revues et les candidatures de femmes ont fait l'objet d'un examen plus attentif. Des annonces de vacance des postes ont été aménagées, et les femmes ont été encouragées afin qu'elles présentent leur candidature (libellé, illustrations, mentions de la politique de l'égalité des chances menée par l'entreprise, choix des médias et des canaux de diffusion). Les formulaires de candidature de sélection ont été remaniés, ainsi que les brochures d'accueil, tant pour les ouvriers et les employés que pour les cadres.

Au niveau de la formation, une procédure permettant d'évaluer les besoins individuels de formation a été élaborée. Des formations techniques pour les femmes ont également été organisées lors de l'introduction de nouvelles technologies dans l'entreprise: elles visaient à pallier les lacunes de leur formation de base parfois déficiente ou inadéquate. D'autres formations (en électronique par exemple) ont été organisées pour les femmes présentant un retard dans certains domaines, de même que des formations à la communication pour les secrétaires.

Enfin, les métiers ont été redéfinis et réévalués. Une analyse de l'adéquation entre les définitions des métiers et les exigences réelles nécessaires à leur exécution a été menée.

Les conditions salariales attachées à chaque métier en fonction de sa définition ont été examinées, et les inégalités existant entre femmes et hommes ont été rééquilibrées dans ce domaine.

Ces actions positives ont été entièrement financées par l'entreprise. Mais il arrive, dans d'autres cas, que les actions positives soient financées (en partie) par le Fonds pour l'emploi, et le Fonds Social Européen dans le cadre du programme européen NOW (New Opportunities for Women).

Comme nous l'avons vu, intégrer l'égalité des chances au sein des ressources humaines implique quelques modifications au niveau des mécanismes de recrutement. Chez Bell Alcatel, cela s'était notamment traduit par la mention de la politique d'égalité des chances dans les offres d'emplois. Cette pratique est relativement courante au Royaume-Uni: beaucoup d'employeurs britanniques mentionnent leur politique d'égalité des chances dans leurs offres d'emplois.

Enfin, une étude est actuellement menée par l'HIVA (Hoger Instituut Van Arbeid) et l'Université de Liège afin de mesurer l'impact des actions positives.

 

La gestion de la diversité ou l'idéologie de la différence en ressources humaines

Il existe un autre concept porteur de la valeur "égalité des chances entre les hommes et les femmes": l'idéologie de la différence, qui implique au niveau de la gestion des ressources humaines une "gestion de la diversité".

En Amérique du Nord, des programmes de gestion de la diversité se développent de plus en plus. L'engouement pour ce type de programmes est bien réel outre Atlantique: il en existe en effet dans plus de 40 % des entreprises américaines. L'objectif de ces programmes est d'aider les entreprises à accroître la diversification de leur main-d'oeuvre et à gérer cette diversité. Les critères de diversification pris en compte sont multiples: il peut s'agir du sexe, mais aussi de l'appartenance ethnique, de l'âge, etc. Bien que cette gestion de la diversité se soit largement répandue aux Etats-Unis, nous ne disposons pas encore d'études empiriques sérieuses concernant l'ampleur et l'impact de ces programmes (l'impact par exemple sur le chiffre d'affaires, en matière de taux et modalités de participation des différents groupes sociaux dans l'entreprise).

L'idée sous-jacente des programmes de gestion de la diversité est que les différences doivent être considérées comme légitimes, et non plus comme un problème à résoudre. Les motivations des entreprises à intégrer cette gestion de la diversité dans la gestion des ressources humaines sont multiples:

- la volonté d'accroître les parts du marché domestique;

- la nécessité de faire face à une diversification croissante de la main-d'oeuvre (exemple: l'entrée massive des femmes sur le marché du travail);

- l'adéquation aux nouvelles valeurs émergeant dans une société plurielle;

- la mondialisation de l'économie;

- les courants actuels en gestion des ressources humaines qui s'orientent vers plus d'individualisation, de participation et de team-management.

 

Cox et Blake se sont, de leur côté, appuyé sur des arguments commerciaux. Ils ont déterminé six raisons pour lesquelles la gestion de la diversité peut être source de profit pour l'entreprise. Dans ce cas, on parle de "diversity advantage". Ces six arguments sont:

1° un personnel qui reflète la mosaïque des différents consommateurs est perçu comme plus apte à rencontrer les désirs et les besoins d'une clientèle également diversifiée. Avoir un personnel divers tant au point de vue du sexe, de l'appartenance ethnique ou de l'âge est considéré comme un avantage concurrentiel. L'enjeu est de produire et/ou des services qui puisse séduire différents segments de clientèle: on est ainsi amené à questionner la conception même d'un produit (ou d'un service) en montrant que celle-ci est loin d'être neutre; elle est le reflet d'une certaine vision de son usage, étant donné que cette vision est marquée par des représentations culturelles et/ou sexuelles. De cette manière, plusieurs auteurs s'attaquent à montrer que les développements technologiques sont marqués par les rapports sociaux qui traversent leur conception, leur développement et leurs usages. Bref, la diversité de la main-d'oeuvre est recherchée pour favoriser la créativité et l'innovation;

2° la diversité de la main-d'oeuvre représente également un atout au niveau de l'acquisition des ressources. L'entreprise dont le personnel est diversifié en retire une meilleure réputation, et devrait susciter l'intérêt d'une main-d'oeuvre plus motivée et possédant des compétences meilleures;

3° une telle diversité constituerait également un atout en terme de flexibilité et de résolution de problèmes;

4° la diversité est un argument de marketing: cet argument procure à l'entreprise une image positive, valorisée par la clientèle;

5° les auteurs mettent également en évidence un argument de type environnemental (cfr. théorie des systèmes explicitée au chapitre II: L'égalité des chances, inscrite dans un processus d'évolution?). Le personnel de l'entreprise doit refléter la population qui constitue son environnement principal. Ceci constituerait un facteur d'ancrage et d'intégration dans son environnement et améliorerait la satisfaction du personnel et de la clientèle;

6° enfin, la diversité serait un élément de satisfaction et d'amélioration de la productivité dans la mesure où il s'agirait de reconnaître les individus dans leurs spécificités. Cet argument s'appuie notamment sur tout le discours relatif à la gestion des ressources humaines qui tente de sortir d'une vision globale du personnel pour privilégier une approche en terme d'individus.

 

Comment atteindre cette diversité et comment la gérer?

Les actions qui peuvent être menées sont multiples: des politiques de recrutement visant à diversifier le personnel peuvent être menées, des sessions de formation à la "gestion de la diversité" peuvent être organisées pour les managers, les politiques de communication et de promotion doivent être revues, des groupes de travail mixtes (composés de représentants des deux sexes, mais aussi des minorités ethniques) doivent être créés.

La gestion de la diversité implique que l'entreprise engage de plus en plus de femmes mais surtout qu'elle les place à des postes où elles peuvent influencer la politique commerciale de la société, le design des produits, la formulation des stratégies et les modes de fonctionnement organisationnel.

On pourrait définir les programmes de gestion de la diversité de la manière suivante: les programmes de gestion de la diversité se fondent sur la différence, érigée en valeur à défendre et à préserver, transformée en atout concurrentiel.

Il ne s'agit plus dès lors de permettre aux femmes de s'intégrer et de s'adapter dans une organisation conçue "par et pour des hommes" mais d'amorcer de nouveaux modes de fonctionnement qui reconnaissent les différences et les spécificités de différents sous-groupes, ces sous-groupes étant perçus comme homogènes et spécifiques.

 

L'Equality Award, un prix pour l'égalité des chances dans l'entreprise

Comme nous l'avons vu dans le chapitre II, L'égalité des chances, inscrite dans un processus d'évolution?, la théorie des systèmes stipule qu'une organisation (soit un système) ne peut fonctionner avec succès que si la complexité de l'environnement extérieur se reflète dans la complexité interne de l'organisation. Or, l'argument de type environnemental compte parmi ceux que mettent en évidence les auteurs favorables à la gestion de la diversité dans les ressources humaines.

Pour soutenir les sociétés intégrant la gestion de la diversité dans leur gestion des ressources humaines, Miet Smet, la Ministre de l'Emploi et du Travail, chargée de la politique d'Egalité des chances, a mis sur pied, en 1997, l'Equality Award, un prix pour l'égalité des chances dans l'entreprise. L'Equality Award s'adresse aux organisations qui adoptent l'égalité des chances non pas comme un simple principe éthique, mais comme un concept économique à part entière, un véritable facteur de succès et de rentabilité.

L'Equality Award est réédité chaque année par la Cellule Actions Positives du Ministère de l'Emploi et du Travail, et organisé conjointement avec l'Association wallonne pour la gestion de la qualité et le Vlaams Centrum voor Kwaliteitzorg.

Les critères déterminants pour remporter l'Equality Award sont basés sur un modèle de qualité et d'excellence: le modèle EFQM (European Foundation for Quality Management). Ces critères sont: le leadership (exemple: nombre de femmes qui prennent une part active dans les organes de décision), la stratégie et la planification, la gestion des ressources humaines (exemple: l'accès des femmes et des hommes à la formation), les ressources et les moyens, les systèmes de qualité et les procédures, la satisfaction de la clientèle, la satisfaction du personnel, l'impact sur la société et les résultats de l'entreprise.

IBM Belgium, Dow Corning, Hewlett Packard, ... Toutes ces sociétés ont été les lauréats de l'Equality Award au cours de ces dernières années. Comme on le voit, ces entreprises sont essentiellement américaines...

La sensibilisation des sociétés marchandes du secteur tertiaire vis-à-vis de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes

Au cours des pages suivantes, je tenterai de déterminer si les sociétés marchandes du secteur tertiaire sont aujourd'hui sensibilisées aux notions que je viens de développer ci-dessus. Si les sociétés sont sensibilisées, dans quelles mesures le sont-elles? Quelles sont les motivations qui les incitent à intégrer l'égalité des chances entre les hommes et les femmes dans leur gestion des ressources humaines? Quels sont les obstacles aux initiatives en faveur de l'égalité des chances (comme les actions positives, les crèches en entreprise, etc.)?

Les sociétés dont il sera question ci-après sont des sociétés marchandes, du secteur tertiaire et qui emploient toutes un personnel au statut d'employé. Pour répondre aux questions que pose ce chapitre, je m'appuierai sur les témoignages d'expertes en matière d'égalité des chances: Françoise Goffinet, de la Cellule Actions Positives du Ministère de l'Emploi et du Travail, Annie Cornet du Lentic (Laboratoire d'Etudes sur les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication - Université de Liège). Je m'appuierai également sur le témoignage d'un représentant de la Centrale Nationale des Employés (CNE), Mr Sauvage, un représentant syndical négociant avec les secteurs du commerce et celui des organismes sociaux (notamment les entreprises qui rendent des services sociaux à d'autres entreprises). Mr Sauvage a été contacté dans le cadre de ce travail vu qu'un responsable des RH d'une société de grande distribution (secteur du commerce) ainsi que le directeur général de Securex (secteur des services sociaux rendus aux entreprises) ont été, eux aussi, interviewés dans le cadre de ce travail.

En effet, pour appuyer les témoignages de ces expert-es, j'ai procédé à une série d'interviews de responsables de ressources humaines de sociétés. Dans ce cadre, j'ai contacté:

- un directeur général d'un groupe important du secteur des services sociaux fournis aux entreprises. Il a été contacté d'une part parce que sa société emploie un personnel féminin important, et d'autre part parce qu'il s'agissait d'un employeur déjà sensibilisé, dans la mesure où il avait été l'un des intervenants de la journée d'information sur le projet Fair Play (programme européen en faveur de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes) dans la région de Bruxelles-capitale;

- une responsable des RH d'une société de grande distribution (secteur du commerce), chargée du recrutement des cadres. La personne a été rencontrée le 3 mars 1999. La société a été contactée étant donné que le secteur de la grande distribution est un secteur qui emploie beaucoup de femmes;

- une responsable de la Formation et du Développement d'une société américaine du secteur informatique. La société a été contacté d'une part parce qu'il s'agit d'une société qui n'emploie pas encore beaucoup de femmes (+/- 70 % du personnel de cette société est masculin), et d'autre part parce qu'il s'agit d'une société américaine, marquée par une culture plus ouverte à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes (rappelons qu'un peu plus de 40 % des entreprises américaines ont développé des programmes de gestion de la diversité);

- une cheffe du personnel d'une société bancaire (secteur des activités financières). Le personnel féminin de cette société représentait 39 % de l'effectif total en 1997 (en 1988, il ne représentait encore que 33,3 %).

Bref, une société du secteur du commerce, une société du secteur des activités financières, une société des activités informatiques, une société des services sociaux fournis aux entreprises ont été contactées. Bien évidemment, il ne s'agit en aucun cas d'une étude scientifique, l'échantillon des sociétés approchées étant très limité. Les interviews de ces responsables de ressources humaines ont été réalisés dans le but d'appuyer les témoignages des expert-es en matière d'égalité des chances.

Les entreprises sont-elles sensibilisées à la notion d'égalité des chances entre les hommes et les femmes?

Toutes les entreprises ne sont pas sensibles à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Françoise Goffinet, de la cellule Actions Positives du Ministère de l'Emploi et du Travail, reconnaît même qu'elles ne sont pas du tout sensibles aux inégalités entre les hommes et les femmes (bien que les responsables interviewés affirment le contraire). Par ailleurs, il existe même "des inégalités totalement illégales": Mme Goffinet cite alors l'exemple d'une entreprise où le 13e mois est beaucoup moins élevé pour les femmes que pour les hommes. Dans cette entreprise en effet, le 13e mois est étroitement lié à l'évaluation de chacun, et les travailleurs absents pour plusieurs mois obtiennent une évaluation plus faible que les autres. Or, un congé de maternité s'élèvent à 3 mois: cela implique donc que les femmes en congé de maternité perçoivent un 13e mois plus faible que les hommes car plus faiblement évaluées. "C'est le genre typique d'inégalité dont on ne veut pas parler" ajoute Mme Goffinet.

