GUIDE POUR L’ÉVALUATION DE
L’IMPACT SELON LE GENRE

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Dimension de genre

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Commission Européenne
Emploi & affaires sociales
Egalité entre femmes et hommes
Unité V/D.5 - octobre 1997

Le contenu de la présente publication ne reflète pas nécessairement l'avis ou la position de la direction générale "Emploi, relations induustrielles et affaires sociales" de la Commission européenne.

Reproduction autorisée, moyennant mention de la source.
Doc. EQOP 42-97fr
DG V/D/5
8 octobre 199
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  1. INTRODUCTION

    Des décisions politiques qui semblent neutres sous l’angle de l’égalité entre les sexes peuvent avoir un impact différent sur les femmes et les hommes, même lorsque cette conséquence n’était ni prévue, ni envisagée. Il est procédé à une évaluation de l’impact selon une perspective de genre pour éviter des conséquences négatives non intentionnelles et améliorer la qualité et l’efficacité des politiques.

    La plate-forme globale d’action, adoptée à la Quatrième conférence mondiale sur les femmes qui s’est tenue à Pékin en 1995, invite les gouvernements et les autres acteurs à encourager l’adoption de mesures énergiques et visibles visant à assurer la prise en compte de la problématique hommes-femmes dans toutes les politiques et tous les programmes afin d’en analyser les conséquences sur les hommes et les femmes, respectivement, avant toute prise de décision. L’évaluation de l’impact selon une perspective de genre est un outil qui permet de le faire. En février 1996, la Commission a adopté une communication sur le "mainstreaming", à savoir l’intégration de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans l’ensemble des politiques et actions communautaires comme première étape vers la concrétisation de l’engagement de l’Union européenne vis-à-vis de l’intégration de l’égalité femmes/hommes au niveau communautaire. Dans une "document stratégique" de suivi de la Communication, approuvé en février 1997 par le groupe interservices de la Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, l'evaluation de l'impact selon le genre dans les services de la Commission figure parmi les mesures prioritaires.

    Le traité d’Amsterdam formalise l’engagement vis-à-vis de l’intégration au niveau européen, en mentionnant explicitement que "la Communauté cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité, entre les hommes et les femmes", parmi les tâches et les objectifs de la Communauté (articles 2 et 3 du TCE).

    L’évaluation de l’impact selon le genre a été largement utilisée dans le domaine de la coopération au développement, dans lequel une formation et des outils appropriés ont été mis en œuvre. Dans le prolongement de la Conférence de Pékin, l’évaluation de l’impact selon le genre a été adoptée par un certain nombre de gouvernements européens comme instrument de mise en œuvre de l’intégration. Le présent guide s’inspire largement de l’expérience acquise jusqu’ici, et en particulier du travail de Mieke Verloo, présidente du groupe d’experts de l’intégration au Conseil de l’Europe.

    Ce guide pour l’évaluation de l’impact sur les hommes et les femmes a été conçu pour s’adapter aux besoins spécifiques de chaque Direction Générale et de chaque domaine, selon le cas. Des exemples fournis par toutes les DG et dans tous les domaines pourraient, à l’avenir; être annexés au guide pour améliorer son utilité.

  2. LES CONCEPTS DE BASE
  3. Un certain nombre de concepts sont au cœur de la stratégie d’intégration de la politique d’égalité entre les femmes et les hommes. Ils peuvent être définis comme suit:

    Sexe et genre

    Les différences qui existent entre les hommes et les femmes sont de nature biologique et sociale.

    Le sexe fait référence aux différences biologiques existant entre les hommes et les femmes, qui sont universelles.

    Le genre fait référence aux différences sociales entre les femmes et les hommes, qui sont acquises, varient au fil du temps et enregistrent d’importantes variations tant à l’intérieur des cultures qu’entre elles.

    Exemple: Si seules les femmes peuvent donner la vie (différence biologiquement déterminée), la biologie ne détermine pas qui élèvera les enfants (comportement sexué).