Mr Sauvage, membre de la Centrale Nationale des Employés, n'est pas certain, non plus, que les responsables des ressources humaines y soient plus sensibles (du moins les responsables des secteurs dont il s'occupe). Néanmoins, "cela ne signifie pas qu'elles s'y opposent systématiquement."

En outre, Mme Goffinet distingue deux types d'entreprises se montrant plus sensibles à l'égalité des chances que d'autres: d'une part, les entreprises marquées par un certain "paternalisme" (le patron indulgent, protecteur à l'égard de ces employées est plus sensibles aux inégalités et donc à l'égalité des chances), et d'autre part, les sociétés américaines, effectivement très marquées par les politiques non-discriminatoires et la gestion de la diversité. La responsable de formation de la société américaine (secteur informatique), reconnait d'ailleurs que la notion de "diversity" est plus répandue aux Etats-Unis qu'en Europe, "bien qu'il y ait un responsable de ce type de programme au niveau européen." Quant aux autres responsables interviewés, ils pensent que les chefs de personnel reconnaissent aujourd'hui le problème de l'inégalité et sont plus sensibles à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. La responsable de recrutement de la société de grande distribution affirmait même qu'il s'agissait d'une des préoccupations de son entreprise. Toutefois, "même si ces inégalités existent, cela n'a pas de répercussions négatives sur le travail." Les sociétés intègrent-elles l'égalité des chances dans leur gestion des ressources humaines? "Dans notre groupe, certainement" affirmait le directeur général interviewé (secteur des services sociaux fournis aux entreprises). "J'exprime toutefois quelques doutes quant aux autres entreprises.

 

Quelles sont les attitudes vis-à-vis de la notion "égalité des chances"?

Ces attitudes vont d'abord dépendre de la personnalité de l'interlocuteur-rice. S'il est plus facile d'aborder l'égalité des chances avec certaines femmes responsables de gestion des ressources humaines, "on ne peut toutefois pas généraliser" avance Mr Sauvage (CNE). "Cela dépend surtout de la personnalité de la personne." La chef de personnel de la société bancaire admettait également "que l'intérêt porté à cette notion dépend du type d'entreprise, de l'environnement." Mme Goffinet, de son côté, soutient que cela n'est pas forcément plus facile d'aborder cette question avec une femme "cheffe". "Certaines femmes ont connu tellement de difficultés pour avancer au cours de leur carrière qu'elles sont devenues encore plus "fermées" et plus inflexibles que les hommes machos: en ce qui me concerne, il me semble plus facile de négocier avec un employeur macho qu'avec ce type de femme."

Dina Sensi (Université de Liège) mettait en évidence qu'avant de mettre en oeuvre le mainstreaming, il fallait diagnostiquer la position initiale des acteurs qui devraient être impliqués. Parmi les positions initiales qu'elle distinguait, on retrouvait la situation où certains responsables expriment une approbation de principe par rapport à l'égalité des chances. Ces personnes disposent de quelques connaissances en la matière, mais estiment qu'il appartient surtout aux femmes de démontrer qu'elles sont capables d'occuper des postes à responsabilités. C'était tout à fait la position du directeur général interviewé qui, rappelons-le, avait été l'un des intervenants de la journée d'information sur le programme Fair Play (un programme européen en faveur de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes). Ce directeur disposait également de manuels au sujet de l'égalité des chances, édités par le Ministère de l'Emploi et du Travail, dont le manuel "Pour une rémunération correcte de votre fonction" (références en bibliographie de ce travail). Toutefois, selon lui, "les femmes doivent se bousculer elles-mêmes pour accéder à un poste de direction. Car si j'étais une femme, déclarait-il, je n'apprécierais pas que l'on mette en oeuvre un tel projet (exemples: des actions positives) dans mon entreprise: ce serait un peu comme si on venait à considérer les femmes comme des handicapées, comme des êtres incapables et inférieures aux hommes. Non, je préférerais montrer moi-même de quoi je suis capable, je n'attendrais pas que de telles initiatives m'aident à satisfaire mes ambitions."

Outre la personnalité des acteurs, les attitudes face à l'égalité des chances dépendent aussi de la culture de l'entreprise (culture "paternelle", ou culture américaine). Selon Mme Goffinet, "parler égalité des chances, c'est parler des inégalités qui existent dans l'entreprise, de ses problèmes." Bref, une entreprise ne se vantera pas de mettre en oeuvre un plan "égalité des chances" ou des actions positives: cela ne donnera pas une bonne image d'elle. Le directeur général interviewé partage cet avis: "(...) ce genre d'initiatives donnent une mauvaise image de la société: elles mettent en évidence ses problèmes, le fait qu'elle ne respecte pas l'égalité entre les sexes." Pour cette raison, les employeurs "paternels", selon Mme Goffinet, n'apprécient pas aborder le sujet devant et avec d'autres employeurs. Les réactions des sociétés américaines ne sont pas les mêmes, au contraire. "Dans les entreprises américaines, par contre, la notion d'égalité des chances entre les femmes et les hommes rehausse l'image de marque de l'entreprise. Aux Etats-Unis, comme dans les organisations américaines installées en Belgique, le sujet passe mieux (ce n'est pas "mal vu" de mettre sur pied de telles initiatives). En Espagne aussi, poursuit Mme Goffinet, le sujet passe mieux: les projets OPTIMA, projets européens en faveur de l'égalité des chances entre femmes et hommes, sont considérés comme des labels de qualité. Ici, l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, cela fait rire."

Lorsque j'ai abordé le sujet avec la cheffe de personnel de la société bancaire, ainsi que la responsable de recrutement de la société de grande distribution, l'égalité des chances entre les femmes et les hommes n'a heureusement pas fait rire (était-ce parce qu'il s'agissait de femmes?). Toutes deux étaient d'avis qu'une initiative en faveur de l'égalité des chances (actions positives, Equality Award, ...) pouvaient rendre une meilleure image de la société. La responsable de formation de la société américaine (secteur informatique) partageait également cette opinion, mais soulignait que "c'est parfois à cause des clients que les entreprises rencontrent des obstacles à l'égalité des chances": en effet, certains clients n'apprécient pas toujours d'avoir affaire à une "cheffe". La responsable donnait alors l'exemple d'une directrice (de couleur de surcroît) d'une agence bancaire qui n'a pas pu garder son poste suite aux difficultés qu'elle connaissait avec certains clients. "Toutefois, poursuit-elle, il ne faut pas renoncer au changement, cela ne doit pas être un prétexte pour ne pas changer."

Enfin, l'attitude des employeurs vis-à-vis de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes dépend aussi du contexte économique. En période de crise économique, "il semble que les entreprises ont autre chose à faire que de s'occuper de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, déclarait Mme Goffinet, les actions positives sont souvent les dernières de leurs préoccupations" constate-t-elle. De son côté, Mr Sauvage explique: "Il y a 20 - 30 ans, il existait des crèches dans la plupart des entreprises du secteur du commerce. L'état d'esprit qui régnait à cette époque était marqué par un certain "paternalisme". Ces crèches ont aujourd'hui disparu du fait que les entreprises sont passées d'une gestion empirique à une gestion beaucoup plus scientifique et technologique: elles ont donc rejeté tous les éléments qui n'entraient pas en ligne de compte avec leur activité principale." En effet, nous sommes des spécialistes en matière de lois sociales, rappelait le directeur général (secteur des services sociaux fournis aux entreprises), pas en matière de garde d'enfants." La responsable de la société de grande distribution admet que beaucoup de femmes, suivant le stage pour être gérante d'un grand magasin, ne parviennent pas au bout du stage. "Nous n'avons pas trouvé de solution à ce problème; trouver des solutions à ce problème n'est d'ailleurs pas le rôle de notre société." Mr Sauvage a toutefois informé, au cours de l'interview, que les employeurs du secteur de la distribution ont accepté, dans le cadre des actions positives, une partie du financement concernant les groupes à risques, un financement notamment orienté vers les structures de garde d'enfants. "Néanmoins, ce financement a été accepté du bout des lèvres, ce qui révèle que nous avons bien quitté le paternalisme, l'empirisme d'autrefois." Mme Cornet (Université de Liège) partage également ce point de vue: "(...) l'égalité à travers une culture "paternaliste" est possible dans un contexte de bien-être économique, mais certainement pas dans un contexte de crise économique où les entreprises se préoccupent surtout de réduire les coûts de production."

Les obstacles à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes

La vie familiale est, d'emblée, un véritable obstacle à l'égalité des chances. Bien souvent, j'ai eu le sentiment au cours de ces interviews, que pour réussir comme les hommes, les femmes devaient être célibataires et sans enfants. Bien souvent aussi, j'ai eu le sentiment que les femmes devaient également, pour progresser au cours de leur carrière, s'aligner sur un modèle masculin.

Le fait que les femmes soient peu nombreuses à occuper des postes de direction s'explique, selon les employeurs, par le double rôle qu'elles ont à jouer dans la société: celui de mère et celui de femme active. "Lorsqu'elles ont à choisir entre l'un et l'autre, expliquait le directeur général, elles choisissent souvent celui de mère. Et celles qui ont accédé le plus vite au sommet de la hiérarchie sont souvent des femmes célibataires." La responsable de recrutement de la société de grande distribution explique de son côté: "Même si nous sommes préoccupés par l'égalité entre les hommes et les femmes, nous devons admettre qu'il y a plus d'hommes cadres que de femmes cadres. Cela s'explique pour une raison simple (...) Nous recrutons souvent nos cadres parmi les gérants de nos magasins. Or, le métier de gérant d'un grand magasin est un métier physiquement dur, et surtout opérationnel. Cette fonction nécessite le travail le samedi, le travail en shift (c'est-à-dire soit commencer à 6 h du matin et terminer à 14 h, soit commencer à 14 h et terminer à 22 h). De plus, il arrive souvent que les personnes dirigeantes de notre société aient à voyager beaucoup, qu'ils soient envoyés à 100/150 km de chez eux." Dans ces conditions, le métier de gérant d'un grand magasin est considéré comme "difficile pour une femme." Elle aussi pense que "lorsque les femmes ont à choisir, elles choisissent leur vie familiale au détriment de leur carrière." La cheffe de personnel de la société bancaire admettait, de son côté, n'avoir jamais rencontré d'obstacles au cours de sa carrière pour accéder à son poste actuel. "Mais je n'ai pas d'enfants" avouait-elle aussi.

Dès lors, selon le directeur général, les femmes postulent surtout pour des postes qui leur permettent de concilier vie familiale et vie professionnelle, beaucoup moins pour des postes de direction. La responsable de recrutement de la société de grande distribution admet quant à elle que "les femmes postulent plutôt pour des postes qui offrent des horaires stables, où on ne leur demande pas de travailler de 6 à 21 heures." Elle souligne également que le personnel administratif de sa société (dont l'horaire est fixé de 9 à 17 h) est constitué jusqu'à 90 % de femmes. Le fait que les femmes ne se "battent" pas pour accéder au poste de "manager", qu'elles ne se "bousculent" pas pour cela, et que les employeurs ne s'interrogent pas à ce sujet, est qualifié par Annie Cornet (Université de Liège) de "discriminations indirectes inconscientes": l'organisation du travail n'est pas remise en question et les employeurs ne se demandent pas si ces postes répondent aux aspirations des femmes. Selon Mme Cornet, c'est au sujet de ces discriminations indirectes inconscientes auxquelles les employeurs devraient; ils devraient aussi évaluer les coûts qui résultent de ces discriminations. Mais pourquoi les employeurs remettraient-ils en question l'organisation du travail, si les postes de cadres conviennent, apparemment, aux hommes? En effet, la responsable de recrutement de la société de grande distribution soulignait: "Si une inégalité persiste au niveau des cadres, c'est parce que les hommes continuent d'accepter les postes qu'on leur offre: les hommes acceptent de travailler 45 - 50 h/semaine et l'investissement (important) qu'exige leur poste. A partir du moment où ils ne l'accepteront plus, la société devra réorganiser le travail différemment." Toutefois, il existe dans sa société des gérantes mariées, avec des enfants (ouf!). Mais "certaines d'entre elles sont critiquées dans leur environnement familial: leurs proches ne comprennent pas toujours pourquoi ces femmes travaillent tellement."

Comme on le voit, les horaires de travail de cadres permettent difficilement de concilier vie familiale et vie professionnelle. "On entend souvent parler dans la presse d'une diminution du temps de travail, déclarait la responsable de formation de la société américaine, mais cela concerne sans doute plus les ouvriers que les autres groupes de travailleurs. J'ai en effet l'impression que les gens travaillent plus qu'avant, surtout les universitaires." En France, la loi sur les 35 heures a été l'opportunité pour les unions syndicales de cadres de s'exprimer au sujet de ces horaires très larges. Dans une déclaration commune signée le 12 avril 1999, les quatre unions des cadres (unions de la CFDT, de la CGT, de FO et de la CFTC) ont rappelé que la durée actuelle de travail des cadres en France, soit en moyenne 45 heures par semaines, est une situation qui, selon elles, "ne doit pas durer davantage". En effet, cela "représente une pression intolérable sur les personnes et un frein à la création d'emplois" estiment les unions syndicales de cadres. Elles déploraient aussi que de nombreux employeurs "tentent au maximum de maintenir la situation actuelle (...).

L'absentéisme des femmes, et plus particulièrement les congés de maternité, posent aussi un problème. "Les seuls problèmes qu'elles peuvent poser apparaissent lorsqu'elles sont enceintes" admettait le directeur général. "Dans ce cas, elles disparaissent pendant plusieurs mois et cela perturbe le fonctionnement de l'entreprise." Et cela le perturbe d'autant plus lorsque plusieurs d'entre elles sont enceintes en même temps (ce qui était le cas dans sa société)! Cet absentéisme, comme le rappelle également Mr Sauvage, représente donc une réelle préoccupation pour les sociétés. Par ailleurs, le temps partiel convient-il toujours à l'organisation du travail des sociétés? Non, pas toujours. Bien que l'on accorde, au sein de la société américaine (secteur informatique), du temps partiel à des femmes qui le demandent, "il n'est pas toujours évident de concilier ce temps partiel avec les besoins des clients."

Selon la cheffe de personnel de la société bancaire, "la hiérarchie doit aussi se préoccuper des besoins de son personnel et les déterminer." Dès lors, pourquoi les sociétés n'organisent-elles pas des crèches au sein de l'entreprise? "Une crèche n'est pas instaurée dans notre entreprise, admettait-elle, toutefois, nous organisons, pour les vacances de Pâques par exemple, des stages pour les enfants du personnel (les parents viennent alors au travail avec leurs enfants qui partent, à partir de l'entreprise, vers des plaines de jeux. Ils reviennent ensuite le soir lorsque les parents quittent le bureau): cela intervient dans l'encadrement social du personnel." Au sein de la société américaine, même s'il y a une volonté d'encadrement social du personnel, la responsable de formation soulignait l'obstacle financier lié à la mise en place d'une crèche. Si le site de la société était plus important en Belgique, cet obstacle aurait peut-être été soulevé: c'est le cas en Allemagne, où la société américaine a mis une crèche à la disposition du personnel. Au sein de la société du secteur des services sociaux fournis aux entreprises, "bien que cette question ait déjà été posée (...), il n'y a pas de crèche dans notre entreprise. En effet, les structures de garde d'enfants sont très coûteuses." Bref, la mise en place d'une crèche au sein de l'entreprise représente bien souvent un obstacle financier que les sociétés ne peuvent surmonter. Mr Sauvage admettait que les entreprises n'ont pas les moyens financiers d'investir dans ce type de structure.

La cheffe de personnel de la société bancaire rappelait, à juste titre, que "les syndicats oeuvrent aussi pour le bien-être des employés." Le problème est que les syndicats, essentiellement composés d'hommes, n'en sont pas encore à faire de l'égalité des chances leur "cheval de bataille", constatait Mr Sauvage. Si la démarche au niveau des actions positives a été entamée il y a 3 ou 4 ans dans le secteur du commerce, cela n'a pas abouti à des actions concrètes. Cela ne résulte pas seulement des employeurs: la mentalité des syndicats est surtout masculine, et comme l'égalité des chances est surtout une affaire de femmes...

Enfin, "Je pense que les machos, les misogynes n'existeront probablement plus à l'avenir" déclarait le directeur général. "Dans la tête des hommes, cela ne se passe plus comme cela." Malheureusement si... Les hommes sont toujours restés machos: il s'agit aussi d'un obstacle auquel les femmes doivent encore faire face de nos jours. En effet, "les hommes acceptent d'entrer en compétition avec d'autres hommes, mais acceptent mal d'entrer en compétition avec des femmes, surtout lorsque celles-ci s'avèrent plus compétentes qu'eux (ce qui est souvent le cas). La grande majorité des hommes réagissent encore de cette manière" avancait Mr Sauvage. Bref, l'homme n'accepte pas toujours très bien que la femme empiète sur son territoire... Mais il ne s'agit pas d'un obstacle insurmontable: les femmes interrogées par Peter York (Grande-Bretagne, 1998) considéraient le sexisme comme un obstacle peu important, qui ne les avaient pas empêché d'accéder au "top". Inutile dès lors de revenir sans cesse sur ce type d'obstacle. Que les jeunes filles d'aujourd'hui se rappellent les sarcasmes qu'avait dû subir Jeanne Chauvin, que ces messieurs considéraient comme une "farfelue" lorsqu'elle fut la première femme en France à exercer la profession d'avocate (elle y était parvenue en 1900). Qu'à cela ne tienne: aujourd'hui, on dénombre, en Belgique, 35 % de femmes parmi les avocats.

Ce qui motive les entreprises à intégrer l'égalité des chances entre les femmes et les hommes dans leur gestion des ressources humaines

Outre le fait qu'elles soient en restructuration, il arrive parfois que les entreprises fassent appel à la cellule Actions Positives pour d'autres raisons. Mme Goffinet nous en a énuméré quelques unes. D'abord, les entreprises sont amenées à songer à l'égalité des chances lorsqu'elles connaissent un problème avec leur personnel féminin (un problème de communication, par exemple). Dans ce cas, appliquer l'égalité des chances leur paraît comme un moyen d'éviter les grèves.

Ensuite, "elles peuvent aussi s'y intéresser parce que cela peut entraîner une meilleure motivation du personnel" déclarait l'experte de la cellule Actions Positives. En effet, plus le personnel d'une entreprise est motivé, plus la rentabilité augmente, de même que les bénéfices. Mais pourquoi peut-il paraître indispensable de motiver son personnel féminin? Annie Cornet distingue deux phénomènes. D'une part, les entreprises sont face à une offre de main-d'oeuvre de plus en plus diversifiée (la responsable de formation de la société américaine rappelait d'ailleurs cette diversité de la main-d'oeuvre au cours de l'interview). D'autre part, elles sont confrontées à un surplus de main-d'oeuvre pour certaines fonctions, mais à un manque de main-d'oeuvre pour des fonctions qui requièrent un haut niveau de qualification. Dès lors, il est de leur intérêt de tout mettre en oeuvre pour garder le personnel féminin de leur organisation, surtout s'il est hautement qualifié. C'est donc dans ce contexte que les entreprises songent à motiver davantage leur personnel féminin. Les cas où les femmes sont plus qualifiées que les hommes n'est pas rare: le directeur général interviewé n'ignore pas, par exemple, qu'à la Faculté de Droit de Louvain, les filles sont majoritaires... En outre, selon Mme Cornet, ne pas réfléchir sur ce qu'elle appelle les "discriminations indirectes inconscientes" pourrait engendrer un coût: une raison de plus pour motiver les femmes de l'entreprise.

Mais il n'y a pas que la main-d'oeuvre qui se diversifie: les marchés, eux aussi, se diversifient. La société américaine du secteur informatique en est consciente. Il faut dès lors que le personnel de l'entreprise soit le reflet de ce marché (qui constitue l'environnement de l'entreprise). Cela est d'autant plus indispensable pour les sociétés multinationales. Pour mieux comprendre les besoins et les comportements d'une clientèle diverse, l'entreprise doit disposer d'un personnel tout aussi divers. "J'engage des femmes dans la mesure où cela me rapporte": telle est, selon Mme Cornet, l'une des motivations des entreprises. Par exemple, si un produit est destiné à une cible féminine de 50 ans, il convient à l'entreprise d'employer des vendeuses qui correspondent à cette cible. Il est évident, en outre, que l'on ne communique pas avec une femme comme l'on communique avec un homme. Gunnila Masreliez-Steen, consultante suédoise en management, cite l'exemple d'un constructeur suédois qui, sans le savoir, ne s'adressait qu'à la moitié de son marché. La consultante avait en effet constaté que les concessionnaires de ce constructeur automobile réservaient un accueil indifférent aux hommes et aux femmes. Lorsqu'un vendeur abordait une visiteuse, il s'adressait à elle dans un jargon technique incompréhensible pour la dame. Lorsque l'une des visiteuses avait insisté pour obtenir davantage d'explications, le vendeur lui avait répondu de revenir avec son mari (ce qui pouvait poser un problème si la visiteuse en question n'était pas mariée...). De même, les brochures de présentation n'était pas adaptée à un public féminin. Interviewée dans le cadre de ce travail, la responsable de la société de grande distribution admettait elle aussi que les gérantes disposent, en plus de toutes les qualités exigées d'un gérant, d'une meilleure connaissance du comportement consumériste du client majoritaire. En effet, bien que les hommes célibataires deviennent un groupe de consommateurs de plus en plus important, les femmes restent encore les principales "décideuses des achats". "(...) pour cette raison, déclarait la responsable, nous voulons qu'il y ait davantage de femmes qui gèrent nos magasins."

Enfin, la responsable de formation de la société américaine avançait un autre avantage: de toute cette diversité pourrait émerger plus de créativité, "non seulement au point de vue technique mais aussi au point de vue des idées." La cheffe de personnel de la société bancaire estimait, de son côté, qu'il est "plus sain de travailler avec des équipes mixtes: (...) les équipes exclusivement féminines me font un peu peur." Elles favorisent aussi, à mon sens, une sorte de ségrégation.

Mais la notion d'égalité des chances ne serait-elle finalement qu'un phénomène de mode? "Le terme "égalité des chances" est très à la mode en ce moment" remarquait la cheffe de personnel de la société bancaire. Mme Cornet fait la même remarque: "parler d'égalité des chances est à la mode." Elle rappelle alors qu'aux Etats-Unis, plus de 40 % des entreprises ont développé des "diversity programs". Si certaines sociétés américaines installées en Belgique manifestent leur intérêt à l'égalité des chances, explique-t-elle, c'est parce qu'elles ont reçu des consignes de la maison-mère. Elles appliquent alors ces consignes pour montrer qu'elles réalisent des choses dans ce domaine." Françoise Goffinet constate de son côté que les sociétés américaines, "bien qu'elles soient plus ouvertes à la notion d'égalité des chances, peuvent toutefois se contenter de mesures superficielles."

Ce que les entreprises devraient prendre en compte, selon Mme Cornet, ce sont les coûts liés aux inégalités, aux "discriminations indirectes inconscientes", se traduisant notamment par un turnover important, de l'absentéisme, une perte de potentiel, etc. Pour réduire ces coûts, une motivation du personnel est indispensable. "Dans le contexte économique actuel, expliquait-elle, il est compréhensible qu'une entreprise refuse d'investir des millions dans un plan d'actions positives, simplement pour respecter ce principe d'égalité. Toutefois, si l'on parvient à leur démontrer que les discriminations entre hommes et femmes ont un coût, et que la suppression de ces discriminations leur permettrait d'améliorer leurs performances, alors peut-être seraient-elles prêtes à entreprendre de véritables changements."

 

Ce que les entreprises accordent pour une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale

Comme le précise Mme Cornet, lorsque les entreprises pratiquent des formules pour une meilleure "égalité des chances" (il serait plus correct de parler d'une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale), il s'agit surtout d'aménagement du temps de travail, bien qu'il existe des employeurs qui remboursent les frais de garde d'enfants malades (comme l'indiquaient Mme Goffinet et le directeur général interviewé). Ainsi, la responsable de formation de la société américaine informait que sa société accordait du temps partiel à des femmes (mais aussi à des hommes) qui le demandent. Il existe aussi, dans la société américaine, des travailleurs à domicile. La cheffe de personnel de la société bancaire informait de son côté que sa société accordait du temps partiel et des congés parentaux aux employés qui en faisaient la demande. Elle rappelait que ces mesures étaient souvent prises par des femmes. Même si certains hommes demandent de travailler à temps partiel, elle ignore les raisons qui les motivent à travailler sous ce régime: "est-ce pour s'occuper de leurs enfants ou pour suivre des études" s'interrogeait-elle. La société du secteur des services sociaux fournis aux entreprises accorde également du temps partiel aux employé-es.

Mais il arrive que les sociétés mettent en oeuvre certaines initiatives en faveur de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, sans pour autant les considérer comme tel. C'est le cas de la société bancaire contactée, où des stages sont organisés pour les enfants du personnel pendant les vacances scolaires.

En ce qui concerne le temps partiel et l'interruption de carrière, on ne peut pas actuellement considérer ces mesures comme favorables à l'égalité des chances, puisque le temps partiel et les congés parentaux signifient "absentéisme". Or, l'absentéisme préoccupe beaucoup les employeurs puisque cela perturbe le fonctionnement de l'entreprise. Le temps partiel et les congés parentaux renforcent le préjugé d'indisponibilité des femmes, et ne leur permet pas un accès aux postes de décisions égal à celui des hommes. Néanmoins, la crainte des employeurs vis-à-vis de l'indisponibilité des femmes est-elle justifiée? L'interruption de carrière (qui comprend les congés parentaux et les prestations de travail réduites) n'est pas aussi répandue que l'on pourrait l'imaginer. Par exemple, en 1996, le nombre de femmes bénéficiant de l'interruption de carrière s'élevait à 44 036. +/- 17 000 d'entre elles interrompaient leur carrière complètement, +/- 27 000 d'entre elles partiellement. Or, la population active féminine occupant un emploi représentait cette année-là 1 454 295 femmes. Bref, l'interruption de carrière concernait +/- 3 % de femmes. De plus, le nombre de femmes interrompant leur carrière (totalement ou partiellement) n'a pas vraiment tendance à augmenter chaque année: en 1993, les femmes étaient 50 446 à interrompre leur carrière; en 1994, 46 954; en 1995, 44 833; en 1996, 44 036; en 1997, 48 251. L'interruption de carrière n'a donc jamais connu, jusqu'ici, de croissance réellement stable: elle était importante en 1993, diminuait ensuite en 1994, 1995 et en 1996, puis augmentait en 1997. En conclusion, il serait faux de prétendre que l'interruption de carrière concerne une population importante de femmes actives.