    Égalité entre les femmes et les hommes

    Par égalité entre les "genres", nous indiquons que tous les êtres humains sont libres de développer leurs aptitudes personnelles et de procéder à des choix sans être limités par des rôles de genre stricts; que les différences de comportements, aspirations et besoins entre les femmes et les hommes ont la même valeur et la même faveur. L’égalité formelle (de jure) n’est qu’un première étape vers l’égalité matérielle (de facto). Un traitement inégal et des mesures d’incitation (action positive) peuvent être nécessaires pour compenser la discrimination passée et présente. Les différences entre les "genres" peuvent être influencées par d’autres différences structurelles, telles que la race, l’ethnicité et la classe. Ces dimensions (et d’autres telles que l’âge, le handicap, l’état civil, l’orientation sexuelle) peuvent également être utiles à notre évaluation.

    Mainstreaming

    Dans la communication de la Commission sur le mainstreaming (COM(96) 67 final), le "mainstreaming" est défini comme le fait de "ne pas limiter les efforts de promotion de l’égalité à la mise en oeuvre de mesures spécifiques en faveur des femmes, mais de mobiliser explicitement en vue de l’égalité l’ensemble des actions et politiques générales".

    La dimension égalité entre les hommes et les femmes devrait être prise en compte dans toutes les politiques et toutes les activités, au stade de la planification, de la mise en oeuvre, du suivi et de l’évaluation.

  4. PERTINENCE AU REGARD DU GENRE
  5. Il ne faut pas oublier que la dimension hommes-femmes est une différence structurelle qui affecte toute la population. Ni les femmes ni les hommes ne devraient être traités comme un groupe d’intérêt particulier parmi d’autres. Bien au contraire, le "genre" affecte, et renforce même souvent, les différences et les vulnérabilités en fonction d’autres différences structurelles telles que la race, l’ethnicité, la classe, l'âge, le handicap, l’orientation sexuelle, etc.

    Une étude plus approfondie peut révéler que des politiques qui semblent neutres sous l’angle de l’égalité entre les sexes affectent différemment les femmes et les hommes. Pourquoi? Parce qu’il existe des différences substantielles dans les vies des femmes et des hommes dans la plupart des domaines, différences qui peuvent expliquer le fait que des politiques apparemment neutres ont un impact différent sur les femmes et les hommes et renforcent les inégalités existantes. Les politiques qui s’adressent à des groupes cibles/de population, ou qui ont des implications nettes pour ces groupes sont, par conséquent, à un degré plus ou moins grand, importantes du point de vue du "genre".

    VÉRIFICATION DE LA PERTINENCE AU REGARD DU GENRE

    Dans un processus d’intégration de l’égalité hommes-femmes, la première étape consiste à voir s'il y a une pertinence au regard du genre pour la politique en question. Afin de le savoir, il faut se procurer des données réparties par sexe, les étudier et poser les bonnes questions:

    * la proposition concerne-t-elle un ou plusieurs groupes cibles ? Affectera-t-elle la vie quotidienne d’une ou de plusieurs parties de la population ?

    * existe-t-il, dans ce domaine, des différences entre les femmes et les hommes (en ce qui concerne les droits, les ressources, la participation, les valeurs et les normes liés à l’appartenance à un sexe) ?

    Si la réponse à l’une de ces deux questions est positive, il y a une spécificité de genre. Il faut alors évaluer l’impact potentiel de la proposition sur les hommes et les femmes.

     

  6. ÉVALUATION DE L’IMPACT SELON LE GENRE

L’évaluation de l’impact selon le genre doit intervenir lorsqu’il est constaté qu’une politique donnée a des implications pour les relations hommes-femmes. L’évaluation donne de meilleurs résultats si elle est pratiquée à un stade précoce du processus décisionnel pour permettre, le cas échéant, d’apporter à ces politiques des modifications, voire même une réorientation importante.

Évaluer l’impact selon le genre signifie comparer et apprécier, en fonction de critères en rapport avec le "genre", la situation et la tendance actuelles avec l’évolution espérée à la suite de l’introduction de la politique proposée.