 

En outre, on ne peut prétendre que tous les emplois à temps partiel permettent une meilleure conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. En effet, "(...) le temps partiel tel qu'il est pratiqué dans les supermarchés ne permet pas de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle" remarquait Mme Goffinet. Mme Cornet s'interrogeait de son côté: "les entreprises pensent généralement que l'horaire 9-17 h est l'horaire idéal pour les hommes et pour les femmes. Mais qu'en savent-elles? S'agit-il réellement d'un horaire idéal?" Mme Cornet pense que les entreprises devrait revoir les comportements des membres de leur personnel, tenir compte des différences individuelles, et donc remettre en cause les règles de base.

L'évolution des hommes

La plupart des interviewé-es ont fait part de l'évolution de la gent masculine. Mme Goffinet en parlait de la manière suivante: "les jeunes hommes revendiquent eux aussi du temps pour leurs enfants; ils sont plus nombreux aujourd'hui à exprimer leur désir de les voir grandir. En outre, beaucoup plus de pères aujourd'hui viennent chercher leurs enfants à l'école primaire." "A certains moments, il faudrait aussi parler de l'émancipation des hommes" déclarait le directeur général. En effet, "les hommes aimeraient, eux aussi, libérer plus de temps pour leurs enfants." De son côté, la responsable de recrutement de la société de grande distribution constatait: "Il est vrai que les hommes, surtout les jeunes, commencent eux aussi à se remettre en question. (...) C'est pourquoi ces hommes hésitent moins à dire: "J'aime mon travail, mais cette année, je prends des vacances!" La responsable de formation pense que les hommes seraient, eux aussi, intéressés par les initiatives en faveur de l'égalité des chances. "Eux aussi se sentent concernés par la famille" expliquait-elle. "Il y a beaucoup d'hommes jeunes dans notre entreprise, et les hommes jeunes ne gagnent pas toujours suffisamment d'argent pour se permettre de laisser leur femme à la maison."

La plupart des interviewés se sont donc exprimés au sujet des hommes, alors qu'aucune question ne leur avait été posée à ce sujet.

Comment sensibiliser les entreprises vis-à-vis de l'égalité des chances?

Ce qui est ressorti des interviews menées auprès des responsables de ressources humaines, c'est que les entreprises méconnaissent généralement en quoi consiste les actions positives: excepté le directeur général, les responsables interviewé-es n'avaient jamais entendu parler de ce type d'actions. En ce qui concerne la gestion de la diversité, il s'agit d'un concept exploité essentiellement par des sociétés américaines. Dès lors, il semble essentiel, lorsqu'on souhaite lancer une opération de sensibilisation vis-à-vis de l'égalité des chances entre femmes et hommes, d'informer les sociétés sur ce que signifie "actions positives" et "gestion de la diversité en ressources humaines", et en quoi cela consiste concrètement.

Par ailleurs, il est indispensable d'adapter sa communication par rapport à la cible que l'on souhaite toucher. Dina Sensi (Université de Liège), dans le cadre de la mise en oeuvre du mainstreaming (cfr. "Le mainstreaming", p. 129) distinguait chez les acteurs divers degrés d'engagement par rapport à la valeur "égalité des chances", ainsi que diverses positions initiales par rapport à cette valeur. Dès lors, il s'agit de tenir compte du degré d'engagement de la cible que l'on veut toucher, ainsi que de sa position initiale par rapport à l'égalité des chances. S'agit-il de personnes convaincues par l'égalité ou non? Ces personnes disposent-elles déjà d'informations à ce sujet ou méconnaissent-elles totalement les mesures en faveur de l'égalité des chances? C'est à ce type de questions qu'il faut répondre pour préparer une communication efficace.

Enfin, il est très important d'impliquer les hommes autant que les femmes lors d'une action en faveur de l'égalité des chances. En effet, les décideurs sont souvent masculins: c'est donc d'eux que dépendent souvent les avancées et les progrès en matière d'égalité des chances. Comme le faisait remarquer la responsable de recrutement de la société de grande distribution, pourquoi entreprendre une réorganisation du travail pour une meilleure égalité entre hommes et femmes si l'organisation du travail actuelle convient aux hommes? Tant que les hommes ne changeront pas, tant qu'ils ne consacreront pas davantage de temps pour leur vie familiale, tant qu'ils ne seront pas concernés par la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, et enfin tant qu'il n'y aura autant de femmes que d'hommes aux postes de direction, les femmes devront toujours s'aligner à une organisation du travail de type masculin, l'égalité des chances restera toujours une histoire de "bonnes femmes" et passera pour une facétie. Il ne s'agit donc pas d'oublier les hommes lors d'une opération de sensibilisation vis-à-vis de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Ces trois éléments paraissent essentiels pour une sensibilisation réussie. Mais de quels moyens disposent la cellule Actions Positives du Ministère de l'Emploi et du Travail pour la sensibilisation des entreprises vis-à-vis de l'égalité des chances? Serait-il cohérent de mener ce type de sensibilisation par rapport à la politique de l'emploi menée actuellement par le gouvernement fédéral?

"Pour mieux sensibiliser les entreprises, déclarait Mme Goffinet de la cellule Actions Positives, il faut mener de véritables actions de sensibilisation avec de vrais moyens (ce qui n'est pas le cas aujourd'hui)." A propos des moyens, Mme Cornet (Université de Liège) s'exprimait de la manière suivante: "Si certaines actions positives n'ont pas obtenu des résultats positifs, ce n'est pas parce que la cellule Actions Positives n'effectuait pas correctement son travail, mais parce que les moyens qui étaient dégagés pour ce type d'actions étaient ridicules par rapport à ce qui devait être réalisé."

A propos des actions positives, Adida Vanheerswynghels (Université Libre de Bruxelles) s'exprimait de la manière suivante: "Les actions positives ont pour objectif, prétend-on, de réduire les inégalités. Je ne me positionne pas en faveur de telles actions. Ce qui est aberrant, c'est qu'il s'agit du même ministre qui favorise les mesures sur base volontaire, comme l'interruption de carrière, et qui développe les actions positives. Bien sûr, il n'y a pas de règles, de lois défavorisant les femmes, mais si on encourage l'interruption de carrière ou le temps partiel, cela touche surtout les femmes: développer des actions positives, dans ce cas, est une hypocrisie." Annie Cornet rappelait: "D'une part, le gouvernement fédéral développe des actions positives, et d'autre part, ce même gouvernement coupe dans le budget du FESC (Fonds des Equipements et des Services Sociaux). Le problème se situe donc davantage au niveau de la coordination politique." Un article du Marie-Claire de septembre 1998 rappelle l'influence bienfaisante de Miet Smet dans le domaine de l'accueil des enfants: "Institué début des années 70 grâce aux bonis du secteur des allocations familiales, il (en l'occurence le FESC) finance les services aux familles de salariés, tels les services d'aide familiale et l'accueil des enfants. C'est sa restructuration et son refinancement qui ont posé problème depuis quelques années. L'absence d'acte politique fort démontre bien le manque d'investissement et d'intérêt du politique pour le secteur de l'enfance. Moins de moyens dévolus à ce secteur non marchand entraîne une répercussion non seulement pour les mères, mais aussi pour le personnel des crèches, menacé dans leur emploi." Faut-il rappeler que le personnel des crèches est exclusivement féminin? Assignée de moyens "ridicules" et "hypocrite": voilà comment se qualifie la politique d'égalité des chances de l'ex-ministre Miet Smet, qui n'hésitent pourtant pas à déclarer sans ambages, devant les journalistes, qu'elle est "féministe"... Bref, la politique de l'emploi menée par le gouvernement fédéral est incohérente par rapport à sa politique d'égalité des chances entre les hommes et les femmes: la politique de l'emploi consiste, rappelons-le, à développer l'interruption de carrière et le temps partiel, à supprimer les allocations de chômage pour les cohabitantes, à laquelle il faut encore ajouter la restructuration et le refinancement du FESC.

Les actions de sensibilisation sont-elles dès lors inutiles?

D'abord, la sensibilisation ne relève pas seulement des compétences du Ministère de l'Emploi et du Travail: elle relève

aussi de la mission des organisations féminines, oeuvrant pour une meilleure égalité entre les femmes et les hommes. De plus, indépendamment de l'action gouvernementale en matière d'égalité des chances, les entreprises sont amenées à gérer un personnel de plus en plus féminin. Or, les actions positives, de même que les programmes de gestion de la diversité, représentent des moyens pour une meilleure motivation du personnel.

En conclusion

Deux concepts permettent d'intégrer l'égalité des chances entre les femmes et les hommes dans les ressources humaines: le mainstreaming et l'idéologie de la différence. L'un se concrétise par des "actions positives", l'autre par des "programmes de gestion de la diversité" en ressources humaines.

Il s'avère que les sociétés américaines, très marquées par les politiques non-discriminatoires, sont plus ouvertes au concept d'égalité des chances que les autres. Les employeurs "paternalistes" le sont également. Toutefois, la culture "paternaliste" tend à disparaître en raison de la crise économique.

La vie familiale reste l'obstacle essentiel à l'égalité des chances. En effet, les structures des entreprises ne permettent pas aux femmes de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle (horaires mal adaptés, pas de crèches, ...). Elles ne le permettent pas d'une part parce que la mission des entreprises n'est pas de résoudre les problèmes liés au double rôle des femmes (femme active et mère), et d'autre part parce que l'organisation du travail est essentiellement masculine (les hommes acceptent des conditions de travail que les femmes sont moins prêtes à accepter, du fait de leur double rôle. Les postes de travail sont adaptés aux hommes, et non aux femmes). Dès lors, deux perspectives peuvent être envisagées pour l'avenir: soit la femme s'aligne sur le modèle masculin, soit elle "transforme" le monde de l'entreprise.

Trois arguments essentiels peuvent amener les entreprises à revoir leur fonctionnement et leur organisation du travail (et donc à intégrer l'égalité des chances au sein de leur gestion des ressources humaines): la diversification de la main-d'oeuvre (les femmes se maintiennent sur le marché du travail et sont de plus en plus qualifiées), la diversification des marchés (la clientèle se féminise), la mobilité de la main-d'oeuvre, indispensable mais pourtant entravée par la ségrégation du marché du travail (d'où la nécessité de supprimer les discriminations).

 

Conclusion générale

La première partie de cette conclusion rappelera trois faits essentiels étudiés dans ce travail: l'évolution du travail féminin (historique et description actuelle), l'évolution sociale (évolution de la famille), et la sensibilisation des entreprises vis-à-vis de l'égalité des chances. En effet, on ne peut pas comprendre le concept d'égalité en dehors du contexte socio-économique: pour cette raison, l'évolution économique, déterminante au niveau de l'emploi féminin, a été longuement étudiée dans ce travail. L'évolution sociale, amorcée par l'évolution économique, a elle aussi fait l'objet d'un chapitre intitulé "Vie familiale et vie professionnelle: inconciliables?". Je tiens à préciser que l'interprétation personnelle que je développerai d'après les faits étudiés dans ce travail n'engage que moi.

Dans la seconde partie de cette conclusion, j'exprimerai mon point de vue à l'égard de la politique de l'emploi et de l'égalité des chances menée la ministre Miet Smet. Enfin, en dernière partie, je tenterai d'esquisser les bases d'une nouvelle réflexion, pouvant d'ailleurs faire l'objet d'une autre étude et centrée sur la question suivante: les femmes et les hommes sont-ils faits pour vivre ensemble? Comment peuvent-ils vivre harmonieusement l'un avec l'autre?

 

L'égalité des chances entre les hommes et les femmes, inscrite dans un processus d'évolution

L'emploi des femmes, comme nous l'avons vu dans le chapitre II "L'égalité des chances, inscrite dans un processus d'évolution?", est inscrit dans un processus essentiellement économique. M'appuyant sur la théorie générale des systèmes, j'ai pu démontrer dans ce chapitre que l'entrée des femmes sur le marché du travail résultait des déséquilibres successifs qui frappaient l'économie, confrontée sans cesse, depuis des siècles, à des manques de main-d'oeuvre masculine. En effet, la théorie générale des systèmes met en évidence les tensions et les déséquilibres nécessaires à un système (ouvert) afin qu'il évolue: il n'y a pas de survie du système s'il n'y a pas d'évolution, et il n'y a pas d'évolution s'il n'y a pas de déséquilibre. En outre, en même temps que le système évolue, un phénomène de "centralisation progressive" se produit: ce principe de centralisation progressive se traduit par le principe d'individualisation progressive. Au cours du temps, certaines parties du système vont acquérir un rôle dominant et détermineront le comportement de l'ensemble du système: ceci explique le principe d'individualisation progressive.

L'économie libérale est un système ouvert par excellence, puisque ce type d'économie permet les échanges économiques. Or, c'est bien l'évolution économique qui a déterminé l'évolution de la gent féminine: je suis même tentée de dire que s'il n'y avait pas eu de développement économique, il n'y aurait pas eu de féminisme. D'abord, il faut se rappeler que notre économie était basée, avant le XVIIIe siècle (et donc avant la Révolution française et la Révolution agricole et industrielle en Grande-Bretagne), sur l'agriculture. L'Angleterre du XVIIIe siècle va connaître un manque de main-d'oeuvre: elle va donc appuyer toute innovation technique pouvant supplanter cette main-d'oeuvre. C'est le début de la Révolution agricole. Cette période représentera aussi un moment-clef de l'histoire du capitalisme. Le développement agricole va entraîner un développement du secteur secondaire: c'est ici que commence le phénomène de centralisation progressive. Néanmoins, le manque de main-d'oeuvre persiste, alors que la main-d'oeuvre est indispensable pour soutenir le développement industriel. Les financiers et le gouvernement britanniques continueront dès lors de soutenir les innovations techniques pouvant combler le manque de main-d'oeuvre. Ces innovations techniques vont nécessiter une mobilisation de capitaux: on assiste à la Révolution industrielle. Mais malgré les progrès techniques qui vont avoir lieu, l'industrie (et surtout l'industrie textile, en plein essor à partir de la fin du XVIIIe siècle en Angleterre) va restée confrontée au manque de main-d'oeuvre. C'est à ce moment que les femmes (et même les enfants) font leur entrée sur le marché du travail: les femmes et les enfants vont, pour soutenir le développement industriel, combler le manque de main-d'oeuvre masculine. C'est davantage le manque de main-d'oeuvre masculine que le coût peu élevé de la main-d'oeuvre féminine qui inciteront les industriels à employer des femmes et des enfants. Parallèlement, se produit, en France, la Révolution, prônant la liberté des peuples mais surtout la liberté économique: il s'agissait plus en effet d'une révolution bourgeoise que d'une révolution favorable au bien-être social des peuples. Toutefois, le libéralisme et le développement industriel se développera plus tardivement en France qu'en Angleterre, ce qui explique que les Françaises entreront plus tard sur le marché du travail que les Anglaises (qui, soit dit au passage, ont acquis le droit de vote plus tôt que les Françaises, comme s'il fallait que les femmes travaillent d'abord avant de pouvoir voter).

Il faudra attendre le XIXe siècle afin que le secteur industriel se développe de manière considérable en France. Ce développement va nécessiter une mobilisation de capitaux mais aussi de main-d'oeuvre. C'est à partir de ce moment que les Françaises entrent sur le marché du travail: comme les Anglaises, elles seront nombreuses à travailler dans les usines textiles (cfr. chapitre I "Historique"). Or, le développement du secteur secondaire va entraîner le développement du secteur tertiaire: de nouveau, on fera appel à la main-d'oeuvre féminine. Le secteur tertiaire n'est pas, en effet, un secteur qui requiert une force physique importante. Ainsi, les hommes soutiendront l'activité industrielle, et les femmes soutiendront le développement du secteur des services. Au XXe siècle, naîtront alors les pools dactylographiques composés exclusivement de femmes...

Mais plus les femmes travailleront, plus elles s'émanciperont. Travailler dans le secteur tertiaire nécessite parfois de hautes qualifications scolaires (exemples: avocate, médecin,...): pour cette raison, quelques bourgeoises revendiqueront l'accès des femmes aux écoles et aux universités. Malgré quelques tentatives de renvoi des femmes au foyer, les femmes progresseront lentement mais sûrement: elles se maintiendront sur le marché du travail et seront même de plus en plus nombreuses à travailler. Après la deuxième Guerre mondiale (période marquée par le droit de vote accordé aux femmes, la naissance de la Sécurité sociale et la promulgation de diverses lois sociales), les femmes, plus nombreuses sur le marché du travail, revendiqueront "un salaire égal pour un travail égal". Disposant, grâce au travail, d'une indépendance financière, elles revendiqueront leur indépendance par rapport à l'homme, mais aussi par rapport à leur corps: elles revendiqueront la dépénalisation de la contraception. La femme ne "tombe" désormais plus enceinte, elle choisit de l'être: grâce à la contraception, elle ne dépend plus des aléas qu'implique une fécondité qu'on ne maîtrise pas.

Qu'en est-il aujourd'hui?

La division du travail existe toujours. Les hommes qui travaillent en Belgique sont encore fort présents dans le secteur secondaire: 37 % des hommes qui travaillent dans notre pays sont employés dans ce secteur. Il s'agit essentiellement de travailleurs manuels: le pourcentage de travailleurs manuels dans le secteur secondaire s'élève à 74 %. Tous secteurs confondus, on dénombre, du côté masculin, 47 % de travailleurs manuels, alors que ce pourcentage ne s'élève, chez les femmes (également tous secteurs confondus), qu'à 27 %. Les femmes, de leur côté, travaillent essentiellement dans le secteur des services: 87 % des femmes qui travaillent dans notre pays sont employées dans le secteur tertiaire (ce qui ne signifie pas que ce secteur soit monopolisé par les femmes: en effet, 50 % des travailleurs de ce secteur sont des hommes). 77 % des femmes de ce secteur d'activités sont des travailleuses intellectuelles. Bref, 82 % des travailleurs du secteur secondaire sont des hommes, et 50 % des travailleurs du secteur tertiaire sont des femmes.

Pourquoi les hommes sont-ils majoritaires dans le secteur secondaire? D'abord parce que travailler dans ce secteur nécessite de la force physique (exemple: le secteur de la construction). Ensuite, parce que les conditions de travail, et notamment les rémunérations, sont restées relativement satisfaisantes. Les syndicats ont contribué au maintien de ces conditions relativement satisfaisantes: le monde syndical étant essentiellement masculin, c'est surtout le travail des hommes qu'il a défendu jusqu'ici. Pourquoi les femmes de notre pays travaillent-elles surtout dans le secteur des services? D'abord, la force physique n'y est pas exigée. Mais surtout, les rémunérations y sont plus faibles et les conditions de travail plus insatisfaisantes (exemple: secteur du commerce, de l'Horeca, de l'éducation, de la santé). Pourquoi les rémunérations des femmes sont-elles plus faibles? Est-ce l'entrée des femmes dans une profession qui entraîne une dégradation des conditions de travail, ou est-ce la dégradation des conditions de travail qui entraîne l'entrée des femmes dans une profession? Interrogée à ce sujet, Adida Vanheerswyngheels pense "qu'il s'agit un peu des deux". "En fait, lorsque la profession est moins prestigieuse, le secteur se féminise. En effet, les conditions moins prestigieuses de travail attirent moins les hommes: on fait donc appel à la main-d'oeuvre féminine. Les hommes désirant des emplois avec de bonnes conditions de travail, on constate un départ des hommes et l'entrée des femmes dans des professions moins prestigieuses. Ce phénomène est à rapprocher du travail des immigrés" déclarait-elle également. En outre, les travailleuses du secteur des services sont surtout des travailleuses intellectuelles. Serait-ce leur faible force physique qui inciteraient les filles à s'investir davantage dans les études? En France, 25 % des femmes actives détiennent un diplôme supérieur au baccalauréat, contre 20 % des hommes.

La ségrégation horizontale du marché du travail est dès lors évidente: d'une part, les femmes se situent dans le secteur tertiaire, et d'autre part, les hommes restent majoritaires dans l'industrie. Or, la ségrégation signifie bien souvent discriminations et inégalités... A l'intérieur du secteur tertiaire, on retrouve une seconde ségrégation: la ségrégation verticale. Les femmes du secteur des services sont surtout des employées, puisqu'un cadre sur huit seulement est une femme. Dans le secteur secondaire, on retrouve une minorité de travailleurs intellectuels (ingénieurs, cadres, directeurs) et une majorité de travailleurs manuels. Pourquoi parler de ségrégation verticale et d'inégalité dans le secteur tertiaire? Le secteur des services compte autant d'hommes et de femmes, ce n'est pas un secteur masculin: pourquoi dès lors ne compte-t-il pas autant d'hommes que de femmes aux postes de direction? S'il est compréhensible que la minorité de cadres et de directeurs soit exclusivement masculine dans le secteur industriel (secteur masculin), cela l'est beaucoup moins dans le secteur des services (secteur mixte).

En outre, rappelons qu'il devient de plus en plus difficile, à cause de la crise économique, de maintenir l'emploi des hommes dans le secteur secondaire, d'autant plus que les hommes ne sont pas prêts, comme les femmes, à accepter des rémunérations peu élevées (du côté des femmes, on désigne les faibles rémunérations par des "revenus d'appoint"). En effet, près d'un homme sur trois a perdu son emploi de 1974 à 1993: plus de 550 000 emplois ont ainsi disparu dans le secteur secondaire. Par contre, durant la même période, près de 700 000 emplois ont été créés dans le secteur des services (dont 506 000 sont occupés par des femmes). Bref, les hommes perdent de l'emploi (secteur industriel en déclin) et les femmes en gagnent (secteur des services en plein essor).

Un constat s'impose: la femme est entrée sur le marché du travail suite au développement économique (et elle s'est maintenue sur ce marché depuis l'essor du secteur des services). Malgré cette entrée massive sur le marché du travail, la femme est confrontée à de nombreux obstacles: les rémunérations moins élevées que celles des hommes, les charges familiales qu'elles doivent assumer seules, etc. Tous ces obstacles à la vie professionnelle de la femme se fondent sur des discriminations sexuelles: la femme est moins payée parce qu'elles exercent des professions féminines (secrétaires, enseignantes, aides-soignantes, gardiennes d'enfants, ...); elle n'a pas les mêmes chances d'accès aux postes à responsabilités ou de direction que leurs collègues masculins parce qu'elle doit, selon la mentalité de la société, assumer la presque exclusivité des charges domestiques et éducatives. Beaucoup d'hommes ont de la peine à dissocier "travail" et "sexualité", comme si l'un et l'autre étaient indissociables et formaient un "tout". De cette manière, le directeur général interviewé dans le cadre de ce travail, ainsi que Mr Sauvage (de la Centrale Nationale des Employés) ont fait référence, au cours des interviews menées dans le cadre de ce travail, aux différences biologiques entre femmes et hommes, à la sexualité et aux différences de comportements amoureux, alors qu'aucune question ne leur était posée à ce sujet. Par exemple, selon Mr Sauvage, "les femmes recherchent de l'affectivité et sont prêtes à tout sacrifier (et notamment la vie professionnelle), à s'aliéner elle-même pour obtenir cette affectivité de la part de l'homme", alors que "l'homme n'est pas prêt à tout sacrifier pour elle." En outre, selon lui les femmes seraient plus dépendantes que les hommes de leur corps (elles sont pourtant nombreuses à prendre la pilule...): de ce fait, par son corps, elle créerait son propre statut (celui de mère). Les hommes, par contre, moins dépendants de leur corps, auraient besoin de se réaliser à l'extérieur... Le directeur général rappelait, de son côté, qu'"(...) il y aura toujours des différences qu'on ne pourra jamais supprimer. (...) La biologie existe et il faut en tenir compte." A mon sens, il faut absolument dissocier le travail de la sexualité et de l'amour: associer l'un à l'autre équivaudrait à légitimer les inégalités. En effet, les femmes, parce qu'elles accouchent, doivent-elles accepter d'être moins payées que les hommes? Est-ce parce qu'elles ont un comportement sexuel et amoureux différent des hommes qu'elles ne peuvent accéder aux postes de direction? Il faut distinguer les différences immuables de celles qui ne le sont pas. Les hommes et les femmes auront toujours un comportement sexuel et amoureux différent: pourquoi sans cesse revenir la-dessus? La réalité est parfois plus complexe: des femmes peuvent adopter des comportements masculins, des hommes peuvent adopter des comportements féminins (manifester leur sensibilité et leurs émotions, par exemple): ces différences-là ne sont toujours pas tolérées dans notre société. Quoi qu'il en soit, nous ne pourrons jamais changer les différences biologiques. Par contre, la place des femmes et des hommes dans la société, dans le monde du travail, évolue sans cesse: les différences à ce niveau peuvent donc être changées, sans que cela puisse porter atteinte aux autres différences, celles-là immuables. Mais comme je l'ai dit, les hommes ont beaucoup de peine à dissocier "travail" et "sexualité", sans doute parce qu'ils ont toujours fondé, jusqu'ici, leur identité sur le plan professionnel, et beaucoup moins sur le plan privé... Les femmes, de leur côté, amenées chaque jour à jongler avec la vie professionnelle et la vie familiale, n'ont pas trop de difficultés à dissocier les deux: aucune des femmes interrogées dans le cadre de ce travail n'a abordé, au cours des interviews, les différences biologiques ou la sexualité. Dans cette étude, il a donc été question de travail et d'aspects économiques, et non de sexe et d'amour.

Revenons aux obstacles rencontrés par les femmes. Les obstacles ont contribué à faire évoluer les femmes. Plus les femmes ont rencontré d'obstacles, plus elles se sont remises en question: l'apogée du féminisme dans les années 60 et 70 (souvenons-nous du "Deuxième sexe" de Simone de Beauvoir) est révélatrice de cette grande remise en question de la condition féminine. C'est aussi pendant cette période que les ouvrières de la FN à Herstal revendiquent un salaire égal pour un travail égal. Bref, la femme, sur une cinquantaine d'année, a remis en question la situation d'infériorité dans laquelle on l'avait placée pendant des siècles. Cette remise en question s'est accompagnée d'un mouvement d'individualisation. Ce mouvement d'individualisation s'est traduit par une reconnaissance des droits de la femme (droit de vote, droit au travail, droit au contrôle des naissances, ...) mais aussi par une reconnaissance des droits de l'enfant (abolition du travail des enfants, droit à l'instruction, ... Certains hommes/femmes politiques parlent aujourd'hui du droit des enfants d'être accueillis en dehors des heures scolaires).

 

Qu'en est-il de l'homme?