Pour procéder à l’évaluation de l’impact selon le genre, il vous faut prendre en compte les différences qui existent entre les femmes et les hommes, qui ont trait à votre domaine (voir 1. ci-dessous) afin de vous assurer que la proposition sur laquelle vous travaillez contribue à l’élimination des inégalités et à la promotion de l’objectif communautaire d’égalité entre les femmes et les hommes, prévu aux articles 2 et 3 du traité d’Amsterdam (voir 2. ci-dessous).

Pour les besoins de votre analyse, il vous faudra des données réparties par sexe. Il faut également une certaine connaissance de la dynamique des rapports entre les sexes et de la politique communautaire en matière d’égalité. Si ce n’est pas le cas, il convient de se procurer les informations et l’expertise nécessaires (selon le cas, auprès d’Eurostat, du fonctionnaire de votre DG désigné pour s’occuper de l’intégration de l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’Unité Égalité des chances DGV/D/5 ou encore auprès d’experts extérieurs).

CRITÈRES POUR L'ÉVALUATION DE L’IMPACT SELON LE GENRE

1. Différences entre les femmes et les hommes dans le domaine en question, par exemple:

* la participation (répartition du(des) groupe(s) cible(s) de la population par sexe, représentation des femmes et des hommes aux postes de prise de décision).

* les ressources (répartition de ressources cruciales telles que le temps, l’espace, l’information et l’argent, le pouvoir politique et économique, l’éducation et la formation, le travail et la carrière professionnelle, les nouvelles technologies, les services de santé, le logement, les moyens de transport, les loisirs).

* les normes et les valeurs qui influencent les rôles des hommes et des femmes, la division du travail en fonction du sexe, les attitudes et comportements des femmes et des hommes, respectivement, ainsi que les inégalités dans la valeur attachée aux hommes et aux femmes ou aux caractéristiques masculines et féminines.

* les droits concernant la discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, les droits de l’homme (y compris la liberté vis-à-vis de toute violence et dégradation sexuelles) et l’accès à la justice dans un environnement juridique, politique ou socio-économique.

2. Comment les politiques européennes peuvent-elles contribuer à éliminer les inégalités existantes et promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes (conformément aux articles 2 et 3 du traité d’Amsterdam) au niveau des taux d’activité, de la répartition des ressources, des prestations, des tâches et des responsabilités dans la vie publique et privée, dans la valeur et l’attention accordées à l’homme et à la femme, aux caractéristiques masculines et féminines, au comportement et aux priorités ?

LA PERTINENCE AU REGARD DU GENRE – QUELQUES EXEMPLES

Dans les exemples qui suivent, les références aux principaux critères d'évaluation, à savoir le taux d’activité, les ressources, les droits, les normes et les valeurs sont indiquées en caractères gras.

Exemple: Si l’on s’intéresse à un secteur apparemment neutre, tel que les transports, un examen plus attentif révélera des différence substantielles entre les femmes et les hommes dans les modalités d’utilisation et d’accès aux moyens de transport publics et privés. Les femmes ont moins souvent que les hommes accès à une voiture privée et utilisent plus fréquemment les transports publics. En conséquence, elles ont beaucoup à gagner d’améliorations concernant la disponibilité et le coût des transports publics. Ces inégalités ont des implications pour le taux d’activité des femmes et des hommes, respectivement, parmi divers groupes cibles du secteur des transport et sont influencées par un déséquilibre entre les sexes chez les décideurs de ce secteur. Ces inégalités reflètent des différences entre les deux sexes dans la répartition des ressources (par exemple une voiture privée) et renforcent les inégalités existantes relatives aux contraintes de temps (dans la mesure où une voiture privée représente un gain de temps). Le processus de prise de décision au sein de la famille concernant l’utilisation d’une ressource limitée, telle que la voiture familiale, est susceptible d’être influencé par des normes et valeurs sociales quant à l’importance relative attribuée aux besoins du mari et de la femme respectivement.

Exemple: Lorsqu’on réglemente le temps de travail ou les droits et contraintes relatifs au travail à temps partiel, les différences entre les sexes relatives au temps consacré à un travail rémunéré et non rémunéré devraient être prises en considération. La grande majorité des travailleurs à temps partiel sont des femmes. Les femmes passent en moyenne deux tiers de leur temps de travail en activités non rémunérées, les hommes un tiers seulement. Ce sont là des différences qui se répercutent sur le taux d’activité par sexe (niveau d’activité économique) et sur la répartition des ressources (temps, revenus, possibilités de carrière). Les normes et les valeurs contribuent aux choix sexués dans l’éducation et la carrière ainsi que dans la répartition interne des tâches et des responsabilités dans le ménage. Les différences au niveau des droits des travailleurs à temps plein et à temps partiel auront des répercussions différentes sur les femmes et les hommes. L’évaluation de l’impact sur l’égalité entre les sexes contribuera à empêcher que "votre" proposition de politique ne vienne encore renforcer les différentes existantes au niveau du taux d’activité, de la répartition des ressources, des normes et des valeurs discriminatoires et de la discrimination structurelle directe ou indirecte.

Il ne faut pas oublier que les femmes et les hommes sont porteurs de rôles liés à leur "genre". Les politiques sont sensibles aux "genres" si elles tiennent compte des particularités propres aux vies des femmes et des hommes, tout en visant à éliminer les inégalités et à promouvoir une répartition égale des ressources. Les femmes ne sont pas seules à être susceptibles de tirer profit de l’égalité entre les sexes et d’une répartition égale entre les sexes des profits, des tâches et des responsabilités, les hommes et la société dans son ensemble le sont aussi. L’article 119, paragraphe 4, du traité d’Amsterdam autorise explicitement l’action positive dans le domaine de l’emploi et des activités professionnelles en faveur du sexe sous-représenté.

Exemple:

Dans le cadre du Plan d’action pour le marché unique, la déségrégation de l’emploi devra être sérieusement envisagée comme une approche permettant d’éliminer les rigidités du marché du travail. Les politiques de déségrégation de l’emploi ont traditionnellement tenté d’élargir les choix professionnels des femmes. Ces efforts doivent être poursuivis mais il faut les compléter par une action positive visant à promouvoir la participation des hommes à des professions "féminines" (ségrégation hommes-femmes horizontale). La division actuelle du travail par sexe est un obstacle à la flexibilité du marché du travail et restreint le nombre de candidats potentiels pour tout poste vacant. Le "plafond de verre" reste une barrière à l’accès des femmes à des postes élevés (ségrégation hommes-femmes verticale). Avec la tendance démographique actuelle au vieillissement de la population et à une participation accrue des femmes à la main-d’oeuvre, les possibilités d’emploi dans le secteur des soins (enfants, personnes âgées et autres personnes à charge) augmenteront probablement. Les mesures d’incitation (droits) pour promouvoir la participation des hommes au secteur des soins pourrait contribuer à répondre aux besoins croissants en main-d’oeuvre dans ce secteur. Cela pourrait offrir de nouvelles possibilités d’emploi à des hommes non qualifiés et semi-qualifiés, tout en promouvant une plus grande égalité dans la répartition du travail entre les femmes et les hommes. Une action positive en faveur des hommes concernant des professions soigneusement sélectionnées liées à la garde des enfants (garde des enfants, protection infantile, école primaire) a été lancée en Norvège. L’idée sous-jacente est que de nouveaux modèles de rôles masculins auront un impact positif sur la socialisation hommes-femmes des garçons et des filles. Elle peut aussi contribuer à modifier les normes et valeurs existantes concernant le travail des hommes et des femmes. Le problème des bas salaires dans les professions "féminines"(ressources) constitue un obstacle supplémentaire au recrutement de personnel masculin pour occuper ces emplois. Mais si les hommes étaient mieux représentés dans ces professions, cela aurait sans doute un impact positif sur le niveau des salaires.

Par ailleurs, les politiques qui concernent, par exemple, la réglementation des systèmes de contrôle du trafic aérien ou la dimension et la forme des produits agricoles destinés à la commercialisation n’ont que peu d’utilité en ce qui nous concerne.