L'homme, depuis des siècles, n'avait pas de raison de se remettre en question: en effet, il est placé depuis longtemps dans une situation de supériorité. Mais reconnaître les droits des femmes et ceux des enfants est revenu à remettre en cause cette supériorité, cette suprématie de l'homme autrefois tout puissant. Non seulement l'homme, frappé par la crise économique, a perdu son emploi et s'est retrouvé au chômage, mais en plus il a perdu l'autorité qu'il avait sur sa femme et ses enfants. Cette situation cause bien évidemment un mal-être chez l'homme, peu habitué à se remettre en question (surtout lorsqu'il s'agit de pouvoir...). Cette mutation culturelle que nous vivons est plus difficile à vivre pour l'homme, puisque cette mutation signifie pour lui une perte d'une partie de ses privilèges. Comment réagissent donc les hommes? Arlene Skolnick distinguait 3 réactions:

- l'homme qui fuit: il s'agit de l'homme incapable d'affronter ses responsabilités familiales;

- l'homme qui s'enlise dans un machisme tenu, justement parce qu'il sent sa supériorité remise en question, le pouvoir lui échappe et il ne contrôle plus grand chose, d'où le comportement machiste et le refuge vers les valeurs traditionnelles;

- l'homme qui s'adapte à cette mutation: il est tolérant à l'égard des femmes qui travaillent, acceptent même de participer aux tâches ménagères et de participer davantage à l'éducation des enfants.

Bref, l'homme, autrefois si fort, perd de sa puissance, et la femme, autrefois si faible, devient plus forte. En effet, elles sont plus fortes aujourd'hui par leur indépendance par rapport à leur conjoint et par rapport à leur corps, mais aussi parce que le travail des femmes apporte de la richesse économique. Comme nous l'avons vu, la croissance de l'emploi des femmes résulte du développement du secteur tertiaire: les femmes contribuent donc à soutenir l'essor de ce secteur. De plus, les femmes sont de plus en plus nombreuses à créer leur propre entreprise. Les entreprises créées ou dirigées par une femme connaissent une croissance stable. Aux Etats-Unis, 75 % des entreprises américaines dirigées ou créées par des femmes se maintiennent en activité plus de 3 ans, contre 60 % des entreprises dirigées ou créées par des hommes. En France, les entreprises dirigées par des femmes connaissent une croissance supérieure à la moyenne des entreprises; elles connaissent aussi une rentabilité supérieure à la moyenne. Bref, le travail des femmes, tant celui des employées que celui des femmes "cheffes" d'entreprise, contribue à développer les richesses économiques. Plusieurs économistes soutiennent cette idée, comme Béatrice Majnoni d'Intignano, professeur d'université à Paris, et Etienne Wasmer, économiste à l'European Center for advanced research in Economics (Université Libre de Bruxelles). Dans un rapport adressé au Premier Ministre français, Mr Jospin, le Conseil d'analyse économique démontre que le travail des femmes stimule la croissance et l'emploi. Ce rapport s'appuie sur les analyses économiques de B. Majnoni d'Intignano, d'où il ressort que plus les femmes travaillent, plus le chômage baisse (les pays qui comptent des taux élevé de chômage compte aussi des faibles taux d'activité féminine). Par ailleurs, ce rapport révèle que les femmes (excepté les moins qualifiées) gagnent en moyenne plus d'argent qu'il ne leur en faut pour subvenir à leurs nouveaux besoins: garde d'enfants, etc. Salariée, la femme consomme des produits qu'elle ne pourrait s'offrir si elle ne travaillait pas. Cette nouvelle consommation, très orientée vers les services, est favorable à l'emploi. En effet, les tâches sont, dans le secteur des services, peu mécanisables: dès lors, lorsque la demande augmente, l'emploi augmente également. En outre, B. Majnoni d'Intignano montre que les femmes, lorsqu'elles concilient carrière et enfants, ont davantage tendance à faire le nombre d'enfants qu'elles souhaitent. Les pays qui obtiennent des taux de natalité moins faibles sont ceux dont la politique familiale met l'accent sur la mise à disposition d'équipement d'accueil des jeunes enfants (ces structures d'accueil sont d'ailleurs désignées par François de Singly comme des supports de natalité). Or, les enfants représentent un élément important de développement d'une société, "car leur nombre et la qualité de leur éducation déterminent l'équilibre démographique et la cohésion sociale à long terme" rappelle B. Majnoni d'Intignano. Quant à Etienne Wasmer (ULB), il réaffirme lui aussi que "l'intégration des femmes au marché du travail crée de la richesse et induits d'autres emplois", les renvoyer au foyer constituerait une "aberration économique" et ce serait oublier "l'irréversibilité des évolutions sociales."

Mais comment les hommes doivent-ils réagir face à cette évolution? Faire la guerre aux femmes pour reconquérir leur pouvoir? Ce n'est pas à ce type de question qu'il faut répondre. La question essentielle est, comme le précisait A. Skolnick, de savoir comment les hommes, mais aussi les institutions, s'adapteront à ce changement, à cette mutation. Comme l'indique la théorie générale des systèmes, l'homme peut être considéré comme un système en lui-même. Pour survivre, un système doit évoluer. Pour évoluer, le système doit connaître des déséquilibres. L'homme connaît actuellement un déséquilibre: il existe un déséquilibre entre ce que l'homme est depuis des siècles et est resté encore aujourd'hui, et ce que la femme est devenue. A l'homme donc de rétablir l'équilibre. Comment le ferait-il? En renvoyant les femmes à la maison? Une telle solution est-elle envisageable? Comme nous l'avons vu, elle n'est pas envisageable pour plusieurs économistes. De plus, cela n'amènerait pas l'homme à changer (et donc à évoluer) puisque cela conforterait sa position dominante, mais vieillotte et dépassée puisque séculaire. A mon sens, l'homme est amené à se redéfinir, à redéfinir son identité et à ajuster celle-ci aux changements sociaux. Les femmes, comme le montrent les sondages, aimeraient que leur conjoint participe davantage aux tâches ménagères et à l'éducation des enfants. Mais l'homme serait-il moins homme parce qu'il fait la vaisselle et s'occupe du bébé? Figurez-vous un instant les plongeurs dans les restaurants, tous ces hommes qui travaillent dans la restauration, qui cuisinent, font la vaisselle et nettoient par terre: ces hommes sont-ils moins hommes parce qu'ils exercent ces activités? Figurez-vous les hommes qui prennent soin de leur corps, qui se parfument et soignent leur tenue vestimentaire? Au Japon par exemple, "les jeunes pensent qu'ils doivent prendre soin de leur apparence, mettre de beaux habits et être remarqués" peut-on lire dans un mensuel japonais exclusivement consacré à la mode masculine. "Ce qui ne veut pas dire qu'ils se féminisent. Ils préfèrent juste aller dans un salon de beauté que chez un barbier." Dès lors, les hommes, soucieux de leur beauté et faisant la vaisselle, en sont-ils moins homme pour autant? Pas le moins du monde, puisqu'ils "s'approprient" des activités dites féminines (faire la vaisselle, aller dans un salon de beauté) en y apportant une touche masculine: les hommes ne font pas la vaisselle de la même manière que les femmes; ils n'utilisent pas non plus les mêmes produits de beauté. De cette manière, s'occuper davantage des enfants ne signifie se convertir en un "assistant maternel". Par ailleurs, ce ne sont pas les différences biologiques qui déterminent qui doit faire la vaisselle, qui peut être coquet, qui doit s'occuper des enfants. Les hommes et les femmes peuvent exercer ces activités en y apportant chacun leurs différences. Voilà, à mon avis, l'idée à laquelle les hommes devraient réfléchir, voilà une piste qui pourrait les conduire à une identité "nouvelle", qui les resituerait par rapport à la femme. Mais les féministes, ou même les femmes, n'ont pas à dicter aux hommes ce qu'ils doivent devenir: les féministes n'ont pas demandé aux hommes ce qu'elles devaient devenir lorsqu'elles voulaient changer. Elles ont changé toutes seules, comme des grandes: aux hommes à se responsabiliser à leur tour. Certains hommes le font déjà, et sans complexe: les hommes du club "Stuts", par exemple, qui ont tout abandonné pour la carrière professionnelle de leur épouse, ou les hommes pro-féministes, qui remettent justement en cause l'identité masculine fondée sur la domination et la violence.

Mais où se situe l'entreprise face à ces changements? Change-t-elle elle-même pour s'adapter à ce nouvel "environnement"? L'entreprise peut elle aussi être considérée comme un système ouvert, obligée sans cesse de s'adapter pour rester concurrente et se maintenir sur un marché. Il serait étonnant qu'elle continue de rester imperméable à ces changements culturels. D'abord, je distingue trois raisons essentielles qui devraient inciter les entreprises à intégrer l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (ce qui leur permettrait d'ailleurs de s'adapter à ces changements):

- d'abord, la ségrégation du travail, tant horizontale que verticale, empêche la mobilité de la main-d'oeuvre. Or, cette mobilité sera indispensable dans les années à venir: la population belge est vieillissante, et les entreprises risquent de nouveau d'être confrontées à une pénurie de main-d'oeuvre masculine (et blanche, de +/- 30 ans, bourgeoise);

- ensuite, l'entreprise doit faire face à une offre de main-d'oeuvre féminine de plus en plus importante, et de plus en plus qualifiée: les entreprises ne seront plus seulement amenées à adapter leurs postes de travail à une main-d'oeuvre masculine, elles seront aussi amenées à les adapter aux aspirations d'une main-d'oeuvre féminine croissante, de plus en plus qualifiée. Ainsi, au rythme auquel se développe l'emploi des femmes aux Etats-Unis, la main-d'oeuvre féminine sera équivalente à la main-d'oeuvre masculine dès le siècle prochain;

- enfin, non seulement la main-d'oeuvre se féminise, mais les marchés aussi: le personnel de l'entreprise doit donc être le reflet de la clientèle. Pour assurer une communication commerciale adéquate à un marché de plus en plus divers, le personnel doit lui aussi se diversifier.

Deux concepts permettent d'intégrer l'égalité des chances au sein de la gestion des ressources humaines: le mainstreaming, qui se concrétisent par des actions positives, et l'idéologie de la différence, se concrétisant par des programmes de gestion de la diversité. Les actions positives contribuent à "décloisonner" les secteurs d'activités (éliminer la ségrégation horizontale et verticale), tandis que la gestion de la diversité permet de composer un personnel divers à l'image d'un marché tout aussi divers. Dans tous les cas, les deux concepts (mainstreaming et gestion de la diversité) représentent des instruments pour une meilleure motivation du personnel.

Il devient essentiel d'entreprendre diverses actions de sensibilisation des entreprises vis-à-vis de l'égalité des chances:

- d'une part parce que les entreprises ignorent, d'après ce que j'en retire de ce travail, en quoi consiste les actions positives et les programmes de gestion de la différence;

- d'autre part parce que l'évolution de la gent féminine est irréversible: s'étant réalisée sur une longue période, cette évolution induit des changements profonds.

Miet Smet, Ministre de l'Inégalité des chances

D'une part, Miet Smet a mis en place, depuis 1989 et à la demande des partenaires sociaux, une cellule chargée de mener des actions positives afin de supprimer les inégalités entre les hommes et les femmes dans les entreprises: il s'agit de la Cellule Actions Positives du Ministère de l'Emploi et du Travail. "Hypocrisie": voilà le terme qu'employait Adida Vanheerswynghels, chercheuse à l'ULB, pour qualifier les actions positives. Pourquoi? D'abord, parce que les moyens qui sont dégagés pour mener de telles actions sont "ridicules" par rapport à ce qui devrait être fait, comme le précisait Annie Cornet, maître de conférence à l'Université de Liège. Mais surtout parce que Miet Smet a développé des mesures totalement discriminatoires et éloignant davantage les femmes de l'égalité. En effet, en 1998, Miet Smet a pris de nouvelles mesures pour inciter les travailleurs à interrompre leur carrière. Or, cette mesure touche, à 85 %, des femmes. En effet, la mesure, telle que la définit la loi, n'incite pas les hommes, autant que les femmes, à en bénéficier. Lorsqu'un membre du ménage doit interrompre sa carrière pour s'occuper des enfants, il s'agit bien souvent de la femme (parce qu'il revient à la mère de s'occuper davantage des enfants, mais surtout parce qu'elle est rémunérée moins que son époux). Or, l'absentéisme du personnel préoccupe beaucoup les employeurs. Pour cette raison, ils préféreront toujours, selon Danièle Meulders (ULB) employer des hommes. L'interruption de carrière n'est donc pas favorable aux femmes, mais en plus ne convient pas aux entreprises.

Ensuite, la politique de Miet Smet a été à l'origine de la restructuration et du refinancement du Fonds des Equipements et des Services Collectifs, organisant notamment l'accueil des enfants. Beaucoup de femmes s'imaginaient que les services d'accueil des enfants (pendant et en dehors des heures scolaires) se seraient considérablement améliorés avec l'entrée massive des femmes sur le marché du travail. Or, "sur dix ans, rien n'a changé" déclarait une responsable de recrutement interviewée dans le cadre de ce travail, alors que le taux d'activité des femmes n'a cessé de croître. Bref, Miet Smet a développé les incitants à l'interruption de carrière, mais certainement pas les structures d'accueil des enfants, secteur pourtant source importante d'emplois selon diverses études belges et françaises. Bien sûr, l'interruption de carrière permet:

- d'une part de résorber le chômage puisque tout employé interrompant sa carrière doit être remplacé par un chômeur complètement indemnisé;

- d'autre part, d'économiser sur le financement du FESC: si les femmes retournent à la maison, il devient moins nécessaire de développer les structures d'accueil des enfants.

Néanmoins, l'interruption de carrière résout-elle le problème du chômage de longue durée des femmes peu qualifiées? Une étude du Conseil National de l'Emploi a révélé la surqualification répandue dans le secteur tertiaire: les peu qualifiés se voient dérober un poste à la hauteur de leur compétence par des plus qualifiés. De ce fait, je doute fort que l'interruption de carrière résolve le problème du groupe de chômeurs particulièrement difficile à insérer dans le monde du travail (et formant de surcroît la majorité des chômeurs). Pourtant, le développement du secteur des services d'accueil des enfants ne permettrait-il pas d'insérer ces chômeuses peu qualifiées? Développer l'emploi de ce secteur signifierait d'une part l'insertion de demandeurs d'emplois peu qualifiés, et d'autre part le soutien des richesses produites par les travailleuses du secteur tertiaire et les femmes "cheffes" d'entreprise. Mais au lieu de cela, qu'a fait Miet Smet? Mme Smet a résout le problème du chômage en supprimant purement et simplement les allocations de chômage des chômeurs de longue durée, en persécutant les co-habitantes d'inspecteurs sociaux (gare aux vêtements et sous-vêtements qui traînent dans la salle de bains: pour Miet Smet, cohabiter avec un homme devient un infraction et signifie la suspension des allocations de chômage! Rappelons qu'une fille cohabitant avec ses parents continuent de percevoir ses allocations de chômage...)

Bref, sous le régime de Miet Smet, une femme avait des chances de réussite professionnelle égales à celles d'un homme à condition qu'elle renonce à aimer un homme et à avoir des enfants. Pour réussir, la femme devait devenir un homme: devait-elle alors se positionner comme sa rivale et lui déclarer la guerre? Si Miet Smet veut faire la guerre aux hommes, qu'elle la fasse toute seule!

Les hommes et les femmes sont-ils faits pour vivre ensemble?

L'humanité a toujours fonctionné sur un mode binaire. Durant l'Antiquité, Platon distinguait le corps et l'esprit; Pascal, inventeur de la machine à calculer, mettait en évidence, dans l'une de ses "Pensées", l'infiniment petit et l'infiniment grand. Beaucoup plus tard, naissaient les ordinateurs, fonctionnant avec les nombres binaires. Cette réalité binaire, nous la rencontrons tous les jours: en électricité, ne parle-t-on pas de courant positif et de courant négatif? Bref, cette réalité binaire fait partie de notre vie depuis toujours.

L'homme en a toujours été conscient, mais a toujours refusé d'accepter cette réalité, la différence qui pouvait exister entre deux éléments. Il a donc cherché à savoir quel élément devait dominer l'autre. Platon a ainsi affirmé la suprématie du "monde des idées" sur le "monde sensible" (alors qu'Aristote croyait en la complémentarité des deux, puisque "Rien dans notre intelligence qui ne soit passé par nos sens"). Plus tard, des économistes vont affirmer la suprématie du libéralisme, tandis que d'autres se feront les défendeurs de l'économie planifiée. Depuis longtemps, l'homme blanc cherche à confirmer sa suprématie sur d'autres hommes. Dans tous les domaines (économiques, ethnique, politique, sexuel, ...), il y a ce refus de la différence, et la poursuite d'un idéal inaccessible, puisque unitaire et non binaire: un modèle unique, entier, et non double, doit prévaloir. Par ce refus de la différence, l'homme cherche à transformer le modèle binaire en un modèle unitaire, lisse et sans aspérités, car sans différences. Pour accéder à ce modèle, l'homme utilise un moyen: l'asservissement d'un groupe par un autre. En politique, on appelle cela la dictature. Pour instaurer cette dictature, l'homme utilisera la violence. La violence chasse une dictature pour en imposer une autre. Prenons l'exemple de la Révolution française: à la suprématie de l'aristocratie succèdent la suprématie de la bourgeoisie, tout cela dans une boucherie immonde. Les révolutions communistes ne se sont pas, non plus, menées sans leur lot de violence. En Russie, le communisme s'est maintenu jusqu'en 1989: la chute du mur de Berlin a entraîné son effondrement. Aujourd'hui, la Russie est ruinée: après avoir subi la dictature communiste, elle subit à présent la dictature du marché. En quoi ces dictatures sont-elles positives? A quoi mènent-elles? A rien de bien constructif... Le propre d'une dictature consiste à supprimer les tensions (sociales, politiques, ...): comme un seul modèle prévaut, deux modèles (ou systèmes) différents ne peuvent émerger et se confronter l'un à l'autre, et permettre ainsi les tensions nécessaires à un système pour évoluer. Bref, la dictature, quelle qu'elle soit, ne peut être qu'un système fermé, ne permettant ni les échanges, ni les tensions, ni les déséquilibres pour permettre au système de survivre. D'ailleurs, une dictature survit si bien qu'elle finit toujours par être renversée par une autre... Qu'en est-il entre les hommes et les femmes? Jusqu'ici, un modèle masculin a toujours prévalu et prévaut toujours, bien que les femmes aient successivement revendiqué leurs droits. Je pense que les femmes mènent une stratégie différente pour revendiquer leurs droits. Les femmes, pour évoluer, n'ont pas eu besoin de renverser le modèle masculin pour pouvoir voter, travailler, prendre la pilule, etc. Quelles sont les féministes qui ont torturé, massacré, éventré pour acquérir leurs droits? Les suffragettes britanniques ont bien brisé des vitrines, piétiné des fleurs, craché à la figure de quelques constables; elles n'ont pourtant jamais tué personne. Les ouvrières de la FN à Herstal sont sorties victorieuses de la grève de 1966, à force de ténacité, pas à force de coups de poing. La révolution féministes des années 60-70 s'est même produite durant une période marquée par le pacifisme (opposition vive aux USA contre la guerre du Vietnam) et les slogans "peace & love" (mouvement hippie)... "Les femmes ont néanmoins participé à la Révolution française de 1789, et aux châtiments légitimes à cette époque envers les nobles". Certainement: les Françaises ont fait la Révolution de 1789, mais elles n'en étaient pas les leaders (si bien qu'Olympe de Gouges, revendiquant les droits des femmes, a été guillotinée en même temps que Louis XVI). Cette stratégie féminine est efficace: les femmes conservent leurs acquis, puisque ceux-ci s'inscrivent dans un processus de changement lent mais durable.

Malheureusement, nombreux sont les hommes qui ne comprennent pas cette stratégie. Bien souvent, ils s'imaginent que les femmes sont comme eux (encore le refus de la différence...): lorsqu'elles sont féministes, les femmes cherchent forcément à écraser les hommes et à leur imposer le matriarcat. Tout mouvement comprend des extrémistes (le féminisme y compris), et certains vont jusqu'à prétendre que le matriarcat est une réalité. Il est pourtant difficile de parler de matriarcat lorsque les chefs de gouvernement et les chefs d'entreprises sont, à travers le monde, essentiellement des hommes...

Dès lors, je pense qu'une réflexion intéressante peut-être menée tant au niveau de cette réalité binaire qu'au niveau de la stratégie des femmes pour progresser. La question n'est donc pas de savoir qui doit dominer l'autre, mais comment faire pour vivre ensemble harmonieusement et gérer nos différences. Inutile également de discourir davantage sur l'Amour, l'amour unique (un conte de fée pour jeunes filles permettant de les détourner de la politique et de l'économie), un idéal lui aussi inaccessible. Jean-Claude Kaufman écrit, à propos de l'amour: "(...) dans les rapports sexuels, dans l'échange subjectif et amoureux, chacun cherche intuitivement à avancer dans le sens de l'équation improbable: 1 + 1 = 1. Puis les passagers de cet étrange voyage perçoivent les indices leur signalant qu'ils sont toujours séparés. Plus l'élan (amoureux) des débuts s'affaiblit, (...), plus l'élan se ralentit: 1 + 1 = 2." Dans une perspective systémique, 1 + 1 = 3 ... Cela confirme que la fusion des deux, le tout "unitaire" est impossible: les hommes et les femmes doivent vivre avec leurs différences. La tolérance est peut-être gage de l'harmonie, de la paix certainement.

 

Annexes

 

INTERVIEW DE Mme GOFFINET

L'interview ci-après est celle de Françoise Goffinet, experte permanente à la Cellule Actions Positives du Ministère de l'Emploi et du Travail. La Cellule Actions Positives développe, depuis sa création en 1989, des actions de sensibilisation générale, de diffusion d'information et de consulting sur des thèmes tels que l'organisation du travail, la qualité du travail, les systèmes de flexibilité, le stress au travail, la classification de fonction, le harcèlement sexuel sur les lieux du travail, etc. Elle offre ses services aux employeurs, aux employés, fédérations patronales, syndicats, formateurs, bureaux d'avis. C'est donc elle qui développe les plans d'actions positives, coordonne les différents réseaux "égalité des chances", etc. Madame Goffinet est également experte nationale du réseau européen "Travail & Vie familiale". Elle a été rencontrée le 6 novembre 1998 à Bruxelles.

 

1. Quelles sont les mesures que la Ministre fédérale de l'Emploi et du Travail, Miet Smet, a développé pour favoriser l'égalité des chances entre les hommes et les femmes?

La politique de Madame la Ministre Smet est constituée par des mesures à caractère obligatoire. Néanmoins, aucune de ces mesures ne prévoient des sanctions lorsqu'elles ne sont pas respectées.

On distingue ainsi l'arrêté royal de 1990 qui définit les actions positives dans les secteurs publics, l'arrêté royal de de 1993 relatif au rapport annuel sur l'égalité des chances entre les homme et les femmes (cet arrêté stipule que chaque entreprise doit rédiger un rapport annuel sur l'égalité des chances, mais ne prévoit aucune sanction si l'entreprise ne l'établit pas). On distingue également les arrêtés royaux de 1992 et de 1995 relatifs au harcèlement sexuel: les employeurs doivent désigner une personne de confiance; le nom de cette personne doit être mentionné dans le règlement de travail.

 

2. Les organismes faisant appel à la Cellule Actions Positives sont-ils nombreux?

Certaines entreprises sont obligées de faire appel à la Cellule Actions Positives: ce sont les entreprises en difficulté ou en restructaration. En effet, l'arrêté royal de 1985 oblige ces entreprises à joindre, au plan de restructuration, un plan d'actions positives pour les travailleuses.

Mais les autres entreprises sont rares à faire appel à notre cellule. Depuis 1989, nous avons entamé les démarches dans une petite centaine d'entreprises. En outre, c'est toujours avec les mêmes organisations syndicales que nous travaillons.

Les raisons sont probablement les suivantes: beaucoup d'entreprises ont disparu à cause de la récession économique, d'autres connaissent des difficultés économiques. Il semble que les entreprises ont autre chose à faire que de s'occuper de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes; les actions positives sont souvent les dernières de leurs préoccupations.

En outre, certains plans d'actions positives échouent: cela provient souvent du départ d'un chef de personnel, d'un changement de délégués syndicaux, du remplacement de plusieurs membres de l'entreprise. Car tout le monde ne se sent pas concernés par l'égalité des chances entre les hommes et les femmes: certains hommes ne s'y intéressent pas. L'égalité des chances, en effet, se conjugue toujours au féminin: c'est une histoire de femmes.

Enfin, si on constate aujourd'hui un certain repli sur la famille, c'est parce qu'il existe des freins à la progression des femmes dans le monde du travail. Les ouvrières, par exemple, qui travaillent à la chaîne n'ont pas de perspectives intéressantes dans l'entreprise, et préfèrent parfois retourner à la maison, d'autant plus que leurs maris ne sont pas habitués à les aider dans les tâches ménagères. Comme on le voit, l'éducation joue un rôle important.

 

3. Sur quels critères jouez-vous pour convaincre les entreprises de la nécessité de mettre en oeuvre l'égalité des chances?

On ne peut pas parler de véritable politique de sensibilisation. De plus, certains secteurs sont imperméables à la notion d'égalité des chances entre les femmes et les hommes, comme le secteur de l'enseignement wallon, par exemple, qui est un secteur trop féminisé, et donc dévalorisé, où ne prévaut qu'un seul modèle: le modèle féminin.

 

4. Quelles sont les attitudes des employeurs vis-à-vis de l'égalité des chances?

Les employeurs les plus ouverts sont les pères confrontés au chômage de leur fille qui a pourtant fait des études. Ces hommes sont plus ouverts parce qu'ils prennent conscience de l'injustice. Dans les entreprises où des plans "égalité des chances" sont mis en oeuvre, les employeurs ont souvent ce côté "paternel", protecteur.

Les employeurs américains sont eux aussi plus sensibles à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes: ils sont effet obligés de mener une politique non-discriminatoire. Ils peuvent toutefois se contenter de mesures superficielles.

En tout cas, les réactions à cette notion sont souvent négatives: parler de l'égalité des chances, c'est parler des inégalités qui existent dans l'entreprise, de ses problèmes. Bref, une entreprise ne se vantera pas de mettre en oeuvre un plan "égalité des chances": cela ne donnera pas une bonne image d'elle. C'est même un sujet tabou (pour vivre heureux, vivons cachés). Certains employeurs considèrent aussi que mettre en oeuvre de tels plans seraient justement de considérer les femmes comme des êtres inférieurs, au même titre que les immigrés. Néanmoins, les immigrés représentent un pourcentage peu important de la population, alors que les femmes en forment la moitié. Mais ils n'ont pas tout à fait tort: les actions positives peuvent avoir des effets pervers, dans le sens où les femmes peuvent effectivement apparaître comme des êtres inférieures, incapables, et même "chouchoutées" dans leur infériorité.

Pour cette raison, les employeurs "paternels" n'aiment pas aborder le sujet devant et avec d'autres employeurs (parler des plans "égalité des chances" révèle qu'avant la mise en oeuvre de ces plans, l'entreprise connaissait des problèmes, ne fonctionnait pas bien). Dans les entreprises américaines, par contre, la notion d'égalité des chances entre les hommes et les femmes rehausse l'image de marque de l'entreprise. Aux Etats-Unis, comme dans les organisations américaines installées en Belgique, le sujet passe mieux (ce n'est pas mal "vu" de mettre sur pied de telles initiatives). En Espagne, aussi, le sujet passe mieux: les projets "Optima", projets européens en faveur de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, sont considérés comme des labels de qualité. Ici, l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, cela fait rire.

Comme c'est un sujet tabou, les employeurs n'acceptent d'en parler qu'en terrain neutre, par exemple lors de réunions au Ministère de l'Emploi et du Travail.

Mais le problème réel réside dans la formation des futurs chefs de personnel. Dans ces formations, on ne parle pas assez de l'égalité des chances, les étudiants de ces sections devraient en connaître beaucoup plus à ce sujet, être mieux formés à ce niveau. J'ai réalisé ce problème notamment lorsque j'ai fait un exposé sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, dans une classe de futurs conseillers sociaux, à la Haute Ecole Provinciale de Charleroi. Il s'était alors avéré que certains étudiants n'étaient pas tout à fait d'accord avec cette notion d'égalité: en gros, les femmes doivent rester à la maison, s'occuper des enfants, etc. Or, ces étudiants sont formés pour devenir chefs de personnel! Des études scientifiques ont notamment démontré que souvent, les garçons machos avaient été des enfants qui n'avaient pas bien vécu le fait que leur mère travaillait, qui n'avaient pas bien vécu ses absences.

 

5. Les chefs de personnel reconnaissent-ils le problème de l'inégalité des chances?

Ils n'y sont pas du tout sensibles. Il existe même des inégalités totalement illégales. Prenons l'exemple d'une entreprise où le 13e mois était étroitement lié à l'évaluation, et qui évaluait plus faiblement les travailleurs absents pour plusieurs mois. Or, un congé de maternité s'élève à trois mois au moins, ce qui signifiait que les femmes en congé de maternité percevait un 13e mois beaucoup plus faible, puisque faiblement évaluées. C'est le genre typique d'inégalité dont on ne veut pas parler.

 

6. Certaines organisations s'intéressent à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Pour quelles raisons?

Elles s'y intéressent lorsqu'il existe, au départ, un problème avec les femmes. Cela peut être, par exemple, un problème de communication. En outre, certains employeurs se rendent compte qu'appliquer l'égalité permet d'éviter les "coups", comme les grèves, par exemple.

Elles peuvent aussi s'y intéresser parce que cela peut entraîner une meilleure motivation du personnel. Or, lorsque le personnel est plus motivé, la rentabilité augmente et les bénéfices aussi. C'est pour cette raison que certaines entreprises remédient au problème de la garde des enfants malades: dans ces cas en effet, le travailleur est souvent contrarié. Et donc moins productif. En outre, c'est moins cher pour l'entreprise de payer des puéricultrices à domicile plutôt que de se passer de personnel qualifié.

Mais la garde d'enfants malades à domicile n'est pas un bénéfice pour toutes les travailleuses. C'est un bénéfice pour celles qui aiment leur travail, et donc pour les cadres et les employées. Cela l'est beaucoup moins pour une ouvrière qui exécute un travail ennuyeux, répétitif et fatiguant: cette travailleuse préfère alors s'absenter pour garder son enfant malade plutôt que de se rendre à l'usine.

Bref, si on améliore les conditions de travail des femmes, celles-ci le rendent en rentabilité. Toutefois, la mentalité actuelle considère que le revenu des femmes est superflu et accessoire. Or, ce n'est pas vrai du tout. Lorsque l'homme se trouve au chômage, par exemple, c'est la femme qui devient le soutien de la famille.

 

8. Peut-on néanmoins avancer que les mentalités changent dans les milieux professionnels? Constate-t-on une évolution des mentalités?

Oui, les jeunes hommes revendiquent eux aussi du temps pour leurs enfants: ils sont plus nombreux aujourd'hui à exprimer leur désir de les voir grandir. En outre, beaucoup plus de pères aujourd'hui viennent chercher leurs enfants à l'école primaire. Mais certains hommes, plus vieux, se moquent de ces jeunes pères, ce qui a poussé le Danemark, par exemple, à entamer une campagne de sensibilisation ciblant les hommes de 40 à 50 ans, dans le cadre d'un plan "égalité des chances" mis en oeuvre dans les bureaux de postes du pays.

Toutefois, c'est dès la naissance que les bonnes habitudes se prennent: c'est dès le début que les garçons doivent participer aux tâches familiales, ménagères. Néanmoins, certaines femmes n'apprécient pas la présence grandissante des hommes auprès des enfants: c'est un peu comme si elles sentaient le pouvoir leur échapper. La maternité représente donc encore un pouvoir pour les femmes.

D'autres expériences sont menées actuellement dans d'autres pays, pour modifier le rôle de la femme et celui de l'homme. Un projet de loi en Roumanie permet par exemple aux pères de bénéficier d'un congé de paternité de 15 jours (3 X 5 jours), dont 10 jours sont consacrés à des cours de puériculture. Pour le moment, cette mesure est seulement appliquée dans la fonction publique.

 

9. Les structures d'accueil sont-elles en nombre suffisant en Belgique?

Je crois qu'il n'y en a pas assez mais le manque n'est pas aussi important qu'on nous le fait croire. Il y a surtout une mauvaise répartition géographique de l'offre: les communes riches comptent plus de places pour moins d'enfants, tandis que les communes pauvres comptent souvent plus d'enfants pour moins de places. On souligne tellement le manque de place que cela suscite la peur des parents, qui vont parfois jusqu'à s'inscrire dans plusieurs centres d'accueil, pour être sûr d'avoir au moins une demande satisfaite. Cette attitude a des effets pervers: lorsqu'une de leurs demandes est satisfaite, les parents n'en informent pas les autres centres de garde. De ce fait, des places qui devraient être libérées ne se libèrent pas. Pour éviter cela, certaines crèches bruxelloises demandent aux parents de verser un acompte.

Il faut aussi noter que les structures de garde d'enfants ne répondent pas toujours aux demandes de flexibilité des entreprises. Bien que les gens soient parfois amenés à travailler le soir, le week-end, les crèches ne sont pas toujours ouvertes à ces moments-là. Dans ces cas, ce sont les grands-parents qui comblent les "manques" et s'occupent des enfants.

10. Toutes les femmes désirent-elles de meilleures structures d'accueil pour les enfants?

Si elles exerçent un travail ennuyeux, non. Dans le milieu ouvrier, par exemple, le travail est valorisant pour l'homme: c'est une fièreté pour lui de pourvoir décemment aux besoins de toute la famille. Ce ne l'est pas par contre pour l'ouvrière: rester à la maison pour garder l'enfant malade est un moyen pour elle d'échapper à un travail ennuyeux.

11. Le temps partiel est-il, le plus souvent, imposé par l'employeur?

La plupart du temps, il est imposé par l'employeur: c'est le cas dans les grands magasins. Or, l'ONE connaît une période de restructuration, et les crèches ne sont pas enthousiastes quant à accueiller des enfants dont les parents travaillent à temps partiel.

Lorsqu'elles sont jeunes, les femmes ne souhaitent pas le temps partiel: pour cette raison, les femmes peu qualifiées acceptent d'exercer un travail ennuyeux. Les choses changent quand elles ont des enfants.

Mais on ne peut pas comparer le temps partiel d'une caissière avec celui d'une cadre qui travaille à 90 %: le cadre de travail de la femme manager n'est pas défavorisé (la femme cadre, même si elle travaille à 90 %, a toujours la possibilité de suivre des formations).

Enfin, les horaires des emplois à temps partiel ne correspondent pas toujours aux heures où les enfants sont à l'école: dans le secteur du nettoyage, par exemple, bien que l'emploi à temps partiel passe pour un moyen de concilier vie familiale et vie professionnelle, les femmes travaillent au moment où les enfants sont à la maison. En outre, le travail à temps partiel ne convient pas à tous les secteurs d'activités (exemple: dans la société MIO, le temps partiel ne convient pas à l'organisation du travail).

 

12. En général, est-il plus avantageux pour l'employeur d'avoir deux part-time plutôt qu'un full time? Dans quel secteur le temps partiel est-il plus avantageux pour l'employeur?

Deux part-time sont plus avantageux à l'employeur qu'un temps plein lorsqu'il perçoit des primes à l'embauche.

Il existe aussi des avantages au point de vue de la gestion de la main-d'oeuvre. Il est plus avantageux d'imposer des heures supplémentaires à des travailleurs à temps partiel qu'à des travailleurs à temps plein. Il s'agit d'être un peu inventif: à Hewlett Packard à Grenoble, ce genre de formule attirent aussi les hommes.

En tout cas, le temps partiel tel qu'il est pratiqué dans les supermarchés ne permet pas de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, même s'il représente un avantage au niveau de l'organisation du travail.

13. Le temps partiel représente-t-il l'inégalité essentielle entre les femmes et les hommes? N'a-t-il pas été encouragé par le gouvernement?

Le temps partiel veut tout dire et ne rien dire: il faut distinguer les 4/5 et les part-time (les conséquences sont différentes dans l'un et l'autre cas). De plus, outre le fait que les part-time soient moins syndiqués, ils ne peuvent pas bénéficier du congé-éducation payé.

Actuellement, on est évidemment face à des attitudes paradoxales: d'une part, certains manifestent un accord de principe pour l'égalité entre les hommes et les femmes, manifestent même leur soutien aux féministes, mais d'autre part, on développe les part-time et on soutient davantage le travail des hommes que celui des femmes.

 

14. Pensez-vous que les employeurs hésitent encore à confier un poste de management à une femme?

Apparemment oui, puisqu'en Belgique, 12 % des cadres sont des femmes. Dans tous les autres pays, les femmes cadres sont plus nombreuses. Pourtant, les femmes belges ne sont pas moins diplômées que dans les autres pays.

En outre, en Espagne, il n'y a pas de temps partiel: là-bas, le part-time coûte très cher. Au Royaume-Uni, le job-sharing se développe beaucoup: c'est une formule qui permet aux cadres de travailler pour 2 ou 3 entreprises en même temps (on parle d'emplois à temps partagé).

 

15. Pensez-vous que la femme jouera à l'avenir un rôle de plus en plus important au sein des entreprises?

Oui, à tous les niveaux. Malgré le pessimisme que certains manifestent au sujet du travail des femmes, celui-ci connaît une phase ascendante continue. Mais les femmes ne doivent pas seulement viser le pouvoir politique: elles doivent aussi être présentes dans le pouvoir économique.

 

16. Avez-vous le sentiment que les femmes progressent? Comment peut-on sensibliser les entreprises afin qu'elles progressent davantage?

Elles progressent lentement. Mais il vaut mieux que ce soit lent et durable: cela permet ainsi des changements profonds.

Pour mieux sensibiliser les entreprises, il faut mener de véritables actions de sensibilisation avec de vrais moyens (ce qui n'est pas le cas aujourd'hui). Il faut aussi davantage d'hommes que de femmes dans les crèches, plus souplesse dans les horaires des garderies: cela permettrait peut-être un changement plus rapide.

Enfin, ce qui fonctionne bien au niveau de la sensibilisation des entreprises, c'est le "business to business" (cela fonctionne moins bien dans le cas où ce sont les fonctionnaires qui font la démarche vers elles).

En outre, il faut impliquer davantage d'hommes dans le changement: cela ne doit pas rester une histoire de femmes, entre femmes et pour les femmes. On ne parviendra pas à faire de toutes les femmes des hommes et de tous les hommes des femmes. Il ne faut pas non plus penser que la sensibilisation à l'égalité des chances est forcément plus facile dans les entreprises dirigées par des femmes: certaines femmes sont tout aussi "dures" que certains hommes. Les assemblées de femmes chefs d'entreprise ne sont pas plus ouvertes à l'égalité que celles des hommes. Certaines femmes ont connu tellement de difficultés pour avancer au cours de leur carrière qu'elles sont devenues encore plus inflexibles que les hommes machos: en ce qui me concerne, il me semble plus facile de négocier avec un employeur macho qu'avec ce type de femme.

B I B L I O G R A P H I E

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GERARD (I.) et LAMBOTTE (J.), op. cit., p. 37. Idem, p. 38.

MAJNONI d'INTIGNANO (B.), op. cit., pp. 210 - 211.

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GERARD (I.) et LAMBOTTE (J.), op. cit., p. 12.

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MAJNONI d'INTIGNANO (B.), op. cit., p. 38.Idem, p. 39.Idem, p; 32.Idem, p. 33.Idem, p. 31.

MAJNONI d'INTIGNANO (B.), op. cit. pp. 34 - 35.Idem, p. 39.

GENNARI (G.), op. cit., p. 23.PERILLON (M.-C.), op. cit., p. 91.Idem, p. 94.Idem, p. 96Idem, p. 98.

GERARD (I.) et LAMBOTTE (J.), op. cit., p. 27.

PERILLON (M.-C.), op. cit., p. 110.Idem, p. 114.Idem, p. 118.Idem, p. 119.Idem, p. 120.

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GERARD (I.) et LAMBOTTE (J.), op. cit., p. 60.Idem, p. 63.Idem, p. 73.Idem, p. 74.

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Chiffre incomplet: 90 %.

